Le succès des films sénégalais au Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (Fespaco) en mars 2013 a fait germer chez certains l’espoir de voir le cinéma sénégalais renaître de ses cendres.
S’y ajoute, le nouvel engagement du gouvernement sénégalais « à financer la production nationale », même si l’attitude blasée de quelques Sénégalais laisse sceptique sur la capacité de ces deux évènements à faire sortir le septième art sénégalais d’une longue léthargie.
« Cela faisait depuis 2002 que les lois de financement existent, mais aucun fonds n'avait été mis en place avant cette année (2013)», s'enthousiasme Hugues Diaz, directeur de la cinématographie sénégalaise, lors d’un entretien avec Ouestafnews.
« On est passé d’une volonté à une réalité, le cinéma sénégalais est en train de retrouver ses lettres de noblesse », ajoute-il.
Après avoir été le pionnier en Afrique francophone avec des créateurs de la trempe de Sembène Ousmane ou encore Paulin Soumanou Vieyra, et un peu plus récemment Djibril Diop Mambéty, le septième art au Sénégal a connu une longue traversée du désert, entamée au début des années 90 et qui ne prendra fin qu’avec la décennie 2000.
« Quand on a commencé à mettre l'accent sur le cinéma, en 2009, on est partis de loin », se rappelle Moustapha Samb, responsable de la programmation au Centre Culturel Français de Dakar. « Mais aujourd'hui, il y a une vraie volonté politique qu'il faut applaudir ».
Mais en attendant cette renaissance, peut-être amorcée mais loin d’avoir réellement pris, le cinéma sénégalais fait toujours triste mine : seuls trois long-métrages de fiction ont été produits ou co-produits en 2012. Sur les 100 salles de cinéma qui existaient dans le pays au début des années 90, il ne reste plus que quatre, toutes à Dakar, à maintenir une programmation continue.
Mais la victoire au Fespaco a contribué à changer la donne cette année. Quatre films sénégalais ont été récompensés : Tey, d'Alain Gomis, a obtenu l'Etalon d'or, qui revient au meilleur film de l'année, une première pour un cinéaste sénégalais.
La Pirogue de Moussa Touré est arrivé troisième, obtenant l'Etalon de bronze. Les courts-métrages « Moly » de Moly Kane et «Cette couleur qui me dérange » de Khardiata Pouye ont aussi été primés.
En réaction à ce succès enregistré au Fespaco, le gouvernement a annoncé qu'un milliard de francs CFA va être mis à la disposition des cinéastes pour financer des productions sénégalaises.
Reste à savoir si ces récompenses vont pousser les Sénégalais à redécouvrir leurs cinéastes. Pour l'instant, les salles de cinéma encore en activité ont tendance à privilégier des films américains « à la valeur culturelle contestable », comme les décrit M. Diaz.
« Je crois que je n'ai jamais vu de film sénégalais », avoue Adama Sylla, interrogé à l’entrée d’une des salles de cinéma dakaroises ayant survécu au naufrage.
Quand il va au cinéma, il dit rechercher un moment de détente, et fait la moue quand on lui parle de « films sénégalais », avant de les décrire comme trop « intellectuels » à son goût. Pour ce Dakarois de 19 ans, le plus grand acteur sénégalais reste Omar Sy, (né en France) rendu célèbre par le film ''Intouchables'' réalisé par le Français Olivier Nakache.
A l'Institut Français, M. Samb se rappelle aussi les queues exceptionnelles lors de la projection d'Intouchables et de De l'autre côté du Périph, l’autre film où Omar Sy tenait le premier rôle. Mais l'acteur franco-sénégalais semble aujourd'hui plus tourné vers Hollywood, où il doit apparaître dans le prochain X-Men, que dans des productions sénégalaises.
Mais au - delà du problème de la perception du cinéma sénégalais par son public, peu de films sont accessibles aux cinémas du pays, en raison de la mort lente des salles et surtout du casse-tête de la distribution.
« Souvent, les droits d'exploitation sont la propriété de distributeurs en dehors du pays, comme des Sud-Africains », explique le directeur de la cinématographie pour qui « Il n'y a pas de société efficace de promotion ici. »
Pour relever ces défis, des cinémas itinérants se sont développés ici et là. A titre d’exemple, une caravane du cinéma parcourt le pays depuis le mois de mars 2012, et met en avant des courts-métrages réalisés dans chaque région visitée.
A Dakar, en plus d'initiatives similaires, comme le Mobi Ciné, les centres culturels étrangers (français, allemand) projettent des films et organisent des rencontres entre les cinéastes et leur public.
C'est le cas du Goethe Institut, qui peut compter sur la proximité de ses locaux avec l’Université de Dakar pour trouver un public sénégalais.
« Nous avons une petite salle de 80 places, mais quand nous invitons des réalisateurs, c'est un vrai succès. Pour la réalisatrice Fatou Kandé Senghor, nous avons dû refuser du monde », explique Fatou N'dour, responsable de la programmation de l'institut allemand.
Le Goethe Institut a en outre programmé une exposition sur les pionniers du cinéma sénégalais, du 12 juin au 3 août 2013. Des panneaux exposent les cinématographies des plus grands réalisateurs de l'âge d'or du cinéma sénégalais, dans les années 1970, comme Momar Thiam, Thierno Faty Sow, Safi Faye sans oublier les incontournables Djibril Diop Mambety et Ousmane Sembene.
« Il y en a certains dont je n'avais jamais entendu parler », s'étonne Abdou Fall, étudiant de 18 ans après avoir visité l'exposition avec attention, notant les noms de plusieurs réalisateurs.
Alors que le piratage affaiblit les cinémas de nombre de pays, seul le Nigeria, en Afrique de l'Ouest, continue de tirer son épingle du jeu avec plus d'un million de personnes employées par le secteur.
Le modèle marocain, dont le centre cinématographique a multiplié le nombre de productions nationales par huit, attire aussi l'attention des pays d'Afrique.
Des modèles qui devraient inspirer le Sénégal, toujours en attendant qu’il trouve sa propre voie pour développer une réelle industrie cinématographique.
3 Commentaires
Taaw
En Juillet, 2013 (18:56 PM)Ak Taaw
En Juillet, 2013 (09:49 AM)Cinéphile
En Juillet, 2013 (12:49 PM)Participer à la Discussion