Sermons, le livre de l’imam Mouhamadou Bamba Sall, n’est pas un essai métaphysique. Mais un regard posé sur les problèmes concrets et actuels auxquels les Sénégalais sont confrontés, et un verbe au vitriol pour dénoncer politiciens et marabouts de «connivence contre le peuple».
L’Imam Mouhamadou Bamba Sall, chef religieux, président de l’Association pour la promotion de l’éducation, de la culture et de l’enseignement coranique (Apeec) était à Keur Birago, la Maison des écrivains sise au Point E, dans l’après-midi du vendredi 12 Mai, pour les besoins de la séance de dédicace de son nouvel ouvrage intitulé Sermons. Invités à prendre part à l’événement, la plupart des confrères avec qui il s’est entretenu en marge de la cérémonie officielle ne s’attendaient ni plus ni moins qu’à être embarqués pour un lointain voyage dans les airs. Erreur de jugement sur toute la ligne : l’imam a été très terrestre. Sermons, l’opus en question, n’est pas un essai métaphysique, mais un regard posé sur les problèmes concrets et actuels auxquels les Sénégalais sont confrontés. L’imam-écrivain, président du groupe Jamaatu Bamba, s’est évertué à apprécier le vécu de ses concitoyens, plaçant le verbe là où, selon lui, le ou les bât (s) blesse (nt). Le bout par lequel l’imam déroule l’explication, il est allé le chercher chez les hommes au pouvoir. «En tant qu’imam, je discute beaucoup avec les gens, les jeunes surtout, et je puis vous dire que la chose la plus partagée, c’est justement l’inquiétude face aux lendemains. Nous avons, depuis le 19 mars 2000, un Etat qui a non seulement tendance à tout gérer par la force, mais dont les dirigeants semblent avoir trahi le contrat scellé avec le peuple», explique le chef religieux. Ces derniers, rappelle-t-il, «en avait assez des dérives cumulées du régime socialiste et porté Wade au pouvoir sur la base de l’espérance d’un avenir souriant». Mais, constate l’imam, «il n’est question, depuis, que de détournement, de gestion familiale des biens publics et d’’affaire de grands bandits’, pour reprendre les propos de l’ancien Premier ministre lui-même» (Ndr : Idrissa Seck). Selon Mouhamadou Bamba Sall, ce qui devait être prioritaire pour le gouvernement issu de l’alternance tient au triptyque : «monde paysan, santé, éducation au sens large». Or, voilà : «le prioritaire est devenue l’accessoire». L’imam est d’accord pour dire qu’il faut une vision perspectiviste pour le développement du Sénégal, mais note-t-il, comme facteur aggravant du «désarroi social», «aucun programme sérieusement salutaire ne semble défini pour nous sortir de l’auberge. En lieu et place nous n’avons droit qu’à des promesses politiciennes et à un idéal dont on ne cerne pas tellement les points de repère». L’imam a clos ce chapitre en estimant qu’au Sénégal, nous avons des «politiciens-vautours» qui, pour la plupart à la tête des affaires, «encensent aujourd’hui ceux qu’ils ont diabolisés et voués aux gémonies hier». Et l’imam d’asséner : «avec des gouvernants pareils, notre pays (Ndr : le Sénégal) est mal barré». Sur un ton à la fois d’énervement et de dépit, l’imam embraye pour dénoncer l’attitude de l’opposition : «voilà des gens qui préfèrent, de toute évidence, se la couler douce et s’opposer par à coups. Ils pensent sûrement qu’avec de simples coups de fils dans les rédactions des journaux et radios, ils vont changer l’ordre de choses !». Et d’ajouter : «alors opposant, le président Wade avait lui, le courage de s’opposer avec panage».
Par ailleurs, l’imam Mouhamadou Bamba Sall s’en est violemment pris aux «guides religieux de connivence avec le pouvoir». «Ils ont oublié de remplir leur mission et passent leur temps à rouler en Mercedes et en 4X4». L’imam poursuit : «l’exemple des Industries chimiques du Sénégal est là : j’ai été choqué d’apprendre que certains marabouts et imams ont contribué à mettre ce bijou de notre économie à genoux alors qu’ils étaient censés, au nom du peuple, dénoncer les manquements». D’après l’imam, «la fonction d’un guide religieux n’est pas de diviser par la politique politicienne, mais d’éclairer, d’enseigner, d’unir». Sous ce rapport, il se dit «choqué de voir des responsables religieux se donner ainsi gauchement en spectacle dans le champ politique».
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