À CŒUR OUVERT AVEC ADIOUZA « Le cœur a plus de valeur que la beauté »

Marcher sur les plates-bandes de son pater, une icône de la musique sénégalaise, lui a sacrément porté chance. Avec un album qui cartonne sur les ondes radiophoniques et qui crève le carré lumineux, c’est tout aussi légitime qu’elle se hisse au rang de la révélation féminine de l’année. Adji Kâne Ouza Diallo, ou Adiouza pour les fans, est une fille sans chichis. Gros plans sur ce délice de femme qui soutient, curieusement, ne pas être emballée par les nuisettes et autres...

Comment Adiouza se sent-elle depuis la sortie de l’album «Madou» ?

Tout d’abord, je salue et remercie tous les Sénégalais pour l’accueil favorable qu’ils ont réservé à mon album. J’en suis très ravie d’autant plus qu’il s’agit d’un début pour moi. Aussi je ne peux que redoubler d’efforts pour ne pas décevoir mes fans.

Vous avez beaucoup de succès, cela n’a pas dû être facile d’en arriver là ?

Je ne vous le fais pas dire ! Effectivement, c’était très difficile. Je l’ai préparé pendant 2 années de suite avec mon frère, d’ailleurs c’est lui qui a tout arrangé, il y a certains morceaux qu’il a lui-même écrit. Contrairement à ceux qui pensent que c’est mon père Ouza qui a tout fait dans l’album, c’est mon frère Cheikh Lô qui a fait la conception et l’arrangement. Il m’a aussi conseillé d’aller voir Ibou Ndour pour la réalisation du morceau Nobel. Ce n’était pas évident de transformer Carmen en Mbalax.

D’où tirez vous votre inspiration ?

En général, lorsque je compose, je commence d’abord par la musique et les paroles viennent après. J’accorde énormément d’importance à la mélodie. Quelquefois, je chante des chansons sans connaître les paroles, mais par contre la mélodie je retiens bien. Toutefois, sur les thèmes que j’aborde dans mon album, je les ai tirés de mon expérience personnelle et de la vie en général.

Donc vous avez vécu ce que vous chantez dans le titre éponyme (Madou), un harcèlement venant d’une personne beaucoup plus âgée...

Oui je l’ai vécu ! Comme pratiquement toutes les jeunes filles…

Il y a également un morceau dans lequel vous fustigez les tenues aguichantes des jeunes filles. Ne vous habillez vous pas vous-même de la sorte ?

Oui et je l’assume. Je suis la première à aimer les tenues aguichantes. Toutefois, j’ai des limites. Ce dont je parle dans le morceau, c’est différent. D’ailleurs je me demande dans le morceau si cet habillement nous l’avons voulu ou on nous l’a imposé. Parce qu’à y voir de près, si on ne se mettait pas en valeur, est ce que les hommes allaient nous remarquer ? Ce qui ramène à un autre débat, est-ce nous sommes des objets. En tout cas Coumba Gawlo a dit que nous n’en étions pas. En ce qui me concerne, j’aime bien les habits sexy, mais cela se limite à la scène. Dans la vie de tous les jours, je suis très descente. Le plus important est que même si je m’habille sexy c’est pour moi et non pas pour plaire à un homme. Malheureusement, l’image de la femme est souvent associée à cette étiquette de sexy, d’aguicheuse... et c’est vraiment dommage, car ce n’est pas ce qui fait la beauté d’une femme.

Et qu’est ce qui selon vous fait la beauté d’une femme ?

C’est avant tout le cœur qui a plus de valeur que la beauté. C’est très important pour une femme d’avoir un bon cœur, de bonnes habitudes. Le physique et le reste viennent après.

Peut-on en savoir un peu plus sur Adiouza, entre autres, comment s’est passé votre enfance, votre cursus scolaire ?

