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RAMATOULAYE THIAM, COMEDIENNE « N’attendez pas mes obsèques pour m’apporter une enveloppe... »

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RAMATOULAYE THIAM, COMEDIENNE « N’attendez pas mes obsèques pour m’apporter une enveloppe... »

Quel téléspectateur plus ou moins assidu des célèbres drama tiques du « mardi soir » à la télévision nationale sénégalaise ne connaît pas la vedette Rama Thiam spécialisée dans les rôles quelque peu négatifs ? Elle fait partie des comédiennes qui ont marqué le théâtre radiophonique et les dramatiques sur l’Office de radiodiffusion-télévision du Sénégal (Orts) devenue Rts dans les années 70, 80 et même 90. Des générations d’amateurs de théâ tre populaire gardent toujours un souvenir fort de cette comé dienne incarnant le rôle de la fille capricieuse, ou de la première épouse prompte à jouer des tours pendables à sa rivale. Ou encore son personnage détestable dans Coumba am ndey ak Coumba amoul ndey, adaptation au théâ tre télévisé des malheurs d’une orpheline entre les mains de sa demi-soeur (Rama Thiam) et de sa marâtre (Faye Niang) mettant au pas un mari faible (Malick Ndiaye Fara thialthial). Rama Thiam a certes la figure de ses person nages, mais dans la réalité elle ne leur ressemble pas du tout.

À 57 ans, Ramatoulaye Thiam dite Rama a pris de l’âge. Celle qui incarna la secrétaire dans la célè bre pièce de théâtre radiopho nique Makhourédia chauffeur de taxi, a quitté la scène pour se cnnsacrer à la promotion de produits de grande consommation.

Après trente ans de théâtre, elle a pris une retraite « forcée » parce qu’il ne se trouve plus aucun réa lisateur pour la prévoir dans ses castings.

« Les vieilles marmites font toujours de la bonne sauce »

« On m’a poussée à la retraite, se lamente t-elle. Et pourtant, s’empresse-t-elle de navrer, les vieilles marmites, font toujours de la bonne sauce. Ce que les jeunes réalisateurs ne semblent pas com prendre. Puisque s’ils avaient fait appel ; à moi pour des rôles de mères ou autres, je les aurais aidés. »

Les années ont passé. Trente exactement. Rama Thiam garde toujours ses manières et son humour. Taille moyenne, le « des tin jaloux », comme disait Léopold Sédar, ne l’a pas encore détruite. Elle ne porte pas ses cin quante berges, ni ses quatre maternités. À la rue 37 X 30 de la Médina où elle vit, c’est toujours un plaisir pour les voisins de gui der un hôte chez cette mère de famille. Dans sa chambre exiguë mais bien décorée, elle évoque avec nous ses trente ans de car rière.

À l’école déjà, son maître découvrit en la petite Rama les indices d’une future comé dienne. « Tu ferais mieux de quit ter les bancs et d’intégrer l’école des arts. Puisque tu ne réussiras pas ici », lui répétait souvent son instituteur, M. Diakhaté.

C’est à l’occasion d’un mariage célébré au quartier Colobane -qui a vu grandir cette Thiessoise- qu’un certain Doudou Sarr a décelé les talents de cette jeune dame captivante par sa parole, ses gestes et danses. « C’est ce jour-là qu’il (Doudou Sarr) m’a mise en rapport avec Elh Abdoulaye Seck à qui j’ai remis une lettre à la Rts », se rappelle celle qui anima les cérémonies familiales de son fief.

Son premier jour à Diamonoy tay, Rama Thiam s’en souvient avec nostalgie. C’était en février 1974, lorsque le directeur artis tique de la troupe d’alors, Cheikh Tidiane Diop aujourd’hui décédé, vit débarquer une téméraire jeune dame. Surpris, Diop demanda à son hôte de prouver ce dont elle était capable. « C’était le jour où l’on tournait avec feue Ken Bougoul la pièce Saf meneu dem. J’ai improvisé une chanson rythmée, j’ai dansé et chauffé la salle et tout le monde a apprécié », narre l’ancienne pensionnaire de cette mythique formation théâ trale.

