L’année 2015 marquant l’anniversaire des cinquante années de relations diplomatiques entre le Sénégal et la Roumanie, la rédaction de la DEPECHE s’est entretenue avec M. Cheikh Bamba Ndao, Président de la Chambre Bilatérale de Commerce et d’Industrie Sénégalo-Roumaine nouvellement instituée dans le cadre du renforcement des actions économiques entre les deux gouvernements et le secteur privé des deux pays.
Comment êtes-vous arrivés à la tête de cette institution favorisant les échanges commerciales et économiques entre le Sénégal et la Roumanie?
Mon intégration au sein des structures sénégalo-roumaine ne date pas d’aujourd’hui et est avant tout facilitée par une aisance linguistique car ayant vécu à Bucarest pendant des années avec une connaissance certaine des spécificités de ce pays. De retour au Sénégal à la fin de mes études, nous avons travaillé de concert avec l’ambassade de la Roumanie à Dakar au sein d’une association à visée culturelle et éducationnelle dénommée ASERCOS (Association Sénégalo Roumaine pour la Coopération et la Solidarité). Nos actions ont été récompensées en juin 2014 par la visite du Secrétaire d’Etat à l’Education nationale qui a tenu lui-même, accompagné de cinq recteurs d’universités roumaines, d’officiels et l’ambassadeur accrédité au Sénégal à inaugurer le siège de l’ASERCOS. Petit à petit notre solide équipe constituée aussi d’anciens boursiers sénégalais à l’instar du secrétaire général M. Ousseynou Diagne, nous en sommes arrivés, au-delà de militer pour la simple promotion de la qualité des études roumaines et des relations bilatérales, à être plus flexibles sur le volet économique car nous avons constaté que les signaux que nous envoyions en Roumanie concernant le Sénégal ont fini par intéresser de très grandes entreprises qui faisaient très fréquemment appel à nos services pour solliciter des informations techniques sur le marché local. C’est ainsi que le Chef du bureau économique de l’ambassade a intégré l’ASERCOS comme partenaire technique au sein de ses missions de prospection à Dakar et en région, de ses rencontres officielles avec certains ministres et membres du gouvernement, et ses activités publiques avec certains décideurs économiques sénégalais. Voilà alors qu’ensemble l’idée de création d’une Chambre Bilatérale de Commerce cogitait déjà en octobre 2014. Une fois sa mission terminée au Sénégal en février 2015, la Chambre Bilatérale de Commerce est née afin de stimuler davantage les relations économiques et commerciales et de développer tout ce fort potentiel existant.
D’après l’historique des relations économiques, que nous montrent concrètement les chiffres actuels dans les échanges entre les deux pays et quels sont les grandes orientations dans ce sens?
L’historique des échanges économiques n’est pas très discuté mais le peuple roumain a réalisé de grands objectifs économiques au Sénégal avant 1990. Comme exemple, des entreprises roumaines ont réalisé la construction de pistes et de bâtiments pour l’actuel aéroport international LSS; ouvrage exécuté par I.C.E. Contransimex entre 1974 et 1975. Les travaux d’electrification rurale dans la zone de Bignona ont été éxécutés par I.C.E. Romelectro entre 1979 et 1980. Un accord de coopération économique, technique et scientifique existe depuis le 24 avril 1976 ainsi qu’un accord de coopération entre les chambres de commerce et d’industrie roumaine et celle de Dakar depuis septembre 1992. Néanmoins, force est de reconnaitre que la signature de l’accord commercial entre les opérateurs privés d’entreprises roumaines et les représentants des associations patronales du Sénégal en juin 2010 a donné un coup de fouet considérable dans les relations économiques. Et pour preuve, l’évolution des échanges commerciaux ont noté une croissance spectaculaire allant de (chiffres exprimés en Millions de dollar USD) 4,129 en 2009 – à 4,99 en 2010 – 8,13 en 2011 – 8,28 en 2012 et 12,87 en 2013 avec une forte tendance à l’importation de la partie sénégalaise. Avec plus ou moins un total de Deux cent vingt deux milliards cinq cent millions (222.500.000.000) F Cfa soient 44.5 millions de dollars d’échanges commerciaux lors de la dernière décennie, l’ensemble des exportations sénégalaises en Roumanie n’a pas dépassé cent vingt cinq mille (125.000) dollars soient six cent vingt cinq (625.000.000) F Cfa. Ce qui est extrêmement faible dans la balance commerciale du Sénégal vue la masse de production des ressources halieutiques, agricoles et artisanales.
