Son passage chez Ouza Diallo avec « Les filles branchées » l’a révélée au grand public, mais Maty Thiam Dogo est entrée dans la cour des grandes chanteuses avec son album « Yonou Ndaw Du Gaw ». Très tôt, elle a contracté le virus de la chanson et elle ne s’en est jamais rétablie. Malgré la montée en puissance des jeunes chanteuses, Maty Thiam compte se faire entendre bientôt des mélomanes.
Des gouttes d’eau perlent le visage de Maty Thiam Dogo qui vient de sortir de sa douche. Pour poursuivre sa toilette, elle demande une jeune fille de nous accueillir dans le salon au 2ème étage et de nous servir à boire. Une odeur d’encens sort des quatre coins du salon. Les meubles qui sont tous de couleur marron et beige sont bien ordonnés, les photos de Maty et son mari ornent le mur. La chanteuse est habillée en marinière assortie de pagne de couleurs vert et blanc, un foulard à la tête. L’odeur de son parfum ne laisse personne indifférent. Elle nous salue avec beaucoup de largesse puis disparaît pendant 30 minutes pour revenir avec un visage bien maquillé. Bien assise dans le canapé, elle se plaint de la chaleur qui règne dans son quartier des Parcelles Assainies en cette après-midi. Elle réinstalle et allume ses deux ventilateurs.
Depuis son enfance, Maty Thiam a eu un penchant pour la musique. Déjà en classe de CE1, elle commence à chanter pour ses camarades de classe. Emportée par sa passion, la jeune fille ne dépasse pas cette classe. Pourtant, son père Dogo lui interdisait de chanter. Après l’échec à l’école primaire, il l’inscrit dans une école de formation en couture. « Au centre de formation, je n’hésitais pas à ramasser les 25 francs de mes camarades pour leur concocter des chansons hindou », se souvient Maty Thiam. Certaines cérémonies familiales étaient pour elle l’occasion de chanter afin de gagner un peu d’argent. Le virus de la chanson ne l’a jamais quittée. Maty Thiam se lance alors à la musique en assurant le chœur à ses deux tantes, Soda Mama Fall, sœur de sa mère, et Kiné Lam, épouse de son père. « La chanson « Dougou Dougou Wagane » de Soda Mama Fall m’a lancée et les Sénégalais ont commencé à me connaître », affirme-t-elle. Par la suite, certains acteurs de la musique sollicitent une collaboration avec elle. Consciente qu’elle est douée d’une belle voix, Maty Thiam a, très tôt, compris qu’il y a nécessité d’apprendre la musique pour se faire un nom.
La touche Ouza Diallo
Son chemin croise celui d’un monument de la musique : le maestro Ouza Diallo qui l’a auditionnée à Sorano avant de l’intégrer dans son école. Avec Touty, Absa, Boundaw Samb, elles forment le célèbre groupe de Ouza : « Les filles branchées ». Ce groupe fait danser le Sénégal au début des années 90, avec leur célèbre tube « Khadim Rassoul ». « C’est mon maître Ouza Diallo qui m’a apprise la musique. Tous les chanteurs qui sont passés dans son école ne se perdent pas dans la musique », déclare, avec beaucoup de reconnaissance, Maty Thiam. Elle se familiarise, de jour en jour, avec l’art de la parole tout en fréquentant les animations publiques. « J’étais tellement jeune que pour aller aux cours, il fallait que je sois accompagnée par mon frère », se rappelle-t-elle. « Sur scène, ma chanson a fait pleurer Ouza » se souvient-elle. Aujourd’hui, le nom de son « maître » Ouza revient comme une sérénade dans ses propos. C’est que celui-ci, comme elle le dit, l’a beaucoup aidée à se forger une image et une personnalité.
Née et grandie dans une famille polygame, Maty Thiam était obligée d’avoir un bon comportement, mais surtout d’être très prudente vis-à-vis des hommes. « J’avais peur des hommes et j’étais obligée d’avoir un bon comportement. Ainsi Ouza qui m’a permis d’acquérir une riche expérience m’avait beaucoup estimé et me respectait », indique Maty. Pour mieux s’engager dans la musique, elle n’hésite pas à monter sur scène pour montrer son talent. Ainsi, elle a pu impressionner certains producteurs qui ont sollicité sa collaboration pour un album. Kabou Guèye, l’ancien bassiste de Youssou Ndour et compositeur, découvre Maty Thiam à travers la cassette de sa tante Soda Mama Fall. Il lui propose de faire un album. « Kabou Guèye m’a remise une avance avant même que je lui fasse une maquette, alors que c’est l’inverse qui se fait d’habitude ».
En 1996, Maty Thiam vole de ses propres ailes, avec sa première production musicale. Cet album nommé « Yonou Ndaw Du Gaw » (petit à petit, l’oiseau fait son nid) symbolise son arrivée dans la musique. La production est couronnée d’un franc succès. Dans la chanson éponyme, elle rend aussi hommage à ses « badiènes » (tantes paternelles). Ce qui lui a valu le surnom de « Borom badiène you bari yi » ou la chanteuse aux multiples tantes. « Dès mes débuts, ma famille m’a beaucoup appréciée et j’ai reçu sa bénédiction », se souvient-elle.
