Arrivé avec un peu de retard à cause d’une invitation au journal de 13 h, hier, de France 2, Youssou Ndour a porté sa griffe sur les Cd de ses fans venus nombreux à la séance de dédicace. Habillé simple comme à son habitude, avec un jean bleu et une chemise blanche, le roi du mbalakh a fait face aux questions du public, après une séance de questions-réponses avec Alain Pilo, journaliste à Rfi. Il a expliqué les raisons pour lesquelles il a opté pour les sonorités peulh et pourquoi trois des membres de sa famille ont participé à la fabrication de l’album.
‘J’adore la musique du Nord’
‘Je voudrais saluer le public, surtout les enfants qui sont assis devant. Rokku Mi Rokka porte une musique du Nord du Sénégal qui se trouve à la racine de toutes ces musiques. Avant de recevoir d’autres genres musicaux, nous en avons beaucoup donné avec ces gammes, ces rythmes, ces découpages non formatés, non connus jusqu’ici. ‘Cette musique du Nord du Sénégal n’est pas populaire chez nous. C’est une musique que je respecte beaucoup. Elle est extraordinaire au niveau des découpages, des mélodies. Chez nous, c’est la musique qui part de la langue de l’ethnique wolof et qu’on appelle Mbalakh qui est plus populaire. Mais la musique qui vient du Nord est partagée par le Sénégal, la Mauritanie et le Mali. C’est une musique que j’adore, que je veux présenter dans cet album. Parce que c’est une musique qui nous concerne, qui nous entoure’.
‘Un album doit s’ouvrir aux autres’
L’approche que j’ai prise de travailler avec la famille, me permet d’être sûr de la sincérité de la démarche des gens avec qui je suis. On est aussi sûr qu’ils fourniront toujours un plus. Et mes frères qui travaillent avec moi, ont grandi avec un tel concept. C’est une autre approche de ce que nous faisons. ‘Mais un album doit également s’ouvrir aux autres. Et c’est ainsi que nous avons fait appel à mon groupe, mais également à d’autres musiciens. C’est le cas de Néné Cherry que j’ai invitée à participer à l’album. D’ailleurs, si vous écoutez le titre Wake Up, vous constaterez que la musique est beaucoup plus dans mon style. On a voulu porter d’abord un message aux Africains, parler entre nous, faire passer un message de l’Afrique vers l’Occident qui ne détecte pas souvent toutes les images positives de l’Afrique. ‘Vous savez que les Peulh sont l’une des ethnies qui traversent toute l’Afrique. Néné Cherry est, par exemple, une Peulh originaire de la Sierra Leone. Il était important pour moi qu’elle participe à cet album à cause du message à délivrer.
Pourquoi la participation d’Ousmane Gangué
‘Ousmane est né à Nouakchott. C’est un garçon qui a beaucoup de talent. Il a fait un album au plan local qui marche très bien. Quand on travaille autour d’un concept comme celui-là, on sait à qui faire appel. Ousmane vient de ce terroir culturel du Nord que se partagent la Mauritanie (son pays d’origine), le Sénégal et le Mali. Il connaît donc mieux que moi cette musique. Il fallait m’entourer de gens qui puissent apporter quelque chose à ce que je veux faire. Et cela me fait plaisir d’avoir eu la voix d’Ousmane Gangué ainsi que l’apport de Bâ Mody qui est un chanteur guitariste compositeur qui habite la Mauritanie, mais qui fréquente aussi cette zone du Nord’.
4 4 44
‘Cela parle de l’indépendance du Sénégal. Cela veut dire tout simplement que le Sénégal fête son indépendance le 4 avril 2004 qui est aussi sa 44e année d’indépendance. Je trouvais que ce sont des 4 qui s’alignent pour la première fois, et peut-être pour la dernière fois. C’est pourquoi j’ai voulu composer une chanson pour célébrer cela. C’est une chanson qui est très connue. Si ce titre figure sur ce nouvel album, c’est que j’ai voulu qu’il soit un titre fédérateur. Je parle dans ce titre de la cuisine sénégalaise. C’est chaud dans la cuisine, c’est très bon aussi. C’est une cuisine dont la saveur dégage une couleur et beaucoup d’autres choses. Les gens se préparent ; le lieu de manger n’est pas juste une table comme ça (il désigne le plateau). Il y a toute une cérémonie. C’est important de reconnaître les mérites de nos mamans, de nos cuisiniers’.
