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SENEGAL- ROMAN- « LA RESSUSSITEE » D’ABDOU LATIF COULIBALY : Quand l’excision est fait échec*

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SENEGAL- ROMAN- « LA RESSUSSITEE » D’ABDOU LATIF COULIBALY : Quand l’excision est fait échec*

Notes de lecture par Hamidou Dia, philosophe-écrivain

La première surprise de ce roman vient d’abord de son auteur dont on pensait qu’il s’était définitivement spécialisé dans les essais et pamphlets au vitriol. C’est donc avec beaucoup de curiosité que j’ai commencé la lecture de ce livre, sorti en novembre 2007. Ceux qui se seraient attendus à des critiques acerbes ou des phrases assassines, dans le champ de la politique, déchanteront très vite.

Le thème est classique (l’Afrique entre Tradition et Modernité). L’éditeur le présente ainsi : « après avoir connu dans sa chair la douloureuse épreuve de l’excision, une femme subit une intervention chirurgicale qui la ramène à la vie et à l’amour. En vraie miraculée, elle se reconstruit après retrouvé son corps. Elle s’épanouit auprès d’un mari enfin engagé dans la lutte contre l’excision ».

Au-delà de ce court résumé qui est l’argument central du livre, c’est l’occasion pour le narrateur de mener une réflexion en profondeur sur nos traditions, non pas pour les répudier toutes, comme une lecture superficielle pourrait le faire croire, mais pour les repenser, en réformer quelques-unes qui relèvent plus des superstitions que d’une manière d’être fondamentale par quoi on définit la culture.

Le Souci du narrateur (une narration constamment extra-hétérodiègètique, pour parler comme G. Genette) est de nous arracher à « la naturalité » dont l’anthropologie coloniale dit qu’elle est notre mode d’être – idée qui n’est pas nécessairement partagée par le narrateur, malgré quelque ambiguïté - , pour nous arrimer définitivement à « l’histoire » et nous amener à penser selon les modalités de l’Universel. Cette mutation, incontournable, si nous voulons aller de l’avant, le narrateur la souhaite comme résultant d’un procès de maturation interne.

L’entreprise est délicate, car minée : si la diversité culturelle est une richesse qu’il faut préserver au risque de disloquer l’unité du genre humain, elle ne saurait être le prétexte pour justifier des pratiques archaïques nuisibles à notre essor.

Le narrateur a su intelligemment éviter la crispation identitaire et l’universalisme abstrait qu’il révoque pareillement en doute. L’identité étant une trajectoire, le narrateur propose, en filigrane, son assomption dialectique.

Et, au – delà du plaidoyer passionné pour l’amélioration de la condition féminine, de la dénonciation, à l’indignation contenue, des mutilations sexuelles, le narrateur plaide pour l’éradication sans délais de ce fléau et montre qu’une utilisation décomplexée de la science, qui passe par la lutte contre certaines pesanteurs culturelles et sociologiques, peut être efficacement mise à contribution pour faire renaître à la vie, à la joie et à l’amour les excisées comme en témoigne le cas de l’héroïne du roman. Oui « la science des hommes peut triompher de la puissance des esprits », contrairement à ce que pensent les habitants du village de Sira – l’héroïne – figés dans la croyance immémoriale aux esprits et dans le culte des ancêtres.

Chemin faisant, se déploie une réflexion sur l’identité, l’ouverture, le développement, l’amour et les maux qui nous minent. La renaissance de Sira est prétexte à une méditation sans complaisance sur notre actuelle condition.

Renaissance

C’est cette renaissance qui est décrit par le menu dans le livre, à travers embûches, réticences, incrédulité, croyances millénaires, opposition de toute sorte. D’abord réticent, le mari de Sira finit par comprendre les enjeux de la transplantation que va subir sa femme et on assiste à sa progressive métamorphose qui finira par faire de lui un militant résolu de la Cause féminine.

Sira subira victorieusement une greffe de clitoris. La description de cette opération est crue, mais elle n’est pas pornographique, seulement réaliste, dans un continent où les romanciers courent à perdre haleine derrière une réalité qui dépasse de loin la fiction. A tel point qu’il suffit de la décrire – cette réalité – pour faire de la fiction. Ce qui est une chance pour nos actuels et futurs romanciers pour peu qu’ils aient quelque talent.

Nous sommes donc en présence d’un roman à thèse. Et on n’aurait pu craindre que le discours n’occultât complètement le récit, comme c’est souvent le cas dans ce genre de livre où le récit n’est que prétexte à des discours édifiants. D’avoir évité cet écueil constitue en soi un exploit de l’auteur.

