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Culture

Entretien avec Thierry Michel sur son film L’affaire Chébéya. Un crime d’Etat ? : « On a fait un simulacre de mort sexuelle sordide»

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Entretien avec Thierry Michel sur son film L’affaire Chébéya. Un crime d’Etat ? : « On a fait un simulacre de mort sexuelle sordide»

Thierry Michel, auteur de Mobutu, roi du Zaïre, est un documentariste connu surtout pour ses films d’investigation sur le Congo, un pays qu’il sillonne depuis plus de 20ans. Attaché à Floribert Chébéya, grand défenseur des droits de l’Homme assassiné le 1er juin 2010, il a réalisé un documentaire sur le sujet. Le film intitulé L’affaire Chébéya, un crime d’Etat ? lui a non seulement valu une expulsion dès son arrivée à l’aéroport mais, il est aujourd’hui déclaré «persona non grata au Con­go» et est poursuivi en justice par le général John Numbi. No­nobstant cela, ce «réalisateur engagé» et obstiné par le Congo, va bien­tôt sortir un autre film sur un homme puissant, le gouverneur du Katanga et président du Tout-puissant Mazembé. En attendant, il est à Dakar pour la projection ce soir à l’Institut français de son film à polémique.


Votre documentaire sur l’affaire Ché­béya sera projeté à Dakar. Pouvez-vous revenir pour le public sénégalais sur le sujet qui y est traité et les raisons qui ont conduit à la censure de ce film ?

Le 1er juin 2010, on retrouve le corps de Floribert Chébéya dénudé avec des préservatifs, du viagra, des cheveux de femme abandonnés dans sa voiture à 30 km de Kinshasha. Or, il s’avère tout de suite que Floribert Chébéya est une personnalité internationalement connue et est le président de la société civile. C’est le pionnier des organisations de défense des droits de l’Homme, il y a déjà 25 ans, sous l’ère Mobutu. Il a eu de prestigieux prix. C’est donc un homme incontournable de la vie politique congolaise. C’est quelqu’un qui a toujours défendu l’Etat de droit quel que soit le système politique. Deuxième chose, il se trouve que la veille de sa mort à 17h, il avait rendez-vous avec le général en chef des forces de police con­golaise, le général trois étoiles John Numby. Et très vite, l’on se rend compte qu’on a fait un simulacre de scénario de mort sexuelle sordide pour cacher un crime d’Etat. En fait, il a été tué par les services  de la police et le corps de son chauffeur a disparu. Ainsi commence l’affaire Chébéya qui va défrayer la chronique au Congo mais aussi au plan international. Et puis, il va donner lieu, sous la pression de la communauté internationale, à un procès. Avec celui des assassins de Laurent Désiré Kabila l’ex-président du Congo, c’est le plus grand procès organisé depuis l’indépendance. Procès qui va durer huit mois et que j’ai filmé de bout en bout. J’ai donc réalisé ce film chronique d’un assassinat, chronique d’un procès avec des rebondissements, des choses inattendues, des révélations fracassantes. Le film terminé, la société civile et les centres culturels belge et français ont voulu le présenter à Kinshasha. Je vais à Kinshasha et je me vois expulsé dès mon arrivée à l’aéroport. Le film est interdit. De plus, les autorités congolaises, en tout cas le général John Numby, engagent un procès contre moi en Belgique.

Lors du tournage vous aviez déjà senti cette pression qui allait déboucher sur la censure ?