Sportif
‘La chanson devrait s’appeler fair-play. Dans le sport, que ce soit la lutte, le football, la violence n’a pas sa place. Tous ceux qui aiment le sport, veulent que cela se passe dans un esprit sportif. Reconnaître, par exemple, sa défaite ou la malchance pour un jour et se dire que, demain, ce sera un autre jour. La chanson tente ainsi d’enseigner la sportivité. Je pratique rarement le sport maintenant. Mais il m’intéresse beaucoup. C’est un élément important qui fait partie de notre quotidien’.
Commentaire sur quelques titres
Tukki : ‘Cela veut dire voyager. Le voyage est quelque chose de fantastique. Quand on a la possibilité de voyager, de découvrir d’autres choses, de se rendre compte de ce que l’on a, de ce qu’on a laissé derrière, c’est quelque chose d’extraordinaire. Je pense qu’il y a de la beauté dans le voyage : découvrir les continents, la culture, les gens qu’on rencontre. J’ai voulu marquer, malgré toutes les difficultés qui tournent autour du voyage des uns et des autres, cette beauté qu’il y a dans le voyage. ‘Mais le voyage dont je parle n’est pas nécessairement lié aux moyens. C’est le voyage au vrai sens du terme. Naguère, les gens marchaient pour aller d’une ville à une autre, d’un village à un autre ou d’un endroit à un autre, du Sud au Nord et vice versa. Je pars donc de ce principe que le voyage, ce n’est pas seulement prendre l’avion ou le train. On peut voyager dans sa tête. Il y a beaucoup de personnes qui restent à Paris, mais qui sont au courant de ce qui se passe en Asie. Et c’est beaucoup plus pratique d’imaginer des voyages sonores’.
Xel : ‘Je pense que tout tourne autour de l’intelligence et de la pensée. Je donne l’exemple de mes lunettes. Si je les porte, c’est parce que je suis un peu myope. Ce n’est pas de la frime. Quand j’ai commencé à les porter, j’ai constaté que beaucoup de jeunes de chez nous commençaient à en porter. Je leur ai dit : ‘Ce n’est pas de la frime ; il faut aller voir l’ophtalmologue’ (rires… du public) .
Pullo Ardo : ‘C’est le côté cousinage à plaisanterie qui est propre aux Toucouleur, Wolof, Sérère, Diola, etc., de chez nous. On se taquine. C’est ce qui permet à notre société de garder une grande solidarité, malgré sa diversité au niveau des langues et des ethnies’.
Baay Faal : ‘Ndar est une île magnifique qui a été la capitale du Sénégal. Dans cette ville, comme à Dakar, on trouve des Baay Faal qui sont des disciples de Cheikh Ahmadou Bamba. Ils font partie de ceux qui ont fait connaître le marabout, le guide des mourides. Ils ont une manière simple et solidaire d’approcher les choses. J’aime beaucoup l’esprit et l’image des Baay Faal auxquels je rends hommage dans ce titre’.
Concert au Bataclan le 5 novembre 2007
‘Il y aura mon groupe. Nous allons aussi présenter l’album. Ce sera un concert où les nouvelles chansons vont forcer pour passer. C’est très difficile de présenter des nouvelles chansons avant que les gens ne les découvrent. Nous allons aussi jouer d’anciens titres connus du répertoire’.
Photo de l’album
‘C’est une photo que j’ai aimée sur une série de photos que j’ai faites dans un studio. Après, j’ai fait travailler un peintre sous verre. C’est un Sénégalais qui a fait cela et je trouve que c’est beau’.
Youssou NDOUR sur l'affaire des enfants tchadiens : ‘C’est terrible cette histoire’
Avant de commencer à faire la dédicace de son nouvel album Rokku Mi Rooka à la Fnac du Forum des Halles à Paris, Youssou Ndour a été amené par le public à se prononcer sur l’affaire des enfants tchadiens qui défraie la chronique en France. Et comme à son habitude depuis quelques années, le lead vocal du Super Etoile n’a pas fait dans la langue de bois. ‘C’est fou, c’est fou cette affaire’, s’indigne le roi du Mbalakh. Avant d’enfoncer le clou avec des termes très durs : ‘Vraiment, il y a des malades (dans ce monde)’, tonne-t-il. Se rendant compte qu’il est allé très loin dans la condamnation, l’auteur de Rokku Mi Rokka prend des précautions oratoires : ‘Si toutes les informations qu’on diffuse sont confirmées par rapport à cette histoire, ce serait incroyable et ce serait terrible’. Et cela ‘démontre, selon Youssou Ndour, que les gens qui font mal ne sont pas seulement du Sud’.