Abdou latif, à travers le Narrateur, raconte, conte, narre une belle histoire d’amour, de mort, de vie, d’espérance et de belle manière. Et on sent que l‘auteur aime passionnément ce peuple dont il dénonce les travers, ce terroir avec sa faune et sa flore. Les descriptions, nombreuses, de la flore par exemple, constituent un véritable ravissement pour le lecteur dont la sensibilité et l’imagination sont mises à contribution. A tel point que je tiens cet amour du terroir comme l’autre vedette de ce récit palpitant, avec un sens certain du suspense.

Cet amour on le rencontre dès la première page : « Wonha renvoie par son site l’image d’un extraordinaire havre de plaisance nautique. Perché en haut du centre médical qui surplombe ce bolong, on suit du regard l’eau se faufilant dans les méandres de son cours et cheminant en direction de l’embouchure du fleuve (…) les écluses laissent à peine voir l’élément liquide, du fait de cette végétation de mangrove qui accompagne son écoulement jusqu’à l’entrée de la mer ».

Végétations de clartés, donc. Mangroves, bolong, écluses, palétuviers, fleuve méandreux, déchaînement de tous les éléments amphibies, sur fond de rumeurs arboricoles et animales mêlées, de symphonies pastorales … Cela fait rêver l’enfant du Sahel que je suis. Marquez nous avait fait aimer Macondo, Latif nous donne la furieuse envie de découvrir Wonha !

Les choix narratifs sont de très haute facture. L’écriture est limpide, tremblée de pudeur, simple et maîtrisée. Sans fioritures. Classique. Sans tomber dans la mode actuelle dite de déconstruction ou de déni de l’Afrique sous le prétexte fallacieux qu’on est auteur d’abord – comme si on pouvait écrire sans partir d’un lieu, surtout quand on vise l’universel -. Cette mode s’accompagne souvent d’une recherche esthétique sophistiquée et de savantes considérations sur la difficulté d’écriture. Latif est plus proche de Flaubert que de Robbe-Grillet ; de Sembène Ousmane que de Boris Diop. Sans que ces derniers aient démérité.

Pour son premier roman de fiction Abdou Latif entre de manière remarquable dans l’impérissable République des Lettres et, s’il persévère, on assiste, avec ce livre, à la naissance d’un futur grand romancier.

Je souhaite que cette reconversion se poursuive, car souvent les bons journalistes font de grands romanciers : de Arthur London à Amin Maalouf. Je l’ai déjà dit : il y a des lectures dont on ne sort pas indemne. C’est le cas avec « la Ressuscitée ».

*La ressuscitée, roman, 186p de Adou Latif Coulibaly, éditions de l’harmattan, Paris 2007

* Les titres sont de la Rédaction



3 Commentaires

  1. Auteur

    Alinom Di Attihom

    En Mars, 2013 (18:27 PM)
    Au Sénégal, les ethnies qui pratiquent surtout l’excision sont, par exemples, les Mandingues, les Toucouleurs, les Peulhs, etc. L’excision doit être définitivement éradiquée pour deux raisons principales : les conséquences négatives sur la bonne santé des filles et des femmes et son origine étrangère aux valeurs culturelles des Diolas. L'excision est surtout pratiquée dans le département de Bignona. En effet, la conquête du Fogni (et certains villages du Bluff ou Boulouf) par l'ancien roi Mandingue Fodé Kaba Doumbia a engendré la perte de certaines valeurs authentiques du Diola dans les villages Fognis et Bluffs. Beaucoup de villages Fognis et Bluffs se sont convertis à l’Islam et ils ont adoptés de « gré ou de force » certaines valeurs culturelles des Mandingues. Parmi, les conséquences négatives de la perdition des valeurs culturelles des Joola, chez les Diolas-Fognis et les Diolas-Bluffs, nous pouvons citer l’adoption de l’excision qui est originaire des Mandingues. Autrement dit, ce sont les mandingues qui ont introduit l’excision dans les villages des Diolas-Fognis et des Diolas-Bluffs. Malheureusement, la majorité des Diolas de Fognis et Diolas de Boulouffs (ou Bluff) ont beaucoup perdu des valeurs traditionnelles (authentiques) des Diolas au point de légitimer cette catastrophique pratique de l'excision. Frères et sœurs, non, non et non …. les valeurs culturelles Diola ne connaissent pas ou ne reconnaissent pas du tout l’excision. Il est temps d’éradiquer définitivement l’excision. Le Fogni et le Bluff ne constituent pas les références des valeurs culturelles authentiques du Diola. Je profite pour inviter mes confrères et consœurs Fognis et Bluffs de s’intéresser davantage aux valeurs culturelles des autres sous-groupes Diolas, comme par exemple, Diola de Ajamat où l'excision n'existe pas et elle n'a jamais existé. La société Diola ou Ajamat est une société égalitaire (il n'existe pas de castes, ni d'esclaves...) et la femme Diola est la partenaire de l'homme Diola alors que les sociétés Mandingues, peulhs, toucouleurs, (et même wolofs, sérères …) sont des sociétés inégalitaires (existence de castes, d’esclaves ….). Ne pouvions-nous pas comprendre la pratique de l'excision comme un désir ou une volonté de l’homme de dominer la femme? Si la réponse est affirmative, une telle volonté n'existe pas dans les valeurs culturelles Ajamat où règnent le respect mutuel, la complémentarité, etc. de la femme Diola et de l'homme Diola. Conclusion : Nous pouvons adopter les valeurs culturelles positives des autres ethnies tout en valorisant nos propres valeurs culturelles positives. Mais, nous devons rejeter toutes les valeurs négatives des autres ethnies tout en rejetant aussi celles qui sont négatives issues de notre ethnie. Ainsi, nous pourrions avoir une meilleure vie. Par conséquent, l’excision est néfaste et étrangère à la société Diola, nous devons donc rejeter et éradiquer définitivement l’excision. Que le bon Dieu nous protège tous et toutes sans exception. Amen
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  2. Auteur

