Si l’avocat du Collectif des familles des victimes des violences préélectorales applaudit des mains quant à l’annonce des indemnisations des clients par le ministre de la justice, Abdoulaye Tine martèle que cela ne remettra pas en cause les poursuites pénales. Il estime que le cas du Joola auquel a fait allusion la Garde des Sceaux, Aminata Touré, est différent de celui des violences préélectorales. C’est pourquoi le conseiller du Collectif préconise l’indemnisation au cas par cas. Dans l’interview qu’il nous a accordée, il a abordé d’autres questions notamment l’état des procédures engagées.
Wal Fadjri : Le ministre sénégalais de la Justice vient d’annoncer l’indemnisation de toutes les familles des victimes des violences pré-électorales. Etes-vous satisfaits ?
Me Abdoulaye TINE : Je ne peux que saluer une mesure de cette nature d’autant plus qu’elle fait progresser les droits de l’homme au Sénégal. En indemnisant les victimes des violences préélectorales, notre pays tient ses engagements internationaux qui sont le droit à la réparation de toutes les victimes graves des droits de l’homme comme c’est le cas en 2012 au Sénégal.
Mme Aminata Touré a précisé que l’indemnisation sera calquée sur celle du Joola…
Ce rajout nous inquiète et nous interroge. Nous comptons interroger le ministre de la Justice sur ce point parce que le parallèle avec le Joola, nous ne le partageons pas pour un certain nombre de raisons. La première des raisons, c’est que le Joola, c’était une catastrophe maritime où les personnes étaient mortes alors que pour les victimes des violences préélectorales, il y a 8 personnes décédées et un certain nombre de survivants. Ceux-ci ont aussi besoin d’être indemnisés financièrement. Mais, ils ont aussi besoin d’une prise en charge pour accéder à des soins de santé de base afin de dépasser les handicaps qui résultent de ces violences préélectorales. C’est pourquoi nous ne partageons pas ce principe d’indemniser selon la même méthodologie utilisée pour le Joola. Pour nous, la situation de chaque victime des violences préélectorales est différente de celle d’une autre.
Que proposez-vous ?
La première préconisation, c’est l’indemnisation au cas par cas. Nous leur avons transmis les éléments du dossier qu’ils doivent instruire à la lumière des pièces qui ont été soumises. L’indemnisation doit concerner tout le préjudice et rien que le préjudice. Si l’on accorde une indemnité forfaitaire, elle va créer des disparités au sein même de ces victimes parce qu’elles ont des situations différentes. Le droit international prévoit l’intégralité du préjudice c’est-à-dire rien que le préjudice, mais tout le préjudice.
Avez-vous dénombré les victimes ?
Nous avons déposé 32 dossiers dont 8 sont décédés et les 24 restants sont des blessés durant ces violences préélectorales. Mais, le nombre est indéterminé. Parce que, au fur et à mesure qu’on avance dans la procédure, des personnes, avec le certificat médical à l’appui, se manifestent.
Avez-vous la même définition des victimes que le ministre de la Justice ?
Oui, nous avons la même définition. Sur ce point, il y a un travail qui a été fait. Le ministre de la Justice avait demandé de faire des propositions. Nous avons fait des études sérieuses et avons proposé des mécanismes de réparation. Sur ce plan, nous pouvons dire que le ministre de la Justice a suivi nos recommandations en créant, par exemple, la commission. Nous l’en félicitons. Maintenant, une fois que la commission est mise en place, un certain nombre de choses doivent être respectées. Les victimes doivent être représentées dans cette commission. Il est important aussi qu’il y ait des personnes extérieures à l’administration, notamment celles qui ont montré leur intérêt pour les droits de l’homme. Le fait d’avoir des personnes extérieures permettra à la commission de poser un regard humain sur les dossiers.
Mais à notre meilleure connaissance, la commission est logée au ministère de l’Economie et des Finances. Dans cette commission, il y a un représentant du ministère de la Justice. C’est tout ce que l’on sait. Nous comptons, bien sûr, interpeller le ministre de la Justice pour qu’il donne davantage d’informations sur la composition de cette commission, sur la méthodologie de travail, le degré d’implication de la représentation des victimes et d’autres acteurs de la société civile.
Est-ce que l’indemnisation sur le modèle du naufrage du bateau Joola ne voudrait pas dire le renoncement à la procédure pénale ?
