Loin, très loin de la terre de ses ancêtres, Ibou Ndoye fait la fierté des Sénégalais établis aux Etats-Unis. Sorti de l’école des beaux-arts il y a bien des années, le Lébou de Ndakaru monnaye son talent aux Usa où ses expositions sont aussi célèbres que le marché hebdomadaire. À Cincinnati, dans l’Etat de L’Ohio, il n’est point besoin d’adresse pour le voir. Devenu le portraitiste préféré du maire de Cincinnati, l’artiste, chanteur et guitariste à ses heures perdues, nourrit, un rêve intime, celui de mettre son génie et son talent au service du Sénégal. Dans la société des artistes, il est un dieu. C’est que Ibou Ndoye est loin d’être un amateur. Comme un bon voyageur, il s’est levé tôt pour ménager sa monture. Né à Thiès en 1958, il a vite montré son penchant pour le beau. Le voilà très jeune en 1980 à l’école nationale des Beaux-Arts de Dakar. Il fit de la peinture une religion. Avec son talent déjà latent qui balbutiait, il en sort artiste peintre, portraitiste, muraliste, musicien en même temps. À sa sortie en 1984, il part à l’aventure en France. À Paris, il passe dix années difficiles, sans ouverture, car selon lui «le Blanc encourage toujours le Noir dans la médiocrité, et l’ignore quand il lui présente des merveilles». Son étoile ne s’étant pas levée au bord de la Seine, il prend son mal en patience et se rend en 1997 aux Etats-Unis, à New York où il côtoie le célèbre portraitiste New-Yorkais, John Howard Sanden. Qui, émerveillé par ses portraits, lui demande si c’était des photos. «J’ai aussi intégré pendant quelques mois, la célèbre “World Famous Art Student league school” de New-York (Ecole de renommée mondiale de la ligue d’étudiants d’art)». En 1998, il quitte New-York pour Cincinnati dans l’Ohio. Là-bas, il est membre de “Art Consortium of Cincinnati” (association des artistes plasticiens). «J’ai fait pas mal d’expositions, dont la plus récente est en cours en ce moment au musée de Cincinnati», révèle-t-il. Ses bonnes relations avec le maire de Cincinnati sont un secret de polichinelle. Ce dernier voue un respect inestimable à l’artiste. Souvent d’ailleurs, il lui demande de lui faire son portrait. La muse artistique l’installe dans un état de transe. Et comme le poète venu apporter vie, il donne sens à ses tableaux ; lesquels expriment sans fioritures son engagement. Un engagement qui consiste à essayer, à travers son pinceau, de sensibiliser l’opinion internationale sur la sécheresse qui sévit dans les pays du Sahel depuis des décennies. C’est que pour lui «la famine, les douleurs et misères auxquelles font face les populations africaines, sont inacceptables. «Aucune créature de Dieu ne devrait être exposée à ces maux», tonne-t-il. Qu’à cela ne tienne, la misère est un sujet qui l’inspire. Et pour cause «j’ai eu la chance d’avoir un style de peinture unique, qui m’est particulier et que les gens apprécient beaucoup». Et les êtres inanimés ne le laissent pas indifférent car Ndoye est aussi un environnementaliste doublé d’architecte qui a flirté avec ce métier auprès de l’architecte Dominique Correa. «D’abord ce qui m’inspire le plus, ce sont les arbres morts et les formations dramatiques du ciel et des nuages. Ensuite, quand on dit que l’homme représente Dieu sur terre, vous comparez la formation des nuages à celle de votre cerveau, la texture du sable à celle de votre peau, et enfin l’océan avec toutes ces espèces qui y vivent, vous le comparez à votre estomac rempli d’eau, c’est comme si le Tout Puissant a d’abord créé l’homme, s’est référé sur le prototype pour créer ce monde, tellement tout ce qui nous entoure nous ressemble». Sans commentaire. Ibou Ndoye le peintre nous plonge dans un délire artistique, un langage codé que seuls les initiés comprennent. Aux Etats-Unis, Ibou vit paisiblement depuis une décennie de son art. Marié et père de deux enfants, une fille et un garçon. Il est peu connu au pays, mais son œuvre y est remarquable dans la communauté sénégalaise. À son actif, le célèbre tableau montrant le fondateur du Mouridisme, en déportation, prier sur l’Océan. Ce tableau mythique a fait