Totalement ! Dès le départ, on sent que la tension est forte. Cela dit, il faut reconnaître que le Tribunal militaire en première instance m’a autorisé à filmer, absolument toutes les séances du Tribunal. Donc, je jouis d’une liberté exceptionnelle. Mais, les pressions de l’Etat et des services informels se font fortes à tel point que de nombreux collaborateurs avec qui je travaille depuis plusieurs années devraient arrêter leur collaboration. Ils se sentaient intimidés, menacés. A un moment donné, il y a en même un qui m’a dit qu’il souhaite provisoirement qu’on ne se voit plus pour ne pas avoir trop de problèmes. Donc, on sent bien qu’il y a derrière un mensonge d’Etat et que le risque est très important de faire ce film. Mais bon, on a fait et le film et il a aujourd’hui une carrière invraisemblable. Il a été présenté aux Nations unies, pendant la session sur les droits de l’Homme. Il a été présenté au parlement européen. Il a été présenté partout, à Washington, Montréal, Londres. Donc, non seulement il est sorti en salle mais, il a été programmé dans les festivals. Il a fait l’objet de grandes projections devant de grandes institutions internationales soucieuses de l’absence de l’Etat de droit au Congo et surtout de l’impunité.

Avez-vous eu des rapports particuliers avec Chébéya avant sa mort ?

Oui ! J’ai connu Ché­béya à l’époque de la clandestinité, sous l’ère Mobutu. J’ai eu une grande admiration pour le courage qui était le sien, parce que sous cette dictature, il a réussi à dénoncer des assassinats sordides. Il venait à Toumé­phine pour débattre des questions que Tou-méphine posait. Donc quelque part, il y avait une amitié, un respect, une admiration même pour lui. Mais au-delà de ça, ça fait 20 ans que j’ai fait une dizaine de films sur la République démocratique du Congo (ex-Zaïre). Je suis le chroniqueur cinématographique privilégié. J’ai traversé le pays de fond en comble. Quelque part, je me sens aujourd’hui investi d’une mission de témoin. Il est évident qu’il y a des choses que j’ai faites au Congo et que malheureusement des cinéastes congolais n’auraient pu faire sans mettre en danger leur propre vie peut-être mais aussi, la sécurité de leurs familles et  de leurs proches.

Vous êtes traîné en justice en Belgique pour ce film. Où en est le dossier ?

Effectivement, je suis traîné en justice par le général trois étoiles John Numby. Il a été en référé et il a été débouté. C’était d’ailleurs un conflit très intéressant pour les journalistes entre le droit à l’image et la liberté d’expression. Il estimait que je n’avais pas le droit de montrer son image alors qu’il répondait aux questions devant le Tribunal. Donc, il défendait son droit à l’image et moi je défendais la liberté d’expression, la liberté de la presse, puisque c’est un grand personnage public, quand même considéré comme beaucoup comme le for commanditaire de l’assassinat. En tout cas, c’est lui qui, en plus, a favorisé l’évasion des assassins qui ont quitté le pays. Il peut donc continuer à me poursuivre au civil. Mais surtout, il est clair que je n’ai plus de visa pour le Congo. Quand bien même j’aurais un visa pour le Congo, qu’il me poursuive au Congo, je ne suis pas sûr que la justice congolaise ait la même indépendance que la justice belge, naïve.

Aujourd’hui, vous ne pouvez donc plus vous rendre au Congo ?

Non ! J’ai essayé après l’annulation de mon visa et mon expulsion directe à l’aéroport alors que j’attendais mes bagages. J’ai essayé de retrouver un visa pour profiter de la Fran­cophonie et du fait que François Hollande avait demandé  dans les conditions de son voyage qu’on régularise certaines choses dont le procès de l’affaire Chébéya, le visa de Thierry Michel. Les promesses ne sont pas respectées. Je n’ai toujours pas de visa quand bien même j’en aurai un, je pense que tous mes amis congolais m’empêcheraient de prendre l’avion parce qu’ils estiment que je suis en danger. En tout cas, tout le monde le dit. Et c’est vrai. Je pense que le danger est réel.

Malgré ce danger, vous avez envie d’y  retourner ?