J’étais une fille très réservée et timide. Je n’ai jamais crée de problèmes à mes parents, je suivais les recommandations à la lettre. J’avais tout de la petite fille modèle, d’ailleurs qui aurait dit qu’un jour, j’oserai prendre le micro et me mettre à chanter. S’agissant mon cursus scolaire, j’ai suivi des études jusqu’en classe de Terminale. Après le Bac, j’ai fait deux ans à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Par la suite je suis allée à Paris où j’ai suivi des études en ethno- musicologie. J’ai obtenu une licence et cette année je prépare mon mémoire. Sinon, j’ai commencé à faire de la musique vers l’an 2000.

Vous avez vécu en France avec comme seule soutien votre frère. Cela pas dû être évident, particulièrement les débuts...

C’était très dur. Quand on venait d’arriver, nous étions de simples étudiants. Nous n’avions pas d’argent et mon père n’avait pas les moyens de nous envoyer de l’argent à chaque fois. Du coup, nous faisions le tour des foyers pour avoir où dormir. Je me rappelle, quand j’allais en cours, je trimballais tout le temps ma valise. Et quand mes camarades me demandaient pourquoi j’avais mes valises, j’étais obligée de mentir, en leur faisant croire que je devais voyager. Après les cours, je me rendais dans les foyers pour voir où est-ce que j’allais dormir le soir. Et quelquefois, il n’y avait pas de place. C’était une vie très dure et facilement tu peux tomber dans les travers, faire le trottoir. Heureusement, moi mon éducation, ma fierté et mon éthique morale ne me permettent pas certaines choses. J’aurais préféré mourir de faim ou de froid.

Il n’y avait personne susceptible de vous héberger ?

Si au début. Mais vous savez, on ne peut pas éternellement vivre sur le dos des gens, déjà que la vie en France est très chère. Alors j’ai préféré aller dans les foyers. Cela m’énervait, je pleurais tout le temps et je n’avais qu’une seule envie de rentrer au Sénégal.

Et qu’est- ce qui vous en a empêché ?

Heureusement, nous avons rencontré Samba Laobé Ndiaye, c’est le bassiste du groupe Missal. Il nous a mis en rapport avec un homme qui nous adonné du travail. Nous chantions dans un cabaret, ce qui nous a permis d’être un peu stables.

Pensez-vous que pour réussir dans la musique, il faut nécessairement faire des études ?

Non, non ! Il suffit de regarder les griots pour s’en rendre compte. Ils chantent et respectent les mesures et les temps. Au Sénégal, il y a de grands chanteurs qui n’ont pas appris la musique. Seulement je dirais que c’est toujours un plus que d’étudier la musique et de savoir ce que les musiciens jouent. C’est aussi toujours bon de savoir jouer d’un instrument. C’est le talent qui compte le plus.

En parlant de talent, parmi les chanteuses Sénégalaises, il y en a trois qui se positionnent en maîtresses, Viviane, Titi et Coumba Gawlo. Laquelle préférez-vous ?

Je les adore toutes. J’écoute et j’aime bien ce qu’elles font. Je m’identifie même à elles.

Adiouza, elle t-elle une croyante, pratiquante ?

Oui, je crois en Dieu, je prie, je jeûne comme toute bonne musulmane.

Croyez-vous aux pratiques mystiques ?

Oui, l’Afrique a quand même ses mystères.

Vous serez capable d’aller chez un marabout pour «attacher» un homme ?

Non, loin de là ! Un homme doit m’aimer pour ce que je suis et non pas parce que je lui ai forcé la main.

En bonne Sénégalaise, êtes-vous «mocc pocc» ?

Non. Je pense plutôt que je suis très masculine. Je ne suis pas trop branchée par les nuisettes et autres petits pagnes. En revanche, je sais faire de bons petits plats.

Adiouza est-elle amoureuse ?

Non ! (rires)

Envisagez-vous le mariage ?

Pour le moment, la musique reste ma priorité, mais je pense tout de même à me marier un jour, quand j’aurais trouvé un homme qui m’aimera et me comprendra.