Il est écrivain et blogueur très en vue sur la plateforme Mondoblog de Rfi. Yao David Kpelly, ce Togolais installé au Mali analyse les résultats de l’élection qui a conduit IBK au pouvoir. Souvent remonté contre les islamistes dans ses textes publiés dans la presse, notamment sur le web, David Kpelly revient sur la victoire à la présidentielle du nouvel homme fort de Bamako, la promotion du putschiste Sanogo et la guerre contre les islamistes dans le Nord-Mali. Dans cet entretien à Seneweb News, le jeune écrivain de mettre en garde le président IBK, qui selon lui, « doit faire attention. Ce peuple est tellement frustré qu’aucun faux pas de lui ne sera toléré », prévient l’auteur d'Apocalypse des bouchers.
Entretien
Quel regard l'écrivain que vous-êtes porte-t-il sur ces présidentielles maliennes?
Merci de l’opportunité que vous m’accordez de m’exprimer dans votre journal. J’ai suivi avec beaucoup d’attention le déroulement de ces élections, même si je n’y ai pas produit beaucoup d’articles. Ce qui a été très frappant est la forte mobilisation des Maliens, avec un taux de participation ayant avoisiné 50 pour cent, un record au Mali. Ceci montre que les Maliens avaient fortement envie d’aller aux élections. C’est tout à fait normal, parce qu’avec les autorités de transition, tout le monde se disait que rien ne serait définitif, que tout serait provisoire, et surtout que l’autorité de l’Etat malien resterait toujours effritée et prise en otage surtout par l’armée. Le putsch du 22 mars 2012 et l’occupation des deux-tiers du territoire malien avaient tellement humilié les Maliens, eux dont le pays a toujours été cité en exemple de démocratie en Afrique avec le Ghana et le Sénégal. Ils voulaient donc coûte que coûte voter pour renouer avec un pouvoir légitime. C’est fait, Dieu merci. Il serait faux de dire que tout s’est bien passé. Il y a eu des dysfonctionnements, mais disons que dans l’ensemble ça s’est bien passé.
Surpris de la victoire de IBK?
Non, je ne suis nullement pas surpris de la victoire d’IBK. C’est vrai que je n’ai pas sillonné tout le Mali pour y voir la mobilisation des Maliens de l’intérieur, mais avec ce que nous avons vu à Bamako, IBK était largement favori. Son caractère d’homme poignant et catégorique a joué en sa faveur, les Maliens ont gardé le souvenir de sa fermeté quand il était Premier ministre. Et ils sont convaincus que c’est lui seul qui pourra régler définitivement le problème de la rébellion touarègue. D’ailleurs, à un moment, même Soumaila Cissé, le candidat malheureux, avait compris que ce ne serait pas gagné pour lui, et il a fait un geste noble, un geste très noble qu’on ne voit pas généralement en Afrique après les élections, il est allé féliciter son adversaire.
Que vous inspire la promotion du putschiste Sanogo au lendemain de l'élection d'IBK?
C’est une catastrophe. Vous savez, je ne trouve pas de mots pour qualifier cet acte. Il ne faut pas s’attendre à une vraie réconciliation dans l’armée malienne et d’ailleurs dans la classe politique malienne avec acte. Le capitaine Sanogo avait causé du tort à beaucoup de militaires, journalistes et hommes politiques de ce pays durant toute la crise. Ce coup d’Etat intempestif qu’il a fait a précipité l’occupation du Mali par les islamistes pendant presque un an… Et la sanction qu’on a jugé bon de lui donner, c’est un grade de Général. C’est une catastrophe. IBK doit faire attention, ce peuple est tellement frustré qu’aucun faux pas de lui ne sera toléré. Ce n’est pas lui qui a fait Sanogo général, mais c’est sous son règne que les conséquences de cette injustice vont éclater. On verra bien.
Peut-on dire qu'il y avait une guerre au nord-Mali, au vrai sens du terme?
Oui, il y avait une guerre. Les assaillants, les islamistes, étaient décidés à prendre tout le Mali. Ils étaient organisés et avaient des soutiens internes et externes. Nous avons tous été témoins, les déloger n’a pas été facile, et ce n’est même pas encore fini, ils sont toujours à l’affût. Mais c’est tout ce qui s’est caché derrière cette guerre que des yeux ordinaires comme les nôtres ne peuvent voir. Vous savez, ne nous leurrons pas, l’Afrique a toujours été un pion pour les grandes puissances, pour des intérêts économiques, et elles peuvent, ces puissances, tout manigancer pour arriver à leurs fins.
Les élections ont finalement eu lieu. Des élections dans un pays "en guerre" : comment est-ce possible?
Euh, disons que le Mali n’était plus en guerre au moment des élections. Ceux qui avaient déclaré la guerre c’étaient les extrémistes, et ils ont été chassés, ou presque, depuis le déclenchement de l’opération Serval en janvier 2013. Les Touaregs qui occupaient Kidal étaient certes remontés contre les autorités maliennes, mais ils étaient prêts à négocier, ce qu’ils ont d’ailleurs fait avec les accords de Ouagadougou. Ils savaient, eux aussi, qu’ils avaient à gagner avec ces élections, puisqu’ils avaient besoin d’autorités légitimes pour négocier. Mais il faut toujours souligner que cette élection a été rendue possible surtout avec la ferme volonté des Maliens d’aller aux urnes.
Un message à l'endroit de vos amis "islamistes"?
(Rires) ! Oh, les islamistes ! Je leur dis qu’on les traquera jusqu’au dernier centimètre sur le territoire malien. Ils peuvent retourner dans ces sombres pays qui les financent avec leurs macabres idées. Les Maliens savent adorer Allah sans armes et machettes, ils le font d’ailleurs très bien et très paisiblement depuis des siècles, et ils continueront de le faire pour des siècles, inch Allah !
Le départ de Wade et la première année de Macky Sall au pouvoir.
Wade, vu son prestige (j’aime beaucoup son CV) aurait dû partir la tête plus haute. Mais atteint par la folie du pouvoir, il s’est un moment dégradé, mais a eu l’intelligence de se ressaisir et reconnaître sa défaite. Pour Macky Sall, je pense qu’il faut encore lui accorder un peu de temps pour réellement jauger ce qu’il fait, ou ne fait pas. Il a été confronté à des décisions très cruciales, comme poursuivre Karim Wade, mais je pense qu’il doit rester lucide et très vigilent pour ne pas sombrer dans la vengeance. Le Sénégal est un très beau pays, on l’a toujours dit, j’ai eu la chance de le vérifier en avril passé. Dakar est l’une des villes que j’aie le plus aimées durant mes voyages. J’ai mangé un peu trop de riz mais bon… (rires)
Merci, David Kpelly. Rappelons que vous tenez deux blogs, dont un sur la plateforme Mondoblog de la Radio France internationale, RFI, et votre dernier livre est intitulé « Apocalypse des bouchers » sorti en 2011 aux Editions Edilivre en France.
Recueillis par Seneweb News
3 Commentaires
Abdoulaye Ba
En Août, 2013 (11:14 AM)Sangare
En Août, 2013 (20:42 PM)Ad
En Août, 2013 (13:47 PM)Participer à la Discussion