Lorsqu’un artiste, sous les feux chamarrés des caméras et des projecteurs, a tenu si longtemps notre scène politique, alors la foule, à l’heure de son retour après une longue absence, chante des Te Deum enjoués en son honneur. Ainsi d’Abdoulaye Wade dont le retour après deux années d’absence du Sénégal provoque un enthousiasme pétaradant dans les chaumières.
Deux années seulement après sa disgrâce électorale, le voici redevenu, contre toute attente, le messie de toute une nation rêvassière et nostalgique. Du Wadiste ébloui par l’artiste au journaliste énamouré par le tribun, c’est tout Dakar qui s’est ébranlé, le vendredi 25 avril, vers l’aéroport Léopold Sédar Senghor pour s’abandonner, dans l’euphorie, à une parenthèse de grâce. Instants sublimes où la politique désarme et la nostalgie rassemble.
Nostalgie d’une épopée politique, d’une présidence dont les réalisations nombreuses connaitront, sans nul doute, une résonnance durable à travers le temps. Nostalgie de ce Mozart de la politique, de l’avocat charmeur et ondoyant dont la faconde tribunitienne a longtemps harangué les foules et fait chavirer les cœurs. Au lendemain du retour triomphal de ce personnage historique, il m’a semblé à propos de jeter un regard lucide, objectif sur ses douze années de règne avec leurs parts d’ombre et de lumière.
Au lendemain de l’alternance politique qui l’a propulsé au gouvernail d’une nation encalminée, il aura réussi, avec la vista et l’énergie inventive qu’on lui connait, à sortir notre pays de l’ornière où l’avaient enlisé Senghorisme podagre et Dioufisme impotent.
Des infrastructures routières de qualité, des écoles et hôpitaux qui sortent de terre en des endroits insoupçonnés de notre pays, des bourses, en nombre considérable, alloués aux étudiants sénégalais, des vacataires-dont on peut, certes, douter de la compétence- recrutés en nombre pour promouvoir l’emploi des jeunes : Non , le Wadisme n’aura pas été que du cosmétisme comme aiment à le claironner urbi et orbi ses détracteurs. Verre à moitié plein ou à moitié vide, c’est selon. Toujours est-il qu’il s’est rempli.
Or, pendant quarante années de règne socialiste, il est resté vide sur la table. Le président Wade n’a pas à rougir de sa présidence puisque de tous les présidents qu’a connus le Sénégal, il est, sans contestes, celui qui présente le meilleur bilan. Cependant, ce bilan, pour honorable qu’il soit, s’est vu occulté à l’excès par les nombreuses turpitudes et maladresses de son régime. Tout d’abord, notons que son omniprésence médiatique, au début de son règne, avait fini par brouiller l’entendement puis l’adhésion populaire. Son addiction à la vitesse et à l’ubiquité, ses voyages intempestifs à l’étranger, avaient fini par orner son avènement d’une pavane imprudente. Banalisé comme la météo dans les journaux télévisés de 20H, Wade sera, au fil des ans, de plus en plus entendu et de moins en moins écouté.
La déception se répand, chaque jour, avec son bourdon médiatique, lequel fait des glorioles et défait la gloire. Et c’est ce tempo trépidant qui, étouffant toute pondération, l’aura livré en pâture à une défaveur de l’opinion : ce fut la première faute de son magistère, elle est tactique. Son règne aura aussi été marqué par une crise mondiale dans le séisme de laquelle le peuple sénégalais s’est vu emporté comme fétu.
Coupures d’électricité, hausse des prix des denrées alimentaires, chômage : cet infâme triptyque avait fini par agréger, contre le président Wade, un mécontentement populaire croissant. Et pendant que nos concitoyens s’enlisaient dans la panade de la crise, le pouvoir passait le plus clair de son temps à écornifler l’argent du contribuable.