D’abord ce n’est pas la première expulsion. Je ne compte pas les arrestations, c’est sur les doigts des quatre mains. J’ai eu deux expulsions. Une sous Mobutu où j’ai été arrêté pendant deux jours dans les cachots de la sûreté, interrogé rudement puis humilié avant que les ambassades américaine, française et belge n’obtiennent que je sois expulsé. L’arrêté d’expulsion disait : «Activité suspecte et intelligence pour le compte d’une puissance étrangère.» Je pense que la puissance, c’est la Belgique ou la France puisque je travaillais pour les télévisions des deux pays. Ici, le scénario recommence malheureusement plus de 15 ans après. Ré-arrestation, ré-expulsion, ré-interdiction des films, assassinat comme à l’époque de Mobutu. Huit journalistes assassinés sur cinq ans. Donc, quand vous dites que je suis en danger, je vous rappelle en tout cas que des journalistes pour qui j’avais beaucoup d’estime ont été assassinés. C’est le cas du journaliste Georges Mahéssé qui était sans doute un des rares journalistes congolais à faire de l’investigation et dont le procès a été bâclé pour ne pas trouver les vrais commanditaires. Donc, le risque est réel. Est-ce que j’ai envie de continuer au Congo ? Bien sûr ! La chance que j’ai au­jourd’hui, c’est le prochain film que je vais sortir sur le Congo. J’avais terminé le tournage avant ce voyage pour présenter mon film sur Chébéya.

Ce nouveau film à sortir traite de quoi ?

Entre le tournage de Chébéya et la sortie du film au Congo, j’ai eu un laps de temps pour pouvoir terminer le tournage d’un autre film sur une des plus grandes personnalités congolaises qui est le gouverneur du Katanga, président du Tout-puissant Mazembé, club de football, champion d’Afrique par deux fois, richissime homme d’affaires au Congo. Ce film là est quasi terminé. Après, est-ce que je retournerai au Congo ? J’espère ! Ce pays là est devenu mon pays. Je dis, après autant d’années, autant de choses vécues avec tous les réseaux les contacts, toutes les amitiés, j’espère bien retourner… Les régimes passent et les cinéastes restent.

Certains disent que le film sur Ché­béya a été commandé ?

Non, non ! Je suis totalement indépendant. Il n’y a personne qui me dicte ma ligne de conduite, ma ligne éditoriale. Je vous rassure, je suis un artiste qui défend cette liberté d’expression de l’auteur et du cinéaste… L’affaire Chébéya m’a emporté et c’est un film que je n’avais pas prémédité, ni financé. Il est mort et j’étais tellement secoué, révolté. J’ai pris ma caméra et je suis parti filmer l’enterrement, présenter mes condoléances à sa famille. Et j’ai également filmé les manifestations. C’était un crime, un mensonge d’Etat : on ne pouvait ne pas en faire une chronique. C’était un devoir journalistique. Voilà, c’est le Congo. Dans certains pays, je suis sur la liste rouge. On me refuse le visa. Mais, j’ai été frappé en entrant au Sénégal sans intimidation, ni menace, encore moins de raquette, comme dans un pays civilisé.

Qu’est-ce qui bloque la diffusion du film sur Tv5 ?

J’espère qu’il sera diffusé. Nous connaissons les mesures de rétorsion qu’ils peuvent avoir dans un pays. Mais, il est clair que s’il est diffusé sur Tv5, il sera vu au Congo, dans la mesure où il est censuré dans ce pays.



3 Commentaires

  1. Auteur

    Mtb

    En Novembre, 2012 (12:36 PM)
    depuis lumumba jusqu'en 2012 ou meme jusqu'en 2013, le blanc continu de tuer nos héros sous le nez et la barbe des africain et personne ne bouge le plus petit doigt.

    dommage dommage!!!
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  2. Auteur

    @1

    En Novembre, 2012 (15:59 PM)
    Ta haine génétique tu l'as soignes à l'eau bénite et au chapelet j'espère parce que tu vois le général dont il est question n'est pas vraiment un viking en terme de taux de mélanine (caucasien peut être ?) .............Gros tas d'immondices
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    Auteur

    Dd

    En Novembre, 2012 (03:07 AM)
    ce guy fait partit de ces blancs qui croient en afrique plus les africains
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