Le test réussi, Ramses comme on la surnomma, se voit confie de nombreux personnages principaux. Sous l’aile du père du théâtre populaire, El Abdoulaye Seck à qui elle rend hommage, 1a vedette de l’époque fait son petit bonhomme de chemin. « Le plateau, c’est un don chez moi. Mais, je ne saurais jamais assez remer cier El Hadji Abdoulaye Seck. Cet homme mérite des hommages. C’est un grand comédien. Mais c’est dommage que les jeunes ne parlent pas assez de lui », déplore l’héroïne de Goroy tay, Yaral sa dom...

Comment se fait-il que Rama Thiam n’interpréta que des rôles d’enfant gâtée ? Sourire aux lèvres, elle se défend, « ce n’est pas ma nature. Je suis au contraire très correcte. » Pour illustrer ses propos, elle raconte que « dans Coumba am nday, Khady Sow à qui on avait proposé le rôle de la polissonne s’est désistée soutenant qu’elle était trop polie pour cela. Elle me l’a proposée, je me suis, mise dans la peau du personnage et j’ai assuré. »

Outre le théâtre, la comédienne a participé à divers films. Introduit par son cousin le réalisateur Momar Thiam (auteur entre autres, de Bak’s Yamba Sarzan...) elle a, flirté avec le cinéma et tiendra ainsi des rôle dans Sadaga et Jom de M. Thiam Niwam de Clarence Delgado Toubab bi de Moussa Touré. Comme anecdote, l’actrice conte qu’elle s’est même une fois évanouie en pleine séance de tournage à l’hôpital Abass Ndao. « J’étais en état de grossesse de trois mois. Je devais jouer une séquence, dans la maternité », révèle cette mère de quatre grands enfants dont un benjamin de 30 ans. Lequel est le seul à suivre les traces de sa maman. Ismaëla Guèye de son nom, est un danseur et metteur en scène.

« Je percevais 15.000 ou 20.000 francs pour mes rôles principaux »

Les jeunes comédiennes semblent plus chanceuses que leurs doyennes. Rama Thiam qui se considère comme une des pionnières du théâtre populaire confie que ses cachets oscillaient entre 15,000 à 20.000 francs pour ses rôles principaux.

Ne regrette-t-elle pas d’avoir opté pour Diamonoy Tay lors de la scission qui a donne naissance à Daaray Kocc ? Du tout, sou tient-elle, estimant avoir plutôt fait le bon choix. L’ex-camarade de Moustapha Diop, Demby Fall, Lamine Ndiaye, Aïda Souka, Malick Ndiaye, Pape Demba Ndiaye, Marième Niang... se désole du fait que leur compa gnonnage se soit ainsi terminé. Cependant, Rama Thiam se console de n’avoir pas eu de problèmes avec un artiste.

L’art ne nourrit pas son homme, a-t-on l’habitude de dire. Cet adage, Rama Thiam l’a vérifié à ses dépens. « J’ai gagné en estime », s’enorgueillit la comédienne. Cependant, celle qui se dit « abonnée aux Ndiaga Ndiaye » se désole que les services qu’elle a rendus au théâtre ne lui, ont pas permis d’avoir un toit : « je n’y ai pas gagné de maison. Je traîne des arriérés de loyers. Mais mon propriétaire est compréhen sif. » Aux autorités, cette femme qui a marqué l’histoire du théâ tre lance un cri de coeur : « je jure que le jour où je mourrai, le ministère de la Culture viendra à mes obsèques avec une enve loppe, la presse y ira de ses hom mages. Avant tout cela, que l’on m’aide à payer mes arriérés. Tout ce qu’on voudrait me donner qu’on le fasse de mon vivant. J’en ai besoin. S’ils peuvent également m’offrir une maison clefs en main, c’est mieux. » De plus, sou ligne celle qui demande à ren contrer le président Wade, « j’ai un terrain à Keur Mbaye Fall. Je ne refuse ni ciment, ni béton, ni fer... J’ai marqué un temps soit peu le théâtre populaire sénéga lais. »

Néanmoins, Rama Thiam cherche de nouveau... chaus sures à son pied. La patronne de Séné’ Promotion qui investit dans les animations de quartier veut redevenir madame quelqu’un. Toutefois, elle ne veut pas d’un homme « pauvre qui attend tout de son épouse ».

Ndèye Awa Lô

Source : Walf Grand-Place



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