Parisiens, il ne vous reste plus que quelques heures pour profiter des Autolib'.
À 23 h 59 précises ce mardi, le service d'autopartage automobile du groupe Bolloré coupe le contact. Après sept ans d'activité, ses 4 000 Bluecar, ces petites voitures électriques grises, commencent déjà à disparaître des rues de la capitale et de l'Île-de-France, laissant pour seuls stigmates leurs 6 000 bornes de recharge électrique et leurs «totems», ces petits espaces de réservation.
Quelques mois seulement après le fiasco de la relance des Vélib', ce nouveau naufrage met à mal la stratégie de mobilité individuelle antipollution déployée ces dernières années par la maire de Paris, Anne Hidalgo. À l'inverse de Smovengo, l'opérateur des Vélib', qui dispose finalement d'un sursis jusqu'à la rentrée pour déployer ses bicyclettes, l'arrêt des opérations des Autolib' s'est fait, lui, brutalement.
Bataille de chiffres
Lourdement déficitaire, le service d'autopartage du groupe Bolloré a été résilié le 21 juin par le Syndicat mixte Autolib' Vélib' Métropole (SAVM, qui réunit 103 communes dont Paris). Depuis, les deux parties se rejettent la responsabilité de cet accident industriel. Fiasco financier, l'aventure Autolib' vire à la foire d'empoigne où chaque partie y va de sa facture.
Marie Bolloré, directrice générale des applications mobilité du groupe familial, chiffre à «environ 250 millions d'euros» le coût total des indemnisations que lui doit le syndicat mixte. À fin 2017, les pertes d'Autolib' s'élevaient à 210 millions d'euros, dont 60 millions sont contractuellement à la charge du groupe Bolloré. «Il nous restera donc à recouvrer 150 millions d'euros, auxquels vont s'additionner tous les contrats que l'on arrête, les coûts de départ des collaborateurs, les valeurs nettes comptables de biens, comme les bornes de charge. Cela se chiffre à environ 250 millions», estime sa directrice générale. «Près de 500 personnes travaillent pour le service Autolib' dont 260 sont directement salariées par notre groupe», souligne-t-on en interne pour justifier ces surcoûts.
Ce chiffrage fait bondir la Mairie de Paris, principal actionnaire du syndicat mixte. «Le groupe Bolloré a la calculette facile», note un proche de la maire, Anne Hidalgo. Pour Catherine Baratti-Elbaz, présidente du syndicat mixte et maire PS du XIIe arrondissement de Paris, les propos de Marie Bolloré sont «indécents». «Penser que les 103 collectivités que je représente vont prendre cette estimation pour argent comptant et la faire payer aux contribuables est inadmissible… On parle d'argent public», s'insurge l'élue. Celle-ci espère que les discussions avec le groupe Bolloré, «jamais rompues même si elles restent très tendues», vont permettre d'avancer d'ici la réunion de son comité syndical, courant septembre. Mais rien n'est moins sûr. Son syndicat, qui se prépare à lancer des audits externes, estime la facture plus proche des 50 millions d'euros, soit cinq fois inférieure au montant annoncé par Marie Bolloré.
PSA et Renault à la relève
En attendant, les remplaçants d'Autolib' se préparent déjà à prendre la relève en coulisses. Premier à se lancer, Renault devrait proposer dès la rentrée son propre service d'autopartage de voitures électriques (Twizy, ZOE), en partenariat avec le loueur ADA. Autre concurrent prêt à s'attaquer au marché parisien, le groupe PSA peaufine son offre Free2Move, qui prévoit d'opérer plusieurs centaines de véhicules électriques (C-Zero et iOn) dès son lancement, prévu avant la fin 2018.
L'expérience d'Autolib' devrait à coup sûr servir les stratégies de Renault et Peugeot. «Autolib' est une expérimentation qui marquera les esprits et qui a fait évoluer nos usages, dont Paris peut être fier d'avoir été le précurseur, note Joël Hazan, directeur associé au Boston Consulting Group. Elle démontre aussi qu'il est illusoire de penser qu'un tel service de transport public puisse être rentable sans subvention.»
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