Le Sénégalais de 58 ans, sans papiers, est mort le 30 avril percuté par un fourgon de police alors qu’il tentait de fuir un contrôle d’identité. En France depuis 2001, il avait écumé les petits boulots, la peur au ventre, avant de tenter de survivre en vendant des souvenirs sous le manteau.
Ismaëla Bocar Deh n’a jamais avoué qu’il frémissait à chaque fois qu’il sortait dans la rue. Par pudeur peut-être, «par fierté, sans doute», résume Alassane, son frère aîné. «Il était le chef du clan, l’homme fort qui devait nourrir sa famille. Il ne montrait que rarement ses angoisses, mais nous pouvions les sentir.» Installé en France depuis 2001, ce Sénégalais âgé de 58 ans, marié, père de huit enfants restés au pays, rasait les murs lorsqu’il partait travailler. Autour de lui, ce n’était que peur et crainte : Ismaëla était sans papiers. Renversé par un fourgon de police alors qu’il tentait d’échapper à un contrôle d’identité, il est mort lundi 30 avril.
Il y a environ trois mois, l’homme avait rejoint une équipe de vendeurs à la sauvette postée devant les grilles du château de Versailles. Il monnayait parfois des parapluies, marchandait souvent des petites tours Eiffel avec les touristes de passage. Dimanche 29 avril, une patrouille de police a fait irruption pour un contrôle des papiers et des marchandises. Comme d’habitude, tous les vendeurs ont pris la fuite. Ce jour-là, c’est Ismaëla qui a été poursuivi par un fourgon et deux fonctionnaires à pied. Sa course a pris fin 100 mètres plus loin, rue Carnot, quand il a été percuté par le véhicule. Amené aux urgences de l’hôpital Pompidou, à Paris, avec une hémorragie cérébrale, un arrachement de l’oreille gauche et de multiples fractures vertébrales, le vendeur à la sauvette a succombé à ses blessures le lendemain. L’Inspection générale de la police nationale a ouvert une enquête pour homicide involontaire.
Demandes d’asile rejetées
«La France, c’était son rêve, mais elle s’est montrée cruelle envers lui, juge sa petite sœur, Aïssata. Ce n’était ni un voyou ni un délinquant, mais un honnête homme qui travaillait d’arrache-pied et gagnait une misère. Comment la France a-t-elle pu être si injuste ?» Tous les membres de la famille Deh résidant en France ont obtenu la nationalité française, sauf Ismaëla. Ses frères et sœurs, arrivés dans les années 80, ont été naturalisés. Ses neveux et nièces sont nés à Mantes-la-Jolie. Le quinquagénaire, lui, a vu ses demandes d’asile rejetées les unes après les autres par la préfecture de Versailles. En 2011 et en 2014, lorsque son père puis sa mère meurent au Sénégal, il est le seul à ne pouvoir rentrer pour les obsèques. «Mon frère, poursuit Aïssata, s’est sacrifié pour un pays qu’il voulait intégrer et qu’il aimait obstinément, mais la France n’a pas su l’aimer en retour. Elle a même fini par le tuer.» Le corps du Sénégalais sera rapatrié ce dimanche auprès de ses enfants et de sa terre natale après dix-huit ans de survie en clandestinité.
Entre 2001 et 2017, Ismaëla fait les saisons touristiques à Cannes. Chaque pièce gagnée est envoyée au Sénégal pour ses six filles et ses deux garçons. Il bosse à la plonge, la trouille au ventre. Change de patron tous les étés pour plus de sécurité. Loge successivement chez des amis d’un soir pour ne pas se faire repérer. Et retourne en région parisienne retrouver les siens à chaque saison creuse. Tout le monde l’aide comme il peut. Les aînés lui offrent le logis. Les jeunes lui glissent régulièrement un petit billet durant les repas de famille. «Sur l’échiquier familial, Ismaëla était notre roi, souffle Dady, son neveu, chauffeur poids-lourd de 36 ans. Il était certainement le plus malheureux d’entre nous, le plus fauché, le plus à plaindre, et pourtant il était notre roc, notre pilier qui gardait la foi. Toujours droit et soucieux des problèmes des autres. Aujourd’hui, je me demande si nous n’aurions pas pu l’épauler encore davantage. Je me demande aussi si la France est vraiment notre pays.»
Le travailleur sans papiers revient définitivement à Mantes-la-Jolie durant l’hiver 2017. Arrêté à Cannes quelques mois plus tôt, relâché mais obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, Ismaëla trouve refuge chez sa sœur Aïssata, employée de mairie. «Il a mis quelques semaines avant de remettre les pieds dehors, se souvient-elle. Il a longtemps évité les gares et les transports en commun. Avant de se rendre quelque part, il vérifiait toujours qu’aucun événement n’était prévu dans la journée pour éviter à tout prix la présence des policiers. Ce n’était plus une vie.» En février, Ismaëla devient vendeur à la sauvette au château de Versailles. Sa famille l’ignore. Elle ne l’apprendra que le dimanche 29 avril, la veille de son décès. «Il ne nous a rien dit car il savait très bien que nous allions le persuader de laisser tomber ce travail, se désole son frère Alassane. Comment lui en vouloir ? C’était un forcené qui voulait gagner sa vie. Un homme digne qui voulait pouvoir marcher la tête haute.»
