Ce 3 mai est la 26e e?dition de la Journe?e mondiale de la liberte? de la presse. Si le Pakistan a connu une baisse des assassinats de journalistes, leur situation s’est néanmoins fortement dégradée. Le pays des purs a perdu en 2018 trois places dans le classement mondial de la liberté de la presse, chutant à la 142e position sur 180. Les journalistes évoquent les agressions, les rapts, les campagnes d’intimidations, les menaces dont ils sont victimes. Reportage.
Avec notre envoyée spéciale à Islamabad, Sonia Ghezali
Capital Talk est un talk-show politique animé sur la chaine de télé privée Geo News. Aux manettes, il y a le journaliste Hamid Mir. « En 2012 une bombe a été placée sous ma voiture, j’ai miraculeusement réchappé à l’attentat. Les Talibans l’ont revendiqué. Deux ans après en 2014, j’ai été attaqué à Karachi, j’ai reçu 6 balles dans le corps. Ma famille et moi avons accusé les services de renseignement pakistanais », raconte-t-il.
Hamid Mir ne circule plus qu’en voiture blindée et entouré de gardes du corps. Sous la pression et les menaces, il a dû modifier sa façon de travailler. La veille de cette interview, les disparitions dans la région sensible du Baloutchistan étaient le thème de son émission.
« J’accusais encore une fois les services de renseignement, mais je ne les ai pas nommés, explique le journaliste. J’ai dit " vous savez qui a kidnappé ces militants politiques, vous savez qui les a tués, vous savez qui a jeté leurs cadavres dans les rues. Et le public comprend très bien ".».
Cette autocensure s’est généralisée, déplore de Iqbal Khattak, représentant de Reporters sans frontières (RSF) au Pakistan :
« L’article 19 de la Constitution dit que chaque citoyen doit avoir le droit à l’information libre et à la liberté d’expression, mais en même temps la Constitution vous interdit de critiquer les institutions étatiques comme l’armée, la justice ou la religion. »
Ceux qui transgressent la règle s’exposent à des poursuites judiciaires couteuses et longues. Le cas le plus récent est celui de Shahzeb Jillani. Le journaliste d’investigation risque quatorze ans de prison pour des « remarques diffamatoires contre les institutions du Pakistan ».
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