C’est la deuxième interrogation. Mais en amont des discussions, le ministre de la Justice a eu à aborder cette question avec le collectif des victimes. La poursuite des actions pénales initiées est une condition non négociable. Le premier principe, c’est qu’il ne faut pas que l’indemnisation mette en péril l’action pénale. Oralement, le ministre de la Justice nous a dit qu’elle est sur la même longueur que le Collectif des victimes. Je persiste à la croire, même si l’emprunt du schéma de l’indemnisation du Joola laisse perplexe. Mais, ils savent que la poursuite de l’action pénale participe à la restauration de l’Etat de droit et de l’idée de rupture. Au moment où je vous parle, il y a quatorze éléments des forces de l’ordre qui sont sous mandat de dépôt. Il y a même des condamnations qui sont tombées. C’est le cas de l’affaire Ousseynou Seck où une personne a été condamnée à deux ans de prison. A Podor, il y a des commandants de brigade qui sont sous mandat de dépôt avec leurs collaborateurs. Je pense qu’on ne peut pas arrêter cette machine judiciaire parce que simplement l’Etat a décidé d’indemniser. Je pense qu’il n’y aura pas d’équivoques sur ce point. Même si l’indemnisation est calquée sur le Joola, l’esprit qui a été préconisé, c’est de pousser jusqu’au bout les actions.
N’avez-vous pas de craintes ?
Personnellement, je n’ai aucune crainte particulière parce que c’est bien clair dans notre esprit. Nous l’avons dit dans nos propositions de création de mécanismes d’indemnisation soumises au ministre de la Justice. Nous l’avons rappelé dans nos différents échanges avec le ministère de la Justice. Jusqu’à maintenant, d’ailleurs, ils n’ont jamais déclaré le contraire. De toutes les façons, si tel devait être le cas, on n’accepterait pas. Nous serons obligés de renoncer à l’indemnisation tout simplement. Ils doivent indemniser de toutes les façons. S’ils le font tout de suite, c’est tout à leur honneur. S’ils ne le font pas, ça prendra le temps que cela prendra, mais ça finira par arriver. Par exemple, dans le cas d’Ousseynou Seck, le tribunal a accordé 10 millions d’indemnisation à la famille de la victime.
Où est-ce que vous en êtes dans la procédure judiciaire ?
L’instruction est en cours. Dans le cas d’Ousseynou Seck, le tribunal a condamné une personne à deux ans et deux autres ont été relaxées. Pour le cas de Mamadou Diop, l’instruction est en cours. Les victimes de Podor ont été convoquées la semaine dernière. Vendredi dernier, elles ont été entendues par le Doyen des juges. Cela veut dire que les procédures avancent. Dans le reste des autres dossiers, il y a des mandats de dépôt, des enquêtes sont menées. Donc c’est une avancée. Ça change nettement par rapport à ce qui se passait sous Wade avec le meurtre de Lopy, de Balla Gaye, etc. Les gens étaient arrivés à penser qu’on ne pouvait pas porter plainte ou inquiéter tout simplement les forces de sécurité lorsqu’il y a des bavures. Nul n’est au dessus de la loi. La loi ne peut pas ordonner le meurtre, ne peut pas ordonner la soumission à des traitements inhumains. Ce sont des avancées. Mais à côté, il y a des dossiers qui n’ont pas connu de développement depuis le dépôt des plaintes malgré nos relances nombreuses pour que ça démarre et que des mis en cause soient entendus. Un autre regret, c’est qu’il y a des cas où des mis en cause ne sont pas entendus. Par exemple, à part le commandant Madior Cissé, la plupart sont des exécutants qui sont visés par les procédures et mis sous mandat de dépôt. Or, tout le monde sait qu’ils n’auraient jamais agi s’ils n’avaient pas reçu d’ordres qui impliquent une hiérarchie qui reste non inquiétée. Nous sommes en train de nous interroger sur ce point et de réfléchir sur une alternative au cas où les autorités sénégalaises, pour une raison ou pour une autre, seraient tentées d’occulter cette partie de la procédure légitime des victimes.
Propos recueillis par Moustapha BARRY
(Correspondant permanent à Paris)
7 Commentaires
Ssd
En Juillet, 2013 (22:30 PM)Gooo
En Juillet, 2013 (23:04 PM)Diogou
En Juillet, 2013 (09:29 AM)Diop
En Juillet, 2013 (09:50 AM)Os
En Juillet, 2013 (09:56 AM)IL FAUT LE DEGAGER A LA MOHAMED MORSI. IL FAUT UNE REVOLUTION DE TOUT LE PAYS POUR ARRETER CE PRESIDENT A LA SOLDE DES EUROPEENS POUR ARRETER DES AFRICANISTES COMME HISSENE HABRE. DIOP JE SUIS D'ACCORD AVEC TOI MACKY EST UN INCAPABLE UN NUL UN RIEN QUI DONNE LE POUVOIR A SA FAMILLE. IL EST TEMPS D'ALLER VERS IDY OU PAPE DIOP. CEUX LA AU MOINS C'EST PAS DES VALETS DE L'EUROPE ET DE IDRISS DEBI.
Loooom
En Juillet, 2013 (13:41 PM)Mane Moussa
En Juillet, 2013 (20:57 PM)Participer à la Discussion