Présentez-vous à nos lecteurs.
Je me nomme Mohamed Mustapha. Tout le monde m’appelle Mamane. Je suis comédien, humoriste et chroniqueur sur Radio France International. Je suis né au Niger et j’ai grandi un peu partout entre la Côte d’Ivoire, le Cameroun et aussi la France où je suis établi depuis 15 ans. Là, je suis venu à Dakar pour y tenir un spectacle et tout c’est bien passé.
Qu’est-ce que cela vous fait d’avoir grandi entre deux continents ?
Tout ce parcours n’a fait que me donner un sentiment d’appartenance au monde entier. Je me sens aussi bien dans la peau d’un Nigerien, d’un Camerounais, d’un Ivoirien, d’un Sénégalais que dans celle d’un Français. Mais, ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’en France, lorsqu’on est Africain, on se sent beaucoup plus comme tel. Pour la bonne et simple raison, qu’on est appelé à fréquenter nos frères noirs Africains, ne serait-ce qu’à cause de notre point commun, la couleur. Le panafricanisme est d’avantage plus fort au sein de la diaspora où il n’y a pas ce sentiment d’appartenance nationaliste. J’ai aussi gagné une soif de la culture et de l’histoire africaine. C’est ce que j’essaye d’intégrer dans mes chroniques.
Vous n’avez pas rencontré de difficultés ?
Je suis arrivé en France en tant qu’étudiant, le plus régulièrement du monde. C’est après, lorsque je devais passer du statut d’étudiant à celui de salarié, que les difficultés ont commencé. Toutefois, c’était plus par négligence que je me suis retrouvé devant le refus du renouvellement de mon titre de séjour. J’ai donc connu la galère des sans-papiers pendant quelques années. Je n’avais pas le droit d’avoir un compte en banque et j’étais obligé de me cacher. Je n’étais pas préparé à cela et ça m’est tombé dessus, mais je m’en suis quand même sorti. C’est une expérience assez dure.
Et comment l’avez-vous vécu ?
Sans trop y penser ! En essayant de foncer droit vers l’arrivée sans prêter attention aux obstacles. Bien que cela soit difficile, on s’en sort, avec notre foi et nos valeurs qui nous permettent de ne pas succomber aux tentations quand on se retrouve sans ressources. J’ai également eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont beaucoup aidé.
Peut-on avoir une idée de votre cursus scolaire ?
Après les études primaires et secondaires, j’ai fait une Maîtrise et un troisième cycle en Physiologie végétale. Après cela, j’ai fait des petits boulots pendant deux (2 ans) et, par le hasard de la vie, je me suis retrouvé à faire de la scène. Depuis quatre (4) ou cinq (5) ans, la comédie est devenue ma profession.
De la Physiologie végétale à la Comédie, il y a quand même un grand décalage…
Quand des occasions se présentent dans la vie, je suis d’avis qu’il faut les saisir à tout prix. D’autant plus que je ne me plaisais pas trop dans ce que je faisais, je n’ai pas hésité et mes parents m’ont beaucoup soutenu. Ils m’ont dit de foncer du moment que je sentais ce métier et qu’il fallait juste rester intègre et ne pas prendre des chemins tordus.
Mais comment êtes-vous parvenu à faire carrière dans la comédie ?
C’était juste du hasard. J’ai rencontré un ami comédien qui m’a demandé de compléter sa troupe. J’ai accepté, cela s’est bien passé. J’avais écrit un sketch pour toute la troupe et mon ami m’a suggéré d’en écrire un pour moi. Ce que j’ai fait, puis un deuxième, un troisième et ainsi de suite… Les gens ont beaucoup apprécié, je me suis laissé embarquer sans trop faire de calculs.
Faire rire des personnes différentes dans un même show, c’est une tâche qui paraît bien difficile… Comme on dit, les goûts et les couleurs ne se discutent pas.
C’est le métier le plus dur du spectacle vivant. Pour réussir à faire rire toute une salle pouvant aller jusqu’à mille (1 000) personnes, il faut viser le public le plus large possible à travers l’écriture. C’est un travail perpétuel et c’est encore plus difficile à l’antenne d’une radio comme RFI qui touche des millions d’auditeurs. C’est différent d’un spectacle d’humour où les gens ont fait l’effort d’acheter leurs tickets, donc ils savent déjà à quoi s’attendre. Tandis qu’à la radio, n’importe qui peut écouter. C’est à moi d’être digne de l’accueil qu’ils me réservent dans leurs foyers, leurs voitures, leurs bureaux… Et il est parfois difficile d’avoir cette justesse. C’est pourquoi, j’attends toujours le retour des auditeurs pour je prends l’avis des gens, pour essayer de m’améliorer. Mais tout en restant moi-même sans que quiconque ne m’impose une vision ou une manière de travailler. Je m’efforce tout simplement d’être poli, correct et d’utiliser une langue bien écrite, de ne pas chercher à blesser les gens nommément. Tout ce que j’attaque, ce sont les idées et les actes des gens.
D’où tirez-vous votre inspiration ?
