« La bataille de Pavoscoto a, à jamais, lié mon nom aux canons arrachés à Laprade qui gisent sur le pinthe de Nioro », a confié Lat Dior Ngoné Latyr Diop, le Damel du Cayor, ou Silmakha (l’aveugle) du fait de son allégeance à Maba Diakhou Bâ. Qui ajoute dans la dramatique restée célèbre au titre si « patriotique et altier » : « Sur le chemin de l’honneur » de Thierno Bâ : « Maba Diakhou, mon maître en Dieu est enterré à Somb… » Ces bribes de vers de l’homme politique, syndicaliste, et dramaturge Thierno Bâ campent Somb en plein pays du Bour Sine où repose depuis 1867 le marabout du Rip, disciple de El Hadji Oumar Tall. Est-ce la raison pour laquelle chaque année, le pèlerinage est effectué avec l’aide précieuse des populations du Sine ? La famille de Bour Sine, « le ceddo » notamment, apporte une contribution de taille à l’organisation de la manifestation bien musulmane, elle. Somb, un de ces multiples bourgs historiques du Sénégal, situé dans le département de Gossas dans la région de Fatick, est devenu ainsi un lieu de pèlerinage. Chaque année en effet, de nombreux musulmans du Sénégal et de la République sœur de Gambie s’y rendent pour se recueillir au mausolée du descendant de la dynastie des Dényankobé, par la branche des familles « Bâ » de la région du Badibou. Des délégations étrangères sont attendues surtout de la Gambie, où est enterré le fils aîné de Maba Diakhou Bâ, Saer Maty Bâ. Une bonne partie de la famille Bâ réside également au pays de Yaya Jammeh. Une commémoration inscrite ainsi dans l’agenda culturel et cultuel des deux pays imbriqués.
Réhabiliter la stèle
Cette année, apprend-on, la cérémonie coïncide avec la pose de la première pierre pour la restauration du mausolée par le ministère de la Culture, du Patrimoine historique classé, des Langues nationales et de la Francophonie. Mame Biram Diouf, le ministre, ou le directeur du Patrimoine culturel, l’historien Hamady Bocoum, se chargera (l’un ou l’autre) en présence de Serigne Abdou Aziz Sy Junior, porte-parole du Khalife général des Tidianes et arrière petit-fils de Maba Diakhou, au nom de l’Etat, de donner le premier coup de truelle pour une réhabilitation de la stèle. Une restauration attendue par tous. Une fiche signalétique et un abri-prière sont aussi prévus par le ministère, annoncent les mêmes sources. Maba Diakhou, l’Almamy du Rip fut un résistant « intrépide » à la colonisation française nous apprend le Pr. Iba Der Thiam dans un de ses essais historiques, « Maba Diakhou Bâ », publié en 1977. Selon l’historien et homme politique, le marabout guerrier de Nioro a battu Pinet Laprade en 1864 à Pathé Badiane, petite bourgade située à quelque cinq Km de Nioro du Rip. L’Almamy y avait fait construire un « Tata » (enceinte fortifiée). Le fortin est malheureusement aujourd’hui en ruine et sans espoir de restauration. Quel gâchis ! C’est à se demander si l’on veut du patrimoine historique, la mémoire d’une nation. Kermel, l’île de Saint-Louis, Gorée, partout les ruines s’amoncèlent si les monuments ne sont tout bonnement pas détruits par des hommes qui veulent autre chose à la place.
Campagne d’islamisation
Maba Diakhou pour revenir à lui, a été initié par El Hadji Oumar Tall au « Wird tidiane » (rituel tidiane), content les historiens. À ce titre, il entama une campagne d’islamisation de nombreuses contrées de la Sénégambie. Pour lutter contre l’occupation coloniale, le marabout a eu l’idée d’écrire au roi du Maroc pour lui demander de descendre avec ses armées au sud pour prendre en tenaille les Français. L’histoire ne dit pas si « bourou Maroc » a donné suite à l’invite. Elle ne trace pas en tout cas une quelconque arrivée des fantassins marocains dans notre pays à cette époque.
Néanmoins, sous Maba Diakhou Bâ, le Rip a accueilli beaucoup d’érudits en sciences coraniques qui feront plus tard parler d’eux d’une manière remarquable. On peut citer parmi ces lettrés, Momar Anta Saly et son vénéré fils, Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du Mouridisme. Tous les deux ont séjourné à Nioro. Il en est de même de El Hadji Abdoulaye Niass. Lat Dior Ngoné Latyr Diop qui lui avait fait acte d’allégeance assista à Somb à sa mort avant de retourner à son Cayor natal. Il tombera à Deukhelé sous les bordées des canons et des mousquets du colon français.
Dimanche 23 mars prochain à Somb, un pan de l’histoire sénégambienne revivra assurément. Toutes les familles qui ont ainsi versé leur sang pour l’avènement de l’Islam, religion de paix, au Sénégal et dans l’espace sénégambien, seront certainement de la cérémonie.
1 Commentaires
Dabakh Ba
En Septembre, 2014 (10:27 AM)Participer à la Discussion