Elles sont peu de filles qui reprennent l’école après une grossesse, malgré la nouvelle directive du ministère de l’éducation d’écarter l’exclusion pour ces dernières. Aujourd’hui, en croire Aminata Traoré Seck, responsable de la santé de la reproduction à la division du contrôle médical scolaire (Dcms) au ministère de l’éducation nationale, beaucoup d’efforts sont en train d’être déployés dont le renforcement des contenus scolaires, la mise en place des infirmeries scolaires, mais aussi le code de conduite de l’enseignant. Dans cet entretien accordé à Sud quotidien, Mme Seck, revient sur les difficultés mais aussi le défi de son département pour le maintien des filles à l’école jusqu’au Bac. Entretien…..
De plus en plus, la presse fait état des grossesses en milieu scolaire. Quel est votre sentiment ?
La presse fait état de ces grossesses et au niveau du ministère de l’éducation nationale, nous avons pris conscience de ce problème et nous essayons tant bien que mal de pouvoir le gérer. Ainsi, nos partenaires ont eu à réaliser des études pour au moins statuer sur l’ampleur du phénomène. Ces études ont effectivement confirmé, ce que l’on craignait, c’est-à-dire la récurrence des cas de grossesses en milieu scolaire avec près de 2000 cas de grossesses entre 2011 et 2014. Au niveau du ministère, ce qui nous intéressait le plus, c’est comment éviter ces grossesses à l’école et comment aider les filles à s’y maintenir? Puisqu’en réalité, la plupart des filles ont abandonné les classes, malgré les dispositions qui sont prises par le ministère pour faciliter la reprise des cours. Auparavant, les filles victimes d’une grossesse étaient exclues, maintenant on demande une suspension. Et même sur cela, il faut reconnaître qu’il y a certains chefs d’établissements qui sont indulgents et qui laissent la fille poursuivre l’école, surtout lorsqu’elle est en classe d’examen.
Est-ce que les filles après suspension reviennent?
C’est justement là où se trouve le problème. Peu d’entre-elles reprennent les cours. Il y a un faible taux de reprises. Aujourd’hui, selon l’étude du Groupe pour l'Étude et l'Enseignement de la Population (Geep), la reprise tourne autour de 15%, après deux ans de suspension.
Quelles sont les mesures prises?
Ce qu’on fait à ce niveau pour booster le taux, c’est de voir comment aider la fille à revenir. Nous mettons à contribution les inspections médicales des écoles. Dès qu’on identifie les grossesses, qu’on puisse avoir un suivi rapproché de la fille, mais aussi avec les bureaux genre au niveau des inspections d’académies, ou des bureaux de l’inspection de l’éducation et de la formation et ce sont eux, une fois informés de la situation de grossesse de la fille qui entrent en contact avec elle et qui l’accompagne, qui font un suivi régulier et qui facilitent sa réinsertion. Maintenant, (l’Umo) peut contribuer par la disposition des services de santé en la référant vers les districts de santé et fait le suivi des consultations prénatales et aide la personne à accéder à un service de planification familiale.
Quelles sont les difficultés rencontrées, vu que la majorité des filles sont rejetées par les parents?
Quand c’est au niveau familial, il est difficile pour le ministère de pouvoir le gérer. Mais au niveau de l’école, nous sommes en train de tout faire pour aider la fille à revenir. Puisqu’aujourd’hui, le combat que le ministère mène n’est plus celui de l’accès, mais du maintien des filles à l’école. Comment relever le taux d’achèvement ? La fille qui entre à l’élémentaire puisse faire tout son cursus jusqu’au Bac, c’est cela notre défi.
Quel est le taux d’achèvement au Sénégal ?
Le taux, je ne l’ai pas à l’esprit, mais il faut noter qu’il y a une évolution par rapport au dix dernières années. Dans le cadre du programme d'amélioration de la qualité, de l'équité et de la transparence (paquet), nous faisons tout pour relever ce taux. Mais, on avait senti que sur cent filles qui rentraient à l’école seulement 20% parvenaient au Bac. Avoir 50% de filles qui arrivent au brevet, si on ne peut pas avoir plus, reste notre objectif.
A travers la presse on a tendance à attribuer les grossesses aux enseignants. Qu’en est-il?
Si on se réfère aux études faites par le Geep, c’est contraire à ce que pense la société. Il n’y a que 2% de cas de grossesses dont les auteurs sont des enseignants. Par contre pour les élèves et les étudiants, le taux tourne autour de 60%. Vous voyez que les relations sexuelles se font de plus en plus entre pairs, c'est-à-dire entre camarades. Autre fait très important à relever reste, le phénomène des Djakarta. Aujourd’hui, cette couche de population que je ne stigmatise pas, est indexée dans la récurrence des grossesses à l’école. Et cela est lié à la situation précaire que vivent les filles.
Avec la sensibilisation, pensez-vous que les filles sont suffisamment informées pour prendre en charge leur sexualité?