La nouvelle orientation économique est de mettre en place une stratégie efficiente dans la perspective de croissance du volume des échanges commerciaux. Il est évident que nous devons accepter de faire la promotion des exportations avantageuses des entreprises sénégalaises pour les produits spécifiques que sont l’arachide, les fruits tropicaux, le poisson et les fruits de mer, les produits de l’artisanat, les produits de l’horticulture, l’huile de palme pour la production de biodiesel, les produits naturels pour l’industrie médicale, etc. La participation de toutes les agences gouvernementales et des entreprises du secteur privé seront mise à contribution afin de mettre en œuvre cette stratégie.
Est-ce que le fait d’attirer l’investissement étranger traduit la contribution de votre institution au Plan Sénégal Emergent du Président Macky Sall?
Moi je suis de ceux qui pensent qu’avant de développer, il faut d’abord introduire comme on nous l’apprenait si bien à l’école (rire). L’introduction de valeur de civisme, de discipline, de respect mutuel et surtout de favoriser un cadre d’hygiène et d’environnement propice à accueillir des investisseurs et entreprises étrangères est avant tout obligatoire. S’il est vrai que l’investissement étranger peut-être un réel atout pour booster notre économie, néanmoins il me plait à dire qu’avant quelconque plan, le sénégalais lui-même devrait être le premier agent d’émergence. Lorsque l’on travaille directement avec des investisseurs venus au Sénégal pour nous accompagner dans notre processus de développement sous forme de partenariat win/win, le respect de certaines valeurs et d’éthique professionnelles dans le travail est primordial. Le Président Macky Sall (qui connait bien le savoir-faire roumain dans le domaine de la pétrochimie en tant que géologue), avec toute la volonté du monde, ne pourra réussir aucun défi si le sénégalais lui-même n’est pas porté au changement. Notre Chambre Bilatérale de Commerce promeut effectivement le Plan Sénégal Emergent dans toutes ses formes pas seulement au niveau de la Roumanie mais au niveau de toutes le connections que l’on développe en Europe de l’Est, car étant un document d’orientation et de référence des secteurs prioritaires qui intéressent tout investisseur et acteur au développement.
Vous avez décliné les produits sénégalais qui pourraient être pourvus à l’exportation, mais quels sont les produits et services roumains les plus usés dans le marché local sénégalais?
Les principaux produits roumains qui ont fait l’objet d’importation sont les produits sidérurgiques, les produits agricoles, les appareils et accumulateurs électriques, les enveloppes auto, les pièces d’échange des moteurs et générateurs électriques, les pièces d’échange pour le matériel roulant, les produits chimiques organiques, les électrodes de soudure, les poutres de construction, les installations et appareils sanitaires, les conserves de légumes, les matériaux en caoutchouc et de masse plastique, etc. En décembre 2005, le premier lot de 40 véhicules de tourisme Dacia Logan a intégré le marché sénégalais et constitue d’ailleurs la moitié de la pondération des exportations roumaines au Sénégal. Nous notons que le marché sénégalais peut aussi bien être réceptif à beaucoup d’autres produits roumains dont certains sont mondialement réputés comme étant de très haute qualité et répondant aux normes internationales: produits IT et de télécommunication (téléphones, ordinateurs, développement de logiciels, sécurité informatique et sur internet), équipements militaires, véhicules utilitaires à usage agricole, tracteurs avec remorque, bouteilles de gaz à usage domestique, les granulés polyéthylène, les serres pour l’horticulture, les conserves et les matériaux de construction. Le Sénégal gagnerait énormément à effectuer des actions concrètes dans ce sens plutôt que de discuter de politiques à ce stade.