Zakaria (1), 50 ans, marchand de bric et de broc depuis trois ans sur la place des Armes, un spot occupé principalement par une vingtaine de Sénégalais, avait «prévenu le petit nouveau» : les descentes régulières, les corps en alerte, les regards attentifs, les courses-poursuites, les planques, les confiscations, les ameChapeaux et bouteilles d’eaundes plus ou moins sévères, les gardes à vue plus ou moins justifiées, le danger d’être envoyé dans un centre de rétention…
Mais en février, Ismaëla n’a plus un sou en poche. La vente à la sauvette peut bien être un délit passible de six mois d’emprisonnement, 3 750 euros d’amende et un ticket sans retour pour le Sénégal, il n’a plus vraiment le choix.«Ismaëla était trop âgé pour faire ce genre de boulot, mais je le comprends. On est des pères de famille, pour gagner 5 ou 10 euros de bénéfice, on peut rester ici toute la journée. Même une journée à un euro, on prend sans rechigner», raconte Guy, vendeur sénégalais de 36 ans, installé dans un foyer à Saint-Denis. «Il y a des jours où on ne gagne rien. C’est un travail terriblement précaire et périlleux. Mais c’est la seule option des sans-papiers pour pas crever de faim et protéger leur famille.»
Les derniers mois de sa vie, Ismaëla Bocar Deh passera la majorité de son temps avec les vendeurs à la sauvette de Versailles. La semaine, les week-ends, les jours fériés. Le sac de toile sur le dos et paniquant à chaque passage d’un véhicule de police. Certains «collègues», vendeurs fugitifs de chapeaux, foulards et bouteilles d’eau, deviendront des amis. Tous seront présents ce vendredi après-midi pour la cérémonie d’hommage organisée par sa famille à la grande mosquée de Mantes-la-Jolie. «Ismaëla est mort pour avoir vendu des parapluies. Où va le monde ?» se demande Zakaria, désemparé. «Un sans-papiers de moins, un Noir de moins, tout le monde s’en fout, enrage Aïssata. Nous avons perdu un frère, un père, un oncle, un cousin, un ami. Mais la France a-t-elle le sentiment d’avoir perdu l’un des siens ?»
(1) Le prénom a été modifié.
15 Commentaires
Anonyme
En Mai, 2018 (22:59 PM)TU N'AS NI PAPIERS, NI D'AUTORISATION DE VENDRE...
60 ANS TU T'AVENTURES.. ANA 60 ANS DI DOW... D'AUTANT PLUS QUE VOUS NE MANGEZ PAS CORRECTEMENT, SAIN, ET VOUS N'ETES PAS EN BONNE SANTE.
CHERS COMPATRIOTES!!!!!!!!! RESTEZ CHEZ VOUS AU SENEGAL.. SENEGAL NEKHNA.. AFRIQUE NEKH NA... MOI JAI VECU EN AMERIQUE 10 ANS DEPUIS 5 ANS JE SUIS DE RETOUR ET JE NE LE REGRETTE PAS.. SENEGAL AMNA DIAM AK SALAM.. SO GORGOLOH TOUTI.. AM LOU BEURI... ON PEUT SE DEBROUILLER LA MEME CHOSE CHEZ NOUS AUSSI..
Ummm
En Mai, 2018 (23:16 PM)C'est Un Homme Digne
En Mai, 2018 (23:24 PM)Qui a choisit de faire vivre sa famille honnêtement et dignement que de rester au pays et attendre. Un mandat de quelqu'un court pour sauver sa vie
IL a choisit de ne pas tendre la main à chaque fin de mois
Yoo Allah yourmomo yaafomo
C'est Un Homme Digne
En Mai, 2018 (23:24 PM)Qui a choisit de faire vivre sa famille honnêtement et dignement que de rester au pays et attendre. Un mandat de quelqu'un court pour sauver sa vie
IL a choisit de ne pas tendre la main à chaque fin de mois
Yoo Allah yourmomo yaafomo
C'est Un Homme Digne
En Mai, 2018 (23:24 PM)Qui a choisit de faire vivre sa famille honnêtement et dignement que de rester au pays et attendre. Un mandat de quelqu'un court pour sauver sa vie
IL a choisit de ne pas tendre la main à chaque fin de mois
Yoo Allah yourmomo yaafomo
Anonyme
En Mai, 2018 (23:34 PM)Seul Un Homme Digne
En Mai, 2018 (04:04 AM)Certains ont choisi De vivre mésérablement en Afrique en tendant la main
D'autres ont choisi d'aller en Europe.ou Amerique sans tendre la main quel que soit les risques
La logique est de ne jamais vivre en tendant la main car vous devenez l'esclave de celui qui vous donne A BON ENTENDEUR SALUT
Anonyme
En Mai, 2018 (05:46 AM)en tout CAS,beaucoup d'immigres ont plus de difficultes que lui,lui au moins avait une famille en France et il ne dormait pas dans les rues.
il y a des vendeurs a la sauvette qui gagnent bien leur vie,qui ont des papiers mais ne veulent pas abandonner ce metier,ils ont meme construit des immeubles,tout est relatif
Anonyme
En Mai, 2018 (05:46 AM)en tout CAS,beaucoup d'immigres ont plus de difficultes que lui,lui au moins avait une famille en France et il ne dormait pas dans les rues.
il y a des vendeurs a la sauvette qui gagnent bien leur vie,qui ont des papiers mais ne veulent pas abandonner ce metier,ils ont meme construit des immeubles,tout est relatif
Anonyme
En Mai, 2018 (07:13 AM)Anonyme
En Mai, 2018 (08:18 AM)Anonyme
En Mai, 2018 (08:21 AM)Anonyme
En Mai, 2018 (08:21 AM)Anonyme
En Mai, 2018 (08:29 AM)Anonyme
En Mai, 2018 (08:35 AM)Participer à la Discussion