« Quelqu’un est venu ici vous dire que “l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire”. Pardon pour ces paroles humiliantes et qui n’auraient jamais dû être prononcées, et qui n’engagent pas la France. Car vous aussi, vous avez fait l’histoire, vous l’avez faite bien avant la colonisation, vous l’avez faite pendant, et vous la faites depuis. ».
Ces propos de Mme Ségolène Royal, en visite à Dakar, et répondant au Président Sarkozy, sont bien appréciés par le Coordonnateur de l’ouvrage « L’Afrique répond à Sarkozy », le Pr Makhily Gassama. Il soutient qu’avec la sortie de cette forte personnalité de la scène politique française, les Africains, du reste rares, qui s’étaient élevés contre la réponse d’un groupe d’intellectuels au tout nouveau Président français se sont certainement rendus compte que ces intellectuels africains n’avaient pas eu tort d’avoir promptement pris la défense de l’Afrique.
En effet, même s’il est convaincu que la Françafrique est aux abois et qu’elle mourra de sa belle mort grâce aux efforts conjugués des femmes et hommes de bonne volonté de France et d’Afrique, le Pr Makhily Gassama n’a pas manqué de s’approprier l’interrogation angoissante du regretté François-Xavier Verschave : « Qui arrêtera la France/Afrique ? », sous-titre de son ouvrage : « Noir Silence ».
Mme Ségolène Royal, de passage à Dakar, a demandé pardon à l’Afrique pour des propos tenus par le Président Sarkozy et qui n’engageraient pas la France. Comment vous appréciez son discours ?
Cette grande Dame de France a osé ce qu’aucun homme d’Etat français n’a osé du début de la colonisation à nos jours. Aucun hommage, venu de l’étranger, rendu à l’Afrique, n’a été aussi courageux, aussi juste, aussi profond. Le texte de son discours constituera, dans les archives de la décolonisation, un élément précieux. Heureusement qu’il existe encore des Françaises et des Français capables de hauteur pour défendre la dignité de leur pays ! Mme Ségolène Royal vient de briser des tabous soigneusement entretenus par la classe politique française, qu’elle soit de droite ou de gauche et sa presse, une certaine presse qui combat tous ceux qui s’aventurent à défendre la vraie dignité de l’Afrique. La voix que nous venons d’entendre est une voix singulière, une voix qui ébranle les sinistres fondements de la Françafrique. Oser parler de la grandeur du génie de Cheikh Anta Diop, de ce qu’il a apporté à son continent, du caractère hautement scientifique de son œuvre, de son vaste combat contre la falsification de l’histoire de l’Afrique, il faut une témérité non commune. Mme Ségolène royale est téméraire. Témérité salutaire. On connaît l’indignation de la droite française et sa presse, qui ne parviennent pas à s’accommoder de l’inéluctable évolution des pays et des peuples et qu’il est temps de mettre fin à l’effort d’infantilisation de l’Africain.
Quels sont les enseignements que vous en tirez ?
Le combat que les intellectuels sont en train de mener dans le continent, soutenus par des femmes et des hommes de bonne volonté comme Mme Séguélène Royal, est un signe annonciateur de la mort de la Françafrique, qui est aux abois. De nos prétendues indépendances à nos jours, le seul dénominateur commun, le point unificateur entre la politique de la droite et celle de la gauche française, c’est la Françafriqure. La Françafrique n’a jamais changé de nature ni sous le régime de droite, depuis Charles De Gaule, ni sous le régime de gauche, depuis François Mitterrand. Oui, à l’indépendance nominale de l’Afrique, non à son indépendance économique, politique ; la Françafrique s’en charge : politique économique, coopération militaire et diplomatie parallèles ;le tout échappant aux contrôles des parlements et des peuples de France et d’Afrique. Et Ségolène Royale, la fille de Ouakam et de France est contre cela !
La Françafrique est toujours actuelle, efficace : les accords de coopération militaire n’ont jamais été révisés depuis l’indépendance des colonies françaises ; Les grandes sociétés, les multinationales françaises, particulièrement les sociétés extractives, n’ont pas changé de comportement. La Françafrique empêche ainsi l’épanouissement de toutes valeurs démocratiques en faussant toute possibilité de jeu démocratique.
Quelle suite donnerez-vous maintenant à votre lutte pour la restauration de l’image positive de l’Afrique ?
Ce qui m’a impressionné à la lecture de l’ouvrage de François-Xavier Verschave, intitulé « Noir Silence », ce n’est pas le titre, mais le sous-titre qui donne franchement à réfléchir aux Africains : « Qui arrêtera la Françafrique ? » C’est dire que sans une volonté réelle de la classe politique française, il sera difficile d’arrêter la Françafrique, puisque la plupart des hommes politiques africains, surtout ceux qui sont à la tête de nos Etats, n’ont aucun intérêt personnel à arrêter la Françafrique et qui sont manipulés par des réseaux mis en place. Seul un Chef d’Etat français, soucieux de mettre en place une coopération respectueuse de l’homme quelle qu’en soit la couleur, peut mettre fin aux pratiques occultes de la Françafrique dans l’intérêt de la France et de l’Afrique.
Ce rôle sera le plus déterminant, le plus honorable et le plus historique qu’un homme d’Etat français aurait joué dans la colonisation ou la décolonisation en faveur de l’Afrique.
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