Quels sont les secteurs prioritaires dans le développement économique de cet axe de coopération entre les deux pays?
L’offre et la demande est bien réelle des deux côtés dans des domaines divers. Les secteurs auxquels nous recevons une forte demande sont l’industrie, l’agriculture, la pêche, l’énergie et les services de télécommunication. Avec une pondération de 22,6% dans le PIB et une croissance de la production industrielle de 0,5% en 2013 (due à une situation conjoncturelle), le secteur industriel suscite un grand intérêt concernant l’exploitation des minéraux lourds, du fer et du zircon; Nous disposons de beaucoup de demandes pour la production de centrales électriques pour combler le gap énergétique ainsi que des champs solaires. Dans le souci d’accompagner la vision du gouvernement dans la modernisation de l’agriculture qui occupe 17,8% du PIB et 77,5% de la population active, une panoplie de multinationales roumaines est prête à s’investir concrètement sur le terrain avec du matériel agricole pour participer à l’effort de sécurité alimentaire. Certains producteurs agricoles sénégalais de la région de Casamance, du Saloum, et de la zone de Niayes sont également portés vers l’exportation avec les noix de cajou, les fruits et légumes et l’arachide. C’est dans cette perspective que nous organiserons périodiquement des missions économiques d’entreprises sénégalaises en Roumanie et vice-versa. D’ailleurs la date de la prochaine mission à Bucarest sera communiquée très bientôt après avoir réunie l’ensemble des acteurs gouvernementaux, du secteur privé ainsi que le patronat autour d’axes prioritaires pouvant favoriser des financements pour le Sénégal et des partenariats concluant.
Votre dernier mot à l’endroit de nos lecteurs.
J’invite fortement les autorités sénégalaises à s’investir davantage dans cette zone économique qui géopolitiquement constitue la porte d’entrée en Europe de l’Est et en demeure un maillon fort. Elle est convoitée par les USA, l’OTAN, l’UE, la Russie, le Moyen-Orient, la Türkie, la Chine, etc. de par sa position géostratégique et un marché ouvert. Avec les cinquante années de relations diplomatiques, nos gouvernants doivent plus s’activer à avoir une représentation sénégalaise plus forte et apte à répondre à la réduction de notre déficit commercial en favorisant une promotion à l’exportation des produits sénégalais. Nous appelons également les entreprises locales sénégalaises à plus se professionnaliser dans le traitement administratif mais aussi dans leur démarche d’exportation et, surtout d’intégrer le système bancaire. Aujourd’hui la totalité des transactions commerciales entre pays n’obéit plus aux règles traditionnelles et devient de jour en jour plus innovant.
5 Commentaires
Mais@anonyme
En Juin, 2015 (14:59 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (17:08 PM)Anonyme
En Juin, 2015 (23:47 PM)Bouna
En Juin, 2015 (08:22 AM)pour travailler ailleurs, les étudiants étrangers (européens, africains, asiatiques et même américains)
affluent vers la Roumanie.
Le pays possède de très bonnes écoles qui délivrent des diplômes reconnus dans le monde entier grâce à la qualité de l'enseignement. Ce qui explique pourquoi les sortants de ces écoles sont très sollicités tant aux niveaux national que international.
Les conditions d'inscription en Roumanie sont plus souples que dans la majorité des pays de l'etranger et les étudiants peuvent choisir d'étude en français, anglais ou Roumain.
Bouna
En Juin, 2015 (08:56 AM)pour travailler ailleurs, les étudiants étrangers (européens, africains, asiatiques et même américains)
affluent vers la Roumanie.
Le pays possède de très bonnes écoles qui délivrent des diplômes reconnus dans le monde entier grâce à la qualité de l'enseignement. Ce qui explique pourquoi les sortants de ces écoles sont très sollicités tant aux niveaux national que international.
Les conditions d'inscription en Roumanie sont plus souples que dans la majorité des pays de l'etranger et les étudiants peuvent choisir d'étude en français, anglais ou Roumain.
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