Nous empruntons au président Abdoulaye Wade sa précision à l’ «annonce» de sa candidature sur les ondes de la Voix de l’Amérique. Quand Idrissa Fall lui demande s’il était partant en 2012, le chef de l'Etat répond: « Absolument. Je suis candidat en 2012, Inch Allah (si Dieu le veut), si Dieu me laisse longue vie, me laisse mon cerveau et ma santé, je serai candidat ». Chez le très futé Abdoulaye Wade, les mots gardent tout leur sens d’où sa forte propension à l’ambiguïté. Il aime à dire qu’il est quelqu’un de nuancé pour se sortir des situations alambiquées. L’ancien préposé à la Revue de presse de Sud Fm, Pape Alé Niang se gaussait de son « grand-père » Wade qui pouvait sortir immaculé d’un fût d’huile de palme grâce à sa dextérité politique.
La déclaration de sa candidature pour l’élection présidentielle prévue en 2012 entre manifestement dans ce cas. Juridiquement, beaucoup de spécialistes ont eu à prouver qu’il ne saurait constitutionnellement briguer un troisième mandat. C’est l’avis du politologue Abdou Lô, invité récemment par la Rfm et repris par d’autres organes de presse. Il étaye sa position sur les articles 27 et 104 de la charte fondamentale qui instaurent rigoureusement la limitation des mandats présidentiels à deux. Mais c’est connu, l’actuel homme fort de Dakar ne s’embarrasse pas de fioritures. Ce corset constitutionnel ne l’étrangle pas. Sa capacité à faire sauter les verrous juridiques n’est plus à démontrer. Il en raffole même. Sauf que cette fois-ci, certains constitutionnalistes et une bonne partie de la classe politique lui ont déjà déblayé le terrain en légalisant ce troisième mandat.
Ce qui fonde notre thèse, ce n’est donc point le caractère légal mais les enjeux politiques liés à cette énième course du marathonien Wade. En fin tacticien, voire en stratège, il mesure les risques que comporte une nouvelle candidature. En effet, c’est la première fois qu’il perd des élections -locales 2009- depuis puis son accession au pouvoir. Son électorat et sa popularité baissent continuellement. La suppression voulue du second tour entre dans cette sombre perspective. En 2000, il totalisait 58% au second tour, en 2007, il en était à 56% et aux dernières locales à 38% pour la coalition Sopi. Si Wade a été réélu en 2007, c’est que, fondamentalement, le peuple sénégalais lui a accordé une seconde chance pour rectifier les errements du septennat en le gratifiant d’un quinquennat. Signer un nouveau bail de sept ans pour un octogénaire de 86 ans officiellement est des plus improbables. L’électorat saura que s’il le réélit, ce sera par procuration pour quelqu’un d’autre. A !
ce niveau de l’analyse, il faut relever l’occurrence du modifiable poste de Vice-président qui est l’anti-chambre de ce dauphin. Il aura, en devançant ses challengers, le temps d’ici 2012 de se préparer à assumer la haute charge présidentielle.
En attendant Wade donne l’illusion de vouloir se présenter pour ranimer ses partisans et les mobiliser en direction de l’échéance. C’est ce qui explique cette forte agitation libérale observée depuis quelques semaines. Imaginez l’effet que cela aurait fait s’il officialisait dès maintenant sa non candidature. Ce serait, pour lui, semer le désordre et saper les fondements de son autorité. Le journaliste Abdoulaye Bamba Diallo de Nouvel Horizon a raison de dire que sa candidature est une candidature cache-cache. Elle occulte plus qu’elle ne révèle ses intentions. L’opposant historique mesure le danger qui le guette au crépuscule de sa carrière politique mouvementée. Au même titre qu Senghor et Abdou Diouf. Le premier a été visionnaire tandis que le second a appris à ses dépens les risques d’un mandat de trop. Le président-poète, très inspiré, a senti avec la présidentielle de 1978 marquée par la percée de Wade qu’il fallait passer la main. Son successeur n’a pas eu la même vis!
ta politique, trompé par des agrégats économiques à l’incidence sociale faible. Déjà aux élections de 1998, les signes annonciateurs de cette déroute s’amoncelaient. L’histoire est en train de se répéter si le chantre du Sopi n’y prend garde. Sa dernière sortie lors des locales où il promettait de renvoyer à la retraite en sa compagnie les ténors de l’opposition semblait mesurer ce défi de renouvellement de la classe politique.
Autant Wade orne la galerie par sa candidature, autant l’opposition s’amuse en parlant de candidature unique. Il n’y en aura pas. Elle perd du temps et de l’énergie dans ce débat. Moustapha Niasse a la ferme intention de se présenter à la présidentielle comme il l’a confié à la chaîne de télévision Africa 24. Ousmane Tanor Dieng sera également, sauf coup de théâtre à la probabilité quasi nulle, le candidat du Parti socialiste qui a toujours briguer les suffrages depuis plus de cinquante ans d’existence. OTD ne portera pas la lourde responsabilité de se désister au profit de celui qui leur a fait perdre le pouvoir en confiant à Wade ses 17% en 2000. Mieux, les socialistes crédités d’environ 15% ne voudront pas se ranger derrière le progressiste en chef qui a eu 5% en 2007. Et au-delà la jurisprudence Wade qui s’est séparé de presque tous ses alliés une fois au pouvoir n’incite pas à l’altruisme politique. Les sorties non démenties du jeune socialiste Barthélemy Dias en fave!
ur de la candidature de son leader sont révélatrices de la position du parti sis à Colobane. L’Apr de Macky Sall navigue également dans les eaux de la candidature plurielle. Le poste de Président de la République n’est pas un long banc mais un fauteuil à place unique.
Il importe donc à cette frange de la classe politique de s’épargner ce mirage. Du moins au premier tour où chacun croit à sa bonne étoile. Même en 2000 souvent citée en référence, il n’y avait pas de candidature unique. Sept personnes faisaient face au président sortant : Abdoulaye Wade, Moustapha Niasse, Djibo Kâ, Iba Der Thiam, le défunt Cheikh Abdoulaye Dièye, Serigne Ousseynou Fall et Mademba Sock. C’est le second tour qui a fait le deuil de la plupart des ambitions. Egalement en 2007, toute l’opposition réunie n’avait que 44% et environ 30% compte non tenu du score d’Idrissa Seck. La vraie bataille ne réside donc pas dans l’impossible candidature unique. Mais dans la préparation des programmes, l’affinement des profils et la fiabilité du processus électoral. En laissant le reste entre les mains du peuple et au-delà de Dieu. Inch Allah !
Massar FALL
Observateur autonome
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