    Enracinement

    En Mars, 2013 (21:32 PM)
    Ah Alinow di Attihom, tu as raison c'est une période triste que tu évoques... Oui, c'est vrai que ce sont les Mandingues qui ont introduit l'excision dans les villages Diolas de Fognis et de Bluffs. Il est aussi vrai que c'est le Roi Mandingue Fodé Kaba Doumbia qui avait conquis au moins certains villages Fognis et Bluffs. Mais précisons aussi que les Diolas ont fini par tué ce conquérant Roi Mandingue Fodé Kaba Doumbia car il utilisait la violence pour convertir les populations du Fognis et du Bluffs à l'islam et aux traditions Mandingues. Si mes souvenirs sont bons, je crois qu'il a finalement été tué à Thionk-Essyl. Nous devons tous et toutes faire pour arrêter l'excision car elle n'est pas originaire de notre authentique culture Diola comme le Kankuran n'est pas aussi originaire de la culture authentique Diola. En d'autres mots, ces deux rites (excision et danse du Kankuran) pratiqués aussi par les Diolas du Fognis et du Bluffs sont bels et bien d'origines Mandingues. Le Diola est connu aussi pour son honnêteté, sa bravoure, sa vertu, etc. alors je suis d'accord avec toi quand tu évoques le déracinement des certains Diolas du Fogni et Bluff. Mais, nous n'avons pas tout perdu et heureusement. De plus, le déracinement des valeurs culturelles concernent toutes les ethnies du Sénégal et même d’Afrique.
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    Auteur

    Auxjoolas

    En Mars, 2013 (06:19 AM)
    Ce message est adressé à nos frères et sœurs Joolas de Fogni et de Bluff (du département de Bignona). Excusez-nous, nos frères et sœurs mais nous nous permettons de vous dire la vérité. Les Joolas du département d'Oussouye ne pratiquent pas et n'ont jamais pratiqué l'excision. Autrement dit, l'excision n'a jamais existé dans les diverses sociétés Diolas du département d'Oussouye. Pardonnez-nous et permettez-nous de dire encore la vérité en relatant les pensées sincères des Diolas du département d'Oussouye qui considèrent l'excision comme de la pure folie et qu'un être humain ne peut pas être traité de cette façon. Autrement dit, les Diolas du département d'Oussouye considèrent inhumaine la pratique de l'excision et ils pensent que l'excision est une violation des droits Humains. Le respect de la femme et de l'homme a une très grande importance chez le Joola. Malheureusement, vous, les Diolas de Fogni et de Bluff, vous vous laissez trop influencer par les Mandingues en copiant certaines de leurs valeurs culturelles notamment cette mauvaise pratique. Mais, frères et sœurs du Fogni et du Bluff, il faut copier ce qui est bien des autres ethnies et non pas ce qui est vraiment mauvais. L'excision ne fait pas parti de la culture des Diolas. Nous vous demandons de tout faire pour abandonner définitivement cette mauvaise pratique de l'excision. La vraie culture Joola est très bien et vous pouvez arrêter de copier les valeurs culturelles des Mandingues. Il n'est jamais trop tard pour se ressourcer ou pour se réapproprier les véritables valeurs des Joolas. Nos ancêtres nous ont laissé un très grand héritage culturel. Nous sommes très fiers et fières des grandes valeurs des Joolas. Excusez-nous si nous avons offensé une personne en disant la vérité à nos frères et sœurs Joolas de Bignona (du Fogni et du Bluff...). Merci beaucoup Fatou Diatta ou SisterFa. Ta lutte pour l’abandon de l'excision est très courageuse et noble. Tu es digne d'une véritable Joola et longue vie de paix et de santé à toi ma sœur SisterFa. Tu as raison Alinom di Attihom. Que Dieu nous bénisse tous et toutes et nous pardonne tous nos péchés. Katoral.
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