Vendredi, Baye Ely, le comédien au talent irrésistible et au rire inimitable, était l’invité de Star en ligne sur la 2STV. Egal à lui-même, l’homme, sur la plupart des questions que lui posait Pape Cheikh, a su trouver les mots justes pour apporter des réponses pertinentes que le public, qui l’aime si bien, est en droit d’attendre d’un artiste de sa trempe. Mais l’intérêt de cette prestation de Baye Ely sur la 2STV est ailleurs ; en effet, interrogé sur la situation actuelle du théâtre sénégalais, Gorgorlou ne s’est pas embarrassé de nuances pour dire toute sa fureur par rapport à l’attitude peu honorable d’une certaine race de comédiens.
Selon Habib, ce sont ceux-là qui, animés par une cupidité effroyable, n’hésitent pas à se mettre à quatre pour être sur tous les fronts, répondre à tous les appels à odeur de gains, honorer les plus insignifiants rendez-vous, pourvu seulement que la prime de prestation soit assurée. Baye Ely ira plus loin en utilisant le terme de comédien « bana-bana » pour montrer combien certains arrivistes du monde théâtral ont clochardisé la profession de comédien. Et d’ajouter que lui, ne permettra à qui que ce soit de lui demander d’interpréter certains rôles vulgaires, par exemple, se mettre dans la peau d’un homosexuel. Mais le plus intéressant allait venir vers la fin de l’émission. En effet, c’est le moment que choisira le « préféré » de Diekk pour lâcher ce qui suit : « Un jour, Saneekh et moi, nous nous sommes rencontrés sur un plateau à Thiès, et je lui ai dit : petit, le métier que nous exerçons là, il faut savoir y aller molo molo ; quand on veut se surpasser ou qu’on veut donner plus que ce qu’on a, on va inévitablement se casser le nez. Il ne sert à rien de se montrer gourmand. Les choses ne peuvent pas marcher comme ça…Gorgorlou lèène rek ; inchallah, dina bakh… » Pape Faye, une autre sommité du théâtre sénégalais, invité un jour par un animateur de la chaîne inter à livrer ses impressions par rapport au jeu de la nouvelle génération de comédiens de la classe de Sanèèkh, dira de façon très laconique : «Je n’ai pas franchement encore eu le temps de suivre ce que font ce jeune et sa troupe, cependant, mes enfants disent que c’est bien… » Où voulons-nous en venir en rapprochant ces deux réactions ? Nous voulons montrer qu’il est à peine croyable que des rapports sains et loyaux existent entre nouvelle et ancienne génération de comédiens. Il faut même oser l’affirmer : ils n’existent pas, ces types de rapports-là ! Où se situe le problème ? Puisque, de toute évidence, il y a problème. Eh bien le problème est que chacune des deux générations s’est résolument hissée sur une tour de narcissisme, refusant catégoriquement de mettre les pieds sur cet espace intermédiaire qu’est le terrain de l’humilité.
L’essentiel des comédiens de l’autre génération supportent difficilement leurs cadets dans la profession. Il n’y a qu’à bien écouter leurs réactions. Ce qu’ils reprochent, pour l’essentiel, à leurs cadets dans la profession, c’est de vouloir réduire l’esprit et la lettre du théâtre à une immense pitrerie sans queue ni tête. Pour la génération nouvelle, les aînés ont certes fait leurs preuves, mais ils ont tout à fait tort de ne pas accepter que l’art théâtral soit, par leurs soins, dirigé vers les horizons d’une révolution globale qui a pour épicentre l’expression d’une bouffonnerie exacerbée. Face à des attitudes aussi malheureusement tranchées, l’observateur profane ne peut s’empêcher de se poser cette question toute naïve : qui a tort et qui a raison ? En fait, ce qu’il y a lieu de dire, c’est que les uns comme les autres doivent retourner se pencher sur la source et la finalité du théâtre. En reprochant à leurs cadets de trop privilégier la piste du rire taille Pantagruel, les artistes de la génération de Pape Faye oublient à tort que le théâtre est un art total ; l’art le plus total même. L’excès dans le jeu théâtre ne doit pas être observé comme une tendance pathogène. Car, il serait fatal de l’oublier : la vérité à laquelle le comédien n’est pas le centre de gravité de la lumière qui le mobilise. Ce que le comédien cherche à exprimer prend toujours sa source dans un mystère qui ne se révèle bien souvent qu’au contact des feux du surpassement. C’est pourquoi toutes les formes les plus remuantes sont censées trouver en lui un foyer d’expression sans scandaliser qui que ce soit. Sur quel traité de morale théâtral se fonde Baye Ely pour défendre l’étrange thèse selon laquelle le fait de jouer le rôle d’un homosexuel est une attitude absolument scandaleux pour un artiste qui se respecte ? La pitrerie, la bouffonnerie, le burlesque, sont aussi des sentiers dramatiques rigoureusement homologués dans les annales de l’histoire de cet art si délicat. Non, ils ne débouchent pas dans le Néant de l’Homme. Mais cherchent vigoureusement à se perdre dans l’embouchure de sa conscience. Les ténors de notre théâtre, pour sortir par la grande porte, doivent aussi se résoudre à supporter les éclaboussures de la nouvelle révolution dramatique dont les incidences majeures sur la conscience d’un peuple qui veut rire sans s’arrêter semblent hélas leur échapper. A leur tour, ceux de la jeune génération doivent comprendre ceci : ils n’on pas inventé le jeu théâtral ;le théâtre, chez nous, a une solide histoire soigneusement bâtie par des comédiens de génie, et il serait extrêmement dangereux pour la génération de Sanèèkh de croire qu’ils peuvent perdurer dans les jardins du succès sans, de temps à autre, boire un coup dans ces précieuses fontaines incarnées par la génération de Lamine Ndiaye…
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