Cette sortie de Youssou Ndour sur cette affaire coïncide avec la volonté du président français Nicolas Sarkozy de convaincre son homologue tchadien, Idriss Déby, de faire juger les inculpés à Paris.
Le grand bal : Bercy aura lieu le 4 avril 2008
Durant son face-à-face avec le public animé par Alain Pilo de Rfi, Youssou Ndour est revenu sur le message qu’il tente de véhiculer à travers Rokku Mi Rokka. ‘C’est un album qui recherche la musique reagge, du blues, même du latino. A travers cet album, nous voulons seulement dire qu’avant de recevoir toutes ces musiques, nous les avons données depuis l’esclavage’, explique-t-il. Voulant savoir la date exacte du concert de Bercy 2008, le public n’a pas manqué de poser la question au patron du Super Etoile. Volontiers, celui-ci informera que le concert aura lieu le 4 avril 2008, jour anniversaire de l’indépendance du Sénégal. ‘Ce sera le grand bal 4 4 44’, soutient Youssou Ndour devant une foule qui crie de joie. Si Bercy n’aura pas lieu le 1er mars comme annoncé, c’est à cause du Magal. ‘Début mars va coïncider avec le Magal de Touba. C’est pourquoi nous avons jugé utile et nécessaire de repousser la date jusqu’au 4 avril 2008’, explique-t-il.
D’autres questions ont été posées telles que la ressemblance de la photo de l’album et Kirikou. Mais l’auteur d’Alsaama Day avoue que ‘la ressemblance n’a pas été voulue. Je pense que celui qui a fait Kirikou s’est inspiré de ces artistes peintres sous verre’, sérine-t-il. La photo de l’album qui est celle de Youssou Ndour, a le même design que celui du célèbre acteur de la bande dessinée. Une photo, soutient le patron du Super Etoile, qui a été retravaillée par un artiste peintre sénégalais.
Sur le titre qu’il faut écouter a priori, le roi du Mbalakh n’a pas voulu s’aventurer sur ce terrain glissant. ‘Il est difficile de dire qu’il faut écouter a priori tel ou tel titre’. Avant de céder sur la pression du public : ‘Mais j’estime qu’un disque, c’est comme l’architecture d’une maison. Il y a des endroits, des moments pour un album. Si je dois vous dire quel titre il faut écouter, à cette heure-ci, il faut, peut-être, écouter la chanson Lett Ma qui est une chanson d’amour’. Et des voix fusent de la foule pour lui demander quelques refrains du morceau. ‘Malheureusement, je n’ai pas la voix’, répond-il gentiment.
Des questions politiques et économiques n’ont pas manqué. Certains ont voulu savoir si l’enfant de la Médina va faire un pas dans la politique comme il l’avait laissé entendre, il y a quelques années. D’autres lui ont demandé s’il n’allait pas s’investir dans le pétrole. A tous ces gens, Youssou Ndour dira : ‘Je suis très content de ce que je fais. Ma musique, c’est ma passion, mon métier. Je n’ai pas besoin de faire de la politique ou autre chose. Par contre, tout le monde fait de la politique, participe. Moi, je commente ce qui passe dans mon continent. J’essaie de faire des choses, de faire passer des messages. Mais je ne sais pas, Madame, quoi faire autour du pétrole. Non ! Je ne sais même pas où cela se passe’.
Quid du concert contre le paludisme ? ‘Cela va sortir en Dvd. Il n’y a pas de disque prévu, mais c’était un concert important. On est parvenu avec ce concert à sensibiliser beaucoup plus l’opinion africaine et les décideurs par rapport au paludisme qui est le problème le plus grave par rapport au nombre de décès par an. Nous continuerons la sensibilisation. Afrika Live n° 2 n’a pas encore trouvé de date. Mais je pense qu’on va le refaire dans une autre capitale africaine’.
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