Juste avant l'indépendance
Premier orchestre aussi à avoir introduit des
instruments traditionnels dans la musique moderne : kora, bougheur
(tamtam de la région), balafon … "La force de l’UCAS, c’est la
diversité musicale. Nous chantons en mandingue ou diola sur des airs de
salsa", explique Amadou Lèye Sarr, l’un des chanteurs.
"Notre
spécialité est le patrimoine de la Casamance. L’orchestre joue et
chante des musiques qu’on entend seulement dans le bois sacré où les
cérémonies d’initiation, de circoncision, se déroulent. Cela permet de
faire découvrir notre culture et pour ceux qui connaissent, de se
remémorer", renchérit-il. Devant la scène de l’Institut
Leopold-Sedar-Senghor où il se produit, dès que l’UCAS a entamé les
premières notes du Djambadong, la danse des feuilles, les
spectateurs cassent quelques branches des arbres pour les agiter en
l’air, tout en dansant.
Une grande famille
L’UCAS Jazz Band est une histoire de famille. Doyen et seul membre
fondateur restant dans le groupe, Abdou Kounta Diaïté, 72 ans, a
toujours son souffle juvénile quand il prend son saxophone. Avec plaisir
et fierté, il présente son petit-fils aux congas et son frère, Djimé
Diaïté qui l’a rejoint en 1962, aux percussions. Le guitariste actuel,
Aliou Kouyaté, n’est autre que le fils de l’ancien joueur de congas. En
1993, il intègre la formation : "jouer avec les papas, c’est
formidable, j’en rêvais", explique l’homme de 42 ans. A la kora,
Malamine Diabaté a remplacé son père, le virtuose aux doigts magiques :
Babou Diabaté.
L’UCAS est aussi une école de formation. Balla
Sidibé de l’Orchestra Baboba et Cheikh Tidiane Touré des frères Touré
ont joué en son sein. L’orchestre s’est constamment renouvelé avec
l’arrivée de jeunes et le départ d’anciens. "En 1973, se souvient
le chanteur Amadou Lèye Sarr, quand le besoin s’est fait sentir de
former la relève, on nous a sollicité. Au collège, chaque année, l’UCAS
animait le bal de l’école. A la pause, on nous permettait d’interpréter
quelques morceaux. Nous étions la deuxième formation de l’association et
par prudence, un esprit de rivalité étant en train de naître, on nous a
intégrés et ça nous a fait un grand bonheur". Actuellement, le
groupe tourne avec 16 personnes, musiciens et chanteurs confondus.
"L’UCAS
Jazz Band est le plus ancien des orchestres sénégalais encore en
activité, sans doute le plus mélancolique et le plus poignant. Dans le
Sénégal des années 1960 et 1970, rares étaient les orchestres à pouvoir
percer et a fortiori enregistrer en dehors de Dakar", note Florent
Mazzoleni, dans son ouvrage l’Epopée de la musique africaine.*
Malgré une tournée en Europe quasiment chaque année et une dizaine d’albums à son actif, le groupe reste pourtant dans l’ombre des ensembles comme Orchestra Baobab. "L’UCAS est un orchestre mythique, confronté à des problèmes de communication. Nous sommes en Casamance et nous sommes séparés de la capitale par la Gambie. J’ai l’impression que la culture sénégalaise ne tourne qu’autour de Dakar. Si vous ne faites pas du mbalax, vous n’êtes pas considéré comme un orchestre", explique Moussa Kouyaté, le manager du groupe.
D’ailleurs, pour sortir de cette léthargie, l’UCAS s’est séparé de l’association en 1998 et a pris son autonomie. Hormis les tournées, l’UCAS accompagne souvent le président gambien Yaya Jammeh même si le cœur de l’orchestre bat pour Sédhiou.
Les vieux comme Abdou ou son frère sont prêts à ranger saxo et percussions dans leurs étuis. "Même si je quittais l’orchestre aujourd’hui, je ne le regretterais pas parce que ce sont mes enfants, mes petits-enfants qui en font partie. Je suis fier d’être membre de l’UCAS. J’ai œuvré pour mon pays et surtout pour la Casamance et Sédhiou. SI nous sommes restés dans le carcan de l’UCAS, c’est parce que nous aimons notre terroir sinon l’argent nous aurait tenté et nous serions partis comme d’autres, mais nous sommes restés pour notre cher Sédhiou", conclut le grand-père de l’orchestre. Il avait prévenu que sur scène il avait gardé toute sa fougue. Il ne mentait pas.
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