couler beaucoup d’encre. Mais son concepteur en sera floué. D’ailleurs, les présumés faussaires de ce tableau ont un dossier pendant en justice. Toutefois, il continue ses créations. «Quand je peins un tableau, je pars toujours du même processus qui est de trouver d’abord un sujet intéressant et significatif, ou une histoire, pour ensuite les développer et les relater sur toile». En effet, Ibou comme l’appellent affectueusement ses amis, pense que l’artiste doit être capable d’expliquer clairement son oeuvre sans «tâtonnement ni hésitation». Pour peindre alors, il faut de l’inspiration, mais aussi du savoir. «Je sais que je ne pourrai jamais faire un abstrait avec de belles couleurs pour ensuite l’intituler “les doux rêves de ma grand-mère”. L’observateur pourrait bien me poser la question de savoir qu’est-ce qui représente grand-mère et qu’est ce qui représente les doux rêves». C’est dans la peinture que son engagement se fait le plus ressentir. «Côté peinture, je persiste toujours à ce que chacune de mes oeuvres soit une plaidoirie, ait un sens éducationnel ou historique et toujours à l’appui, un petit texte d’explication pour mieux faciliter la compréhension». Le temps de la renommée : une moisson de prix Son arrivée aux Usa lui a ouvert les portes du succès. Il décroche son premier prix en 1998 à Cincinnati. En effet, le Cincinnati Art Consortium” (Association des artistes plasticiens) dont il est membre, organise annuellement une exposition collective et compétitive qui regroupe beaucoup d’artistes venus de trois villes de l’Ohio : Columbus, Cincinnati et Cleaveland, dans le but de designer l’artiste de l’année. Alors qu’il venait d’y adhérer, il décroche le premier prix. Ensuite, un deuxième prix en 2006, “Spécial Recognition Merit Award” (récompense de mérite spécial reconnaissance), qui lui a été attribué par la célèbre “Upstream People Gallery”,qui est une galerie basée à Omaha dans le Nebraska, et qui organise chaque année sur l’Internet des expositions d’art international. Prés de 600 artistes des quatre coins du monde participent à l’exposition, 48 sont présélectionnés mais seuls 24 sont retenus, pour recevoir le même prix. Il décrochera un autre prix en 2006. «Le troisième prix m’a vraiment surpris, “Who’s who in Black Cincinnati” (Qui est qui dans la communauté noire de Cincinnati). “Who’s who publishing” est le plus grand éditeur annuel visant les Africain-Americains influents et riches. Ainsi chaque année, chaque Etat parmi les 51, publie son propre “Who’s who”. Depuis 2005, il est membre du CALPAMS” (California Public Art and Mural Society), la plus influente association Californienne d’artistes peintres muralistes, dont le célèbre muraliste Californien John Pugh. Elle compte pour l’instant un total de 19 artistes professionnels en majorité californiens, Argentins, Ukrainiens et moi-même. Le rêve d’un retour prodigieux Dix années passées loin du Sénégal, l’artiste vit un dilemme cornélien. Autant son cœur penche pour le retour, autant l’inquiétude de sa future insertion le hante. Mais Ibou Ndoye reste aujourd’hui un as de l’art aux Usa, un ambassadeur du Sénégal. Même s’il refuse de se définir comme quelqu’un de riche, il reste constant que sa santé financière est bonne. Toutefois, avec sa famille, son souhait le plus ardent demeure de rentrer au bercail. «Présentement, mon seul souhait est de rentrer définitivement au pays et faire profiter mon art à mon peuple. J’ai réalisé une fresque à New York, d’autres à Cincinnati, pourquoi pas au pays. Vous savez, en ce moment ici aux Etats-Unis, pour embellir le paysage urbain, les communes et les mairies font beaucoup appel aux artistes peintres pour des réalisations de fresques dont les thèmes, généralement, sont en rapport avec l’histoire de l’Amérique, ce que je rêve de faire au Sénégal. J’aimerais bien aussi immortaliser par des portraits Léopold Sedar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade,et d’autres personnalités importantes qui ont marqué l’histoire du Sénégal». Quelle noble ambition.
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