De l’actualité, de la vie de tous les jours et de mon vécu.
Pourquoi ce surnom peu commun, Mamane ?
C’est un surnom et un prénom à la fois. Mon vrai prénom c’est Mohamed qui veut dire Mamane dans ma langue, le Haoussa du Niger. Je l’ai donc choisi comme nom de scène puisque déjà, beaucoup de mes compatriotes me surnommaient ainsi. C’était aussi une occasion pour que l’on identifie directement Mamane au Niger, puisque c’est un pays où l’opportunité d’en parler positivement ne se présente pas tout le temps. Encore plus sur le plan sportif et culturel.
Comment se passe l’intégration d’un Africain au sein de la RFI ?
Franchement, très bien ! Il n’y a pas mal d’Africains à RFI. Il n’y a aucun problème d’adaptation ; cela se passe même mieux que dans les précédentes radios où j’étais avant. J’ai été immédiatement accueilli et intégré dans la rédaction de RFI.
Vous avez donc fait d’autres médiums avant celle-ci ?
Lorsque je faisais mes spectacles dans toute la France, Laurent Ruquier m’a appelé pour une émission à Europe 1. Ensuite, j’ai été recruté à Africa N°1 pour y tenir une chronique pendant trois (3) ans. Et là, depuis deux mois, je travaille sur RFI.
Vous avez gravi les échelons assez rapidement, comment vous y êtes-vous pris ?
Cela n’a jamais été un plan de carrière, je prenais les choses comme elles venaient. C’est un boulot comme tout autre, il faut juste y aller avec un seul cœur. Avec un peu de chance et beaucoup de travail, les choses arrivent toutes seules. Les gens vous contactent et vous font des propositions que vous saisissez. Quand on vous donne un boulot de boulanger ou même de balayeur, il faut s’y donner à fond et le faire le plus honnêtement possible.
Quels conseils donnerez-vous aux Africains, fort de toute votre expérience ?
Les Africains sont très courageux. Les conditions de vie sont très difficiles en Afrique, tandis qu’en Europe, c’est le confort. Cela ne nécessite pas de gros efforts pour gagner son pain. Il suffit juste d’avoir de l’argent pour obtenir tout ce que l’on veut. Tandis qu’en Afrique, même avec de l’argent, ce n’est pas évident que l’on puisse se soigner. Je suis admiratif de voir à quel point, les Africains se battent pour réussir. Ils sont dans les marchés, dans la rue à travailler sous une température que n’importe quel Européen ne pourrait supporter. En France, les boulots les moins valorisants sont laissés aux Africains. Bâtiment, cuisine des restaurants, balayage des rues et du métro... Ils déploient beaucoup d’énergie juste pour survivre et laissent leurs familles derrière eux. Vraiment, je ne peux que les encourager à persévérer. Et maintenant pour ce qui est du reste, il appartient aux dirigeants de nous faciliter la vie. Priorité à l’éducation et à la santé. Il faut que tout le monde sache lire et écrire pour s’accrocher à la marge du monde. Il faut aussi se soigner. Et c’est à nous, de la diaspora, d’impulser le changement.
Que pensez-vous du Sénégal ?
C’est un très beau pays. Il y a beaucoup de changements et de chantiers en construction qui dénotent d’un dynamisme des Sénégalais, au même titre que sa diaspora. Aussi, il y a beaucoup d’infrastructures. Le Sénégal a vraiment une position stratégique ; c’est un pôle économique et culturel très important. Il y a la diversité culturelle, de beaux paysages et les gens sont bien éduqués.
De quelle confrérie religieuse êtes-vous ?
Je suis musulman. Au Niger, nous n’avons pas ce système de confrérie. L’Islam est très présent dans le pays.
Votre situation matrimoniale ?
Je suis marié et j’ai une petite fille.
Etes-vous pour la polygamie ?
Je n’ai rien contre la polygamie, mais je suis monogame. Je n’accorde pas de jugements sur les choix des gens et de même, je n’aime pas que l’on critique mes choix où que l’on essaye de m’imposer quoi que ce soit.
Vos passions ?
J’adore l’écriture, le sport et la musique. Et j’aime, par-dessus tout, lire des livres d’Histoire. C’est très important, car la vérité est dans l’Histoire et les Occidentaux veulent que les Africains oublient leurs Histoires et tout le mal qu’ils nous ont fait. Il faut que l’on inculque cela à nos enfants, afin qu’ils ne se laissent pas berner et exploiter. Surtout en sachant que l’Afrique est le continent le plus riche.
Comment vous définissez-vous en dehors de l’humoriste ?
Comme un citoyen du monde qui se sent bien partout. Si je meurs quelque part, je veux qu’on m’y enterre. La terre appartient à tout le monde.
Une anecdote pour finir…
Hier, à mon spectacle au Centre culturel Français, j’ai raconté mon voyage acrobatique à bord d’Air Sénégal. Il y avait un retard de vol, mais cela c’est très bien passé. Toutefois, j’ai été surpris d’entrer dans un avion Air Sénégal et d’être accueilli par un équipage marocain.
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