"Coeurs d'Afrique", ou le roman photo "made in Sénégal"

Sentiments, intrigues et fin heureuse. Le mensuel "Coeurs d'Afrique" utilise depuis un an la recette universelle du roman-photo avec des scénarios, personnages et décors "made in Sénégal".

"Ce sont des histoires heureuses, en général, tirées des histoires locales. On se réfère au quotidien sénégalais", explique à l'AFP Fatou Diouf, Sénégalaise de 29 ans ayant créé le magazine avec deux amis français, un instituteur et un professeur de lycée installés à Dakar.

"On a trouvé un besoin local qui n'était pas satisfait. On s'est dit : pourquoi pas?", ajoute la jeune femme, rédactrice en chef du mensuel et par ailleurs commerciale dans une autre entreprise.

Avec leurs économies, les trois amis créent leur société et l'équipent du minimum: un appareil photo numérique, quelques accessoires, un ordinateur. Pour le reste, ils apprennent "sur le tas" et, au bout de cinq mois, publient le premier numéro de Coeurs d'Afrique "le 14 février 2006, pour coïncider avec la Saint-Valentin."

"C'est le premier magazine de roman-photo au Sénégal", fait par et avec des amateurs, déclare Fatou Diouf.

"Au début, Fatou était la seule scénariste. Maintenant, on a quatre scénaristes réguliers qui tournent à tour de rôle", confie Frédéric Vernet, directeur de publication et professeur de lycée.

Régina Goueu, étudiante ivoirienne de 20 ans, figure parmi ces "scénaristes réguliers". Elle profite de son temps libre pour mettre ses histoires en images.

Jour de tournage dans une villa cossue du quartier résidentiel de Yoff (nord de Dakar): cinq jeunes sont retenus pour les rôles et payés à la journée. Ils "posent" tous pour la première fois.

Ibrahima "Laj" Barry, étudiant en mécanique et rappeur, joue Landry. Loubna Nascimento, élève en terminale, Soukeyna. Deux amants qui se voient en cachette.

"Soukeyna dit à Landry: +Je n'en peux plus. Quand vas-tu quitter Arame?+ Landry lui répond: +Ecoute, mon p'tit coeur, on ne fait pas ce genre de chose à la va-vite+".

"Il faut que la photo soit expressive!", leur lance Fatou Diouf, story-board en main, près de l'appareil photo monté sur trépied.

Dans le récit, Soukeyna séduit le père de son amie Arame, le tue en pensant bénéficier d'une partie de son héritage. Constatant l'échec de son plan, elle se tourne vers Landry, fiancé d'Arame devenue riche héritière. Les choses se corsent lorsque le policier chargé de l'affaire tombe amoureux de l'intrigante...

En puisant dans le genre policier, "on met un peu de piment dans la chose. Le titre, c'est +Belle coupable+. Ca sort au moi de mai" pour le seizième numéro, précise Régina Goueu, qui espère utiliser Coeurs d'Afrique pour arriver à faire éditer d'autres histoires qu'elle écrit "depuis l'âge de 16 ans".

Le mensuel, distribué pour l'heure au Sénégal et en Gambie, ne rapporte pas encore d'argent, indiquent ses responsables, qui ambitionnent d'augmenter son tirage actuel (3.500 exemplaires, 80% de taux de vente à 1.000 FCFA/1,52 euro le numéro) et de le diffuser dans toute l'Afrique.

En attendant, il semble susciter des vocations chez les jeunes.

Loubna Nascimento assure être venue au tournage avec la bénédiction de sa mère. "Elle sait que c'est le truc que j'ai toujours voulu faire (...). J'ai toujours rêvé d'être artiste."

"C'est une bonne occasion pour me faire découvrir, essayer de me lancer. Côté financier, ça m'aide aussi", indique de son côté Ibrahima Barry, avant d'avouer un faible pour les histoires d'amour: "Les hommes sont concernés, comme les filles. On a tous un coeur (qui) fait +boum-boum+."