Aujourd’hui, Maty Thiam en est à sa quatrième cassette. Depuis cinq ans, Maty n’a pas sorti d’album, mais elle a sorti un single au mois de novembre 2009. Elle fera bientôt partie de la masse de chanteurs qui se contente de single à la place des cassettes. « Dans deux mois, je tournerai le clip d’une nouvelle chanson qui fera ensuite partie de mon prochain album, le temps de mieux travailler la cassette à venir », promet la chanteuse. Dans ce produit, elle rend hommage aux femmes qui, selon elle, occupent une importante place dans la société.
Loin de la retraite
La retraite, Maty Thiam n’y pense même pas encore. Elle annonce un cinquième album pour début 2011. Si elle n’a pas beaucoup de cassettes sur le marché, c’est parce que ces productions sont souvent espacées de quatre ans ou plus. C’est un choix chez elle, afin de satisfaire ses fans. « Après cinq ans de silence, je promets à mes fans un grand surprise », a dit la chanteuse. Mais, elle devra compter avec la rude concurrence des plus jeunes qui ont envahi, aujourd’hui, la musique sénégalaise. Mais cette présence massive des jeunes chanteuses semble ne pas l’intimider jusqu’à anticiper sa retraite. Son argument : l’expérience de l’âge. « La nouvelle génération de la musique doit beaucoup apprendre, on entend souvent des chansons qui n’ont aucune signification. Mais, il y en a aussi d’autres qui chantent bien » déclare Maty Thiam. Entre les cantatrices et les jeunes talents, elle dit se situer au milieu. « C’est vrai que leurs produits ont envahi la télévision et la radio, mais nous sommes toujours là », rétorque Maty Thiam avec un grand sourire. « Mon premier album n’a que 15 ans et je ne suis pas vieille, donc je peux me classer parmi les jeunes ou parmi les grandes cantatrices », déclare la chanteuse qui ne se sent en concurrence avec personne. Son argument est que chaque artiste à ses fans. « Je ne me crée pas de rival », déclare-t-elle. D’ailleurs, Maty Thiam estime que certaines chanteuses dévalorisent la musique de par leur comportement. Elle indexe leur mise. « Certains musiciens ont un port vestimentaire indécent, ce qui décrédibilise le métier », déplore-t-elle.
La musique est un métier noble mais, ajoute-t-elle, le milieu est fait de trahison et de tricherie. Et quand il s’agit d’argent, l’honnêteté n’est pas souvent au rendez-vous, regrette Maty Thiam. « Il nous arrive de travailler pour un cachet d’un million de francs et notre collaborateur ne nous verse que 100.000 francs à la fin de la manifestation. Ce sont des choses dures et très fréquentes dans la musique », se désole Maty Thiam. « La piraterie est associée à un manque de producteurs, ce qui rend de plus en difficile le travail des artistes. « Beaucoup de personnes (les pirates) ne vivent que par nos œuvres », explique-t-elle. La musique sénégalaise, c’est aussi les investissements à perte. « Il nous arrive d’investir des millions de francs pour la production d’une cassette pour ne rien gagner » déplore Maty Thiam. Mais la chanteuse a d’autres sources de revenus n’ayant rien à voir avec la production musicale. « Une amie peut m’inviter à une cérémonie et je peux y gagner plus de 300.000 francs. Nos fans nous donnent tout le temps des ‘térangas’ (cadeaux). On s’en sort tous les jours. Nous ne nous nourrissons pas seulement des recettes des albums », ajoute Maty Thiam Dogo.
Entente avec sa coépouse
Depuis 1987 Maty Thiam allie la musique avec son ménage. Cette deuxième épouse concilie facilement sa carrière et sa vie de mère de famille. Elle évoque une « parfaite harmonie avec sa coépouse » lui permettant d’être sur les deux fronts. Maty Thiam se réjouit du soutien de sa coépouse et de celles de son mari et ses belles-sœurs. « En mon absence, je ne me fais pas du souci pour mon foyer, parce que mon absence est parfaitement assurée par ma coépouse », explique-t-elle. El Hadji Doudou Dieng Mboup, le mari de la diva, qui n’hésite pas à faire office de manager de sa femme, se permet d’interrompre à plusieurs reprises notre entretien. Juste pour chambrer ou témoigner en faveur de Maty. L’harmonie et l’entente semblent régir les rapports entre les deux conjoints de cette famille polygame.
L’autre visage de Maty, c’est qu’elle a plusieurs cordes à son arc. Elle s’active depuis plus d’un an dans la couture. L’atelier qu’elle a ouvert pour sa fille lu permet de s’exercer à ce métier. « Je suis obligée de soutenir ma fille qui n’a que 19 ans », soutient Maty Thiam. « Après avoir quitté l’école je me suis lancée dans la couture. Je suis artiste donc il m’est facile de créer des modèles », explique-t-elle.
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