Ce qu’on a fait, c’est d’abord essayer de faire un diagnostique du programme qui est enseigné. Voir si, les curricula et les programmes scolaires, prennent en charge ces questions de santé de la reproduction, de grossesses. Nous nous sommes rendus compte, qu’il y avait des lacunes, des insuffisances partout, par rapport à la prise en charge de ces questions dans les enseignements et apprentissages. Après cela, nous avons proposé au ministère de renforcer ces questions, à travers un programme que nous avons intitulé «éducation sexuelle complète» ou en renforçant les contenues et les circulas existants. Ce que le ministère a accepté. Nous avons fait un travail qui a beaucoup avancé, des contenus que nous devons soumettre au comité scientifique. Sur l’offre de service en matière d’information, de sensibilisation, nous faisons des affiches, des fyers, des vidéos que nous projetons. Nous avons élaboré un currilum numérique pour servir d’animation en insistant sur les risques auxquels les filles et garçons sont exposées, du fait qu’il y a une sexualité précoce et active. Autre levier, c’est l’offre de service médical. Nous avons contracté tout récemment, un partenariat avec l’Ong, Marie Stop international pour l’offre de service en matière de santé de la reproduction que nous développons au niveau des infirmeries scolaires et de ce qu’on appelle les inspections médicales des écoles. Et je trouve cela, très important puisque les filles souvent ont des problèmes pour fréquenter les districts sanitaires. Aujourd’hui, au niveau du ministère, on est en train d’aménager des espaces ado-genres, cela entre dans ce cadre pour faciliter l’accès des jeunes à ces services de santé de la reproduction (Sr). Une fille qui fait une petite infection peut se sentir gênée d’aller vers le district sanitaire et de rencontrer une sage-femme qui peut connaître sa maman. D’abord, on peut être stigmatisé pour le simple fait d’aller voir une sage-femme dans la communauté. Les filles pour ne pas être mal jugées, préfèrent rester chez elles. C’est pourquoi nous avons pensé renforcer l’offre de service au niveau des écoles. Dans les zones, où il n’y a pas d’infirmerie, il y a des équipes mobiles de «Marie stop internationale» qui vont se déplacer pour aller offrir des services. Donc, ce sont sur ces trois leviers à savoir, le contenu enseigné qui est un paquet de service, composé d’activités d’information et de sensibilisation mais également d’activités d’offre de services au niveau des infirmeries scolaires. On est en train de réviser le code de conduite de l’enseignant aussi. Nous allons nous acheminer prochainement au partage de ce code que nous avons stabilisé ensemble. Nous allons le partager avec les différents départements du ministère de l’éducation nationale qui s’occupent de l’enseignement élémentaire moyen et secondaire pour voir comment l’améliorer et le vulgariser. Que l’enseignant qui vient de sortir des écoles de formations puisse savoir à quoi s’attendre lorsqu’il enfreint telle ou telle loi. Nous pensons que cela est fondamental bien qu’il existe un code d’éthique et de déontologie dans notre profession et même sur le règlement intérieur de l’école.
Les jeunes viennent-ils massivement de leur gré dans les centres de santé demander des offres de services?
Il y a des contenus dans l’enseignement qui prennent ces questions en charge. Si on prend les sciences de la vie et de la terre, l’économie familiale et même des professeurs de français. Ces derniers savent que, ce sont des préoccupations pour les jeunes donc ils l’abordent mais ce n’est pas de manière officielle. Il y a des éléments qui sont abordés et d’autres qui ne le sont pas. Ce sont ces lacunes là que nous voulons combler. Nous cherchons à renforcer l’existant et combler le manque en matière de connaissances en santé de la reproduction, mais sur la sexualité de manière générale. Puisque, si on ne le fait pas les jeunes sont exposés à une masse critique d’informations, qu’ils ne pourront pas eux-mêmes faire une analyse lucide de ces informations reçues. On ne peut pas laisser nos jeunes s’exposer à ces masses d’informations dont ils ne peuvent pas faire une analyse critique. C’est pour cela que nous avons pensé qu’il faut combler ces lacunes et renforcer l’offre de services et faire beaucoup d’activités de sensibilisation. Mais il faut reconnaître que les moyens sont limités.
Quelles sont les régions les plus touchées ?
Si on se réfère toujours à l’étude du Geep de 2011-2014, la région Sud est la plus touchée, mais il y a un peu de culture dans tout cela. Les résultats sont très disparates. Nous sentons que la zone Sud est la plus touchée et on recense plus de grossesses, mais aussi de mariages précoces parce que c’est culturel. Quand on donne une fille très tôt en mariage, elle fait une grossesse précoce. Il y a également des rituels qui font qu’une fille qui tombe enceinte n’est pas mal vue par la société, parce que c’est un signe de fertilité, donc elle a plus de chance d’avoir un mari. Pour cela, on ne peut pas faire grand-chose parce que c’est très ancré dans la société. Il y a les zones à forte présence touristique.
Quel conseil donnez-vous aux jeunes ?
En tant que maman, ce que je peux dire, la planification familiale c’est le moindre mal pour celui qui a déjà eu un enfant. Il faut l’accompagner, l’aider pour qu’elle ne fasse pas une autre grossesse. Il faut mettre à sa disposition des services. Dans le cadre de nos activités, j’ai eu à rencontrer des filles qui étaient enceintes en 6ème; 5ème et 4ème. Elles sont en 6ème, elles tombent enceintes, elles restent une année, elles reprennent l’année suivante et tombent encore enceinte en 4ème. C’est un problème. Il faudrait que l’école essaye de voir comment les aider. Il ne suffit pas de dire que la fille peut revenir après une grossesse, mais si elle fait des grossesses répétitives, elle ne va plus revenir et on risque de la perdre. Peut-être que si on lui montre qu’il y a des moyens d’éviter une grossesse, là on est véritablement en train de l’aider à se maintenir à l’école. Je dis encore aux filles que les études sont 100% bénéfiques et il y a un temps pour toute chose.
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2 Commentaires
Anonymepatali
En Avril, 2017 (06:44 AM)Anonyme
En Avril, 2017 (10:04 AM)Participer à la Discussion