Douze années durant, des milliards auront été détournés et des scandales étouffés sous le manteau de Noé de la raison d’Etat. La corruption, quant à elle, fleurissait de plus belle dans les plates-bandes du sérail. D’ailleurs, sous l’entrelacs des nombreux cas de corruption perce l’affaire Ségura, immense scandale ruisselant du miel de la corruption dont Wade fut la ruche. Cet étalage insolent de l’argent sous le regard ébaubi d’un peuple englué dans la pauvreté avait fini par dessiller les derniers songe-creux du Wadisme : ce fut la deuxième faute de son magistère, elle est éthique.
Notons, au passage, pour illustrer l’étique éthique de Wade, l’emprise inouïe, sous son règne, du népotisme familial qui aura enkysté les vices d’une monarchie rampante au Sénégal. S’y ajoutent les embastillages arbitraires d’opposants politiques, les scandales étouffés qui auront fait à son régime un cortège de vilénies que dénonce une presse, ici ou là, insoumise.
La troisième faute de Wade fut politique : en congédiant, tour à tour, ses trois anciens premiers ministres, Wade aura agnelé puis allaité la dissidence dans son parti. Au point que le PDS n’était plus, à la fin, qu’un grand cadavre à la renverse, comme eût dit Jean-Paul Sartre. Et l’élection présidentielle de 2012 lui aura, hélas, servi de crématorium.
Le retour d’Abdoulaye Wade provoque un lyrisme ambiant comme jamais on n’en a vu dans notre pays. Conspué à son départ du palais présidentiel, le voilà qui revient à Dakar sous la liesse populaire et les vivats. Bel oiseau de pouvoir mazouté par la démagogie, ses nombreuses turpitudes au sommet de l’Etat avaient fini par le démonétiser avant de l’éjecter du pouvoir. Mais il pourra se consoler du fait que ses nombreuses réalisations dans bien des domaines de la vie de notre pays resteront à jamais gravées dans les annales de l’histoire du Sénégal. Et lorsque, dans les siècles à venir, les générations futures emprunteront les nombreux ponts et routes construits sous son magistère, puissent-elles entendre sa voix leur murmurer, à travers, le bitume sans âge : « Ceci fut l’œuvre de Wade »
EL HADJI MALICK SALL
Président du Sillon des Opinions Libérales
19 Commentaires
Wademokoyorrrr
En Mai, 2014 (18:26 PM)Dopsamb
En Mai, 2014 (18:29 PM)Kassorek
En Mai, 2014 (18:34 PM)Ibou_diagne
En Mai, 2014 (18:45 PM)Antambengue
En Mai, 2014 (18:57 PM)Tatabintoudonaye
En Mai, 2014 (19:11 PM)Ogodias
En Mai, 2014 (19:23 PM)Helenebadji
En Mai, 2014 (19:33 PM)Augnouf
En Mai, 2014 (19:38 PM)Wadelagnouwakh
En Mai, 2014 (19:46 PM)Plotik
En Mai, 2014 (20:19 PM)@plotik
En Mai, 2014 (20:32 PM)Ndiakhate
En Mai, 2014 (20:51 PM)Xeme
En Mai, 2014 (20:57 PM)Il trouve 80 milliards en caisse (chiffre de Mamadou L Loum)
Il multiplie le budget par 5.
Il multiplie les chantier par 100
Il multiplie le patrimoine infrastructurel de l'état par 100
Il recrute sur plusieurs années
Il augmente les salaires à trois reprises.
Il vole des milliers de milliards
Il donne des milliers de milliards
Il quitte en laissant dans les caisses 387 milliards (bulletin des statistiques monétaires et financières de la BCEAO)
Il est très fauché, en quittant, au point de voler des moquettes du Palais et des tableaux
Mais quelle est la théorie économique qu'il faut appliquer pour qu'un homme puisse faire tout ça en même temps ?
@xeme
En Mai, 2014 (21:50 PM)Ako
En Mai, 2014 (23:25 PM)Refettna
En Mai, 2014 (03:47 AM)Jajeufati
En Mai, 2014 (04:25 AM)Dictionnaire
En Mai, 2014 (14:26 PM)Participer à la Discussion