Les hommes sont nés dans un petit hôpital rural canadien au Manitoba à quelques heures d’intervalle. Des tests ADN leur ont permis de se rendre compte de la méprise.
Les tests ADN ont parlé. Richard Beauvais et Eddy Ambrose, deux hommes canadiens ont appris il y a deux ans, à la suite de tests ADN, qu’ils avaient été échangés à la naissance. L’erreur s’est produite il y a 67 ans, à l’hôpital municipal d’Arborg, au Manitoba (Canada) où les deux hommes, nés à quelques heures d’intervalle, ont été remis à la mauvaise famille, d’après un article du New York Times publié mercredi 2 août.
L’histoire commence lorsque la fille de Richard Beauvais décide de retracer son arbre généalogique pour connaître ses racines autochtones. Elle demande alors à son père, âgé de 65 ans à l’époque, de faire un test ADN. Et les résultats sont surprenants. Le test n’a révélé aucune origine autochtone ou française, mais un mélange d’ascendance ukrainienne, juive ashkénaze et polonaise.
Premier contact
L’homme d’affaires a tout de suite considéré qu’il s’agissait d’une erreur. En effet, Richard Beauvais est censé être le fils de Camille Beauvais un canadien-français et de Laurette, une métisse crie et canadienne-française. Le test aurait donc dû révéler des origines autochtones.
Mais à la même époque, un autre homme, curieux de mieux connaître sa famille et ses origines, a réalisé un test génétique qui, lui aussi, s’est avéré trompeur. Eddy Ambrose avait grandi en écoutant des chansons ukrainiennes et en assistant à la messe en ukrainien. Or le test révélait qu’il n’était pas du tout d’origine ukrainienne, mais qu’il était métis.
Via le site web des tests ADN les deux hommes sont rapidement arrivés à la conclusion qu’ils avaient été échangés à la naissance. Ils ont alors établi un premier contact par téléphone. D’après le New York Times Richard Beauvais a tout de suite essayé de détendre l’atmosphère avec une blague. Mes parents « ont regardé les deux bébés, [ils] ont pris le mignon et laissé le laid derrière », a-t-il ironisé.
Ainsi pendant 65 ans chacun a mené la vie de l’autre. Mais cette révélation les a poussés à retracer le passé de l’un et l’autre et à imaginer l’enfance qu’ils auraient eue.
Deux enfances radicalement différentes
Richard Beauvais a eu une enfance difficile, traumatisante en raison des politiques brutales du Canada envers les peuples autochtones. Son père est décédé d’une maladie lorsque le garçon avait 3 ans. Sa mère, Laurette, l’a alors emmené avec ses deux sœurs dans sa ville natale, Saint-Laurent (arrondissement de la ville de Montréal). Ils y ont vécu avec leurs grands-parents dans une maison modeste. La famille parlait cri (un dialecte du nord du Québec) et français.
À la mort de ses grands-parents, Richard Beauvais a dû s’occuper de ses sœurs. Et vers ses 9 ans, il a été retiré à sa famille dans le cadre de la rafle des années 60 et envoyé dans un pensionnat pour Autochtones. Il a terminé de grandir dans le Manitoba rural, où les communautés autochtones et blanches se côtoyaient et a fini par s’installer en Colombie-Britannique, où il est devenu pêcheur commercial.
Eddy Ambrose, lui, a eu une éducation heureuse et insouciante imprégnée de la culture catholique ukrainienne de sa famille et de sa communauté, mais séparée de son véritable héritage. Il se souvient d’avoir grandi chéri et protégé par ses parents et ses trois sœurs aînées.
« Richard m’a dit que je n’aurais probablement pas survécu (à l’enfance qu’il a vécue, ndlr), c’était trop brutal », a déclaré Eddy Ambrose. « Et je me suis dit, ”eh bien, peut-être que je suis content de ne pas être là, mais, d’une certaine manière, c’est triste pour lui d'’avoir vécu ça“ ».
Une poursuite judiciaire engagée
Après les révélations, Eddy Ambrose s’est mis à explorer ses origines, nouant des contacts avec une de ses sœurs biologiques qui vivait à proximité et commençant à faire du perlage, un artisanat traditionnel métis.
Avec son avocat Bill Gange, il a lancé une poursuite judiciaire contre la province du Manitoba, demandant des excuses et une indemnisation. Il veut être officiellement reconnu comme métis, en partie pour que ses petits-enfants puissent bénéficier des subventions destinées au groupe.
Du côté de l’hôpital, seule une porte-parole du propriétaire actuel s’est pour le moment exprimée et a déclaré que « les registres des naissances n’étaient plus disponibles ».
Quant à Richard Beauvais, il a dit qu’il ne changerait pas la vie qu’il avait menée. « Si je pouvais retourner aujourd’hui dans cette chambre d’hôpital et changer, je ne le ferais pas, car j’ai deux belles filles, une belle épouse, trois belles petites-filles », a-t-il déclaré.
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