Au Sénégal, la construction d’un port maritime remonterait en 1866 avec le port autonome de Dakar. Il y a lieu de rappeler ici, que les ports sont déterminés selon leur localisation. Ainsi, nous avons les ports maritimes, lacustres, fluviaux et sec.
Un port maritime est donc situé sur la côte d’une mer ou d’un océan et destiné à accueillir les plus grands tonnages (CNUCED). Ainsi défini, le Sénégal n’en compte qu’un seul, le port autonome de Dakar aujourd’hui étouffé par la ville. Ce port qui souffre de sa congestion malgré tous les efforts de l’autorité , est dépassé serait-on tenté de dire. Si on se réfère au classement CNUCED des ports , sur une échelle de 4 générations dont la 4èmes ; les « ports réseaux » (génération du projet prévu pour Ndayane) , le port autonome de Dakar correspondrait à la première génération ( Interface entre 2 modes de transports) et la transition vers un port de deuxième génération ( centre de transport , d’activités industrielles et de commerce) est quasi impossible avec la ville.
Le Sénégal a-t-il donc le choix ? Certainement non !
La construction du port de Ndayane est dés lors , une nécessité et une urgence dans un contexte d’émergence qui serait difficile atteindre en mettant de côté le secteur maritime. Rappelons que, plus de 80 % du commerce mondial en volume et plus de 70 % en valeur sont réalisés par voie maritime et, la majorité des pays développés sont des pays de traditions maritimes très anciennes. Pour exemple, la France compte 23 ports principaux sur ses côtes et environ 257 ports rattachés.
Le fait donc, pour notre pays, de se connecter aux réseaux maritimes conteneurisés par l’érection d’un port de 4ème génération à Ndayane , contribuerait grandement à la compétitivité de notre économie. Inversement, une situation marginale serait un handicap au développement de notre commerce extérieur, et donc un frein à l’émergence. Un port multifonction à Ndayane constitue donc , un puissant levier de développement sur lequel le pays peut et doit s’appuyer pour accélérer son émergence.
Plus grand projet structurant de l’histoire économique du pays, à mon avis le Sénégal doit s’inspirer du modèle marocain du port de Tanger Med, qui a permis au Royaume chérifien , de voir s’installer sur son territoire , une multitude d’entreprises étrangères en un temps record avec plus de 80 000 emplois créés. Environ 1100 entreprises (je ne me trompe pas) opérant dans différents secteurs tels que l’automobile, l’aéronautique, la logistique, le textile, sont aujourd’hui présentes dans la Plateforme Industrielle adossée au port de Tanger med et fonctionnelle seulement deux ans après le démarrage de l’activité portuaire en 2007.
En consacrant au rituel de la pose de la première pierre ou du premier bollard cette fois ci, le Président de la république a prononcé presque les mêmes mots que le roi Mohamed 6 en 2002 . Tanger med était aussi le plus grand projet de l’histoire économique du royaume.
Aujourd’hui ce port en eau profonde, accueille les plus grands porte - conteneurs du monde (J’ai eu l’occasion à Tanger Med, au cours d’une manœuvre d’accostage, de monter sur le porte conteneur HMM HAMBOURG , un « monstre des mers » de 400 m de long et 59 m de large, transportant plus de 23000 conteneurs) , faisant ainsi du Maroc une escale incontournable du trafic maritime mondial, avec près de 180 ports desservis.
Si les discours des deux chefs d’Etat se rejoignent en quelque sorte, c’est parce que les énormes enjeux des deux projets, sont les mêmes ou presque. Et si je m’attarde sur le cas du Maroc, c’est pour dire que si nous le voulons bien, nous pouvons y arriver. « Yes we can » Nous pouvons nous hisser au rang des grandes nations maritimes. Pour ce faire, nul besoin d’aller chercher loin. La magie de la globalisation est que ; ce qui se fait à Dubai est dupliqué au Maroc.
Par contre , il nous faut un sursaut national et un véritable élan patriotique dans un Sénégal voulu, de tous et pour tous mais malheureusement habité par le mal qui fait surface aujourd’hui à la poste et au trésor pour ne citer que ces deux maisons (Cétait une parenthèse).
Toutefois, nous pouvons nous demander ; pourquoi le port de Ndayane ? Une telle interrogation n’est pas insensée parce que, selon qu’on se situe du côté de Dp World ou du côté de l’Etat du Sénégal, les réponses peuvent être différentes parce que motivées par les attentes des uns et des autres.Ceci pour attirer l’attention sur le fait que, même sans la plateforme industrielle, Dp world pourrait bel et bien rentabiliser son investissement. Pour cela , Il a juste besoin de linéaires de quai pour accoster ses navires et d’un terminal pour l’arrimage de ses conteneurs, comme c’est le cas aujourd’hui au port de Dakar.
L'Etat du Sénégal gagnerait donc, à mettre aussi l’accent sur la réalisation et le fonctionnement de cette plateforme industrielle, si nous ne voulons pas passer à côté de l’énorme potentiel de développement industriel que recèle ce projet. Ndayane peut devenir un hub portuaire au bénéfice de Dp world et peut être des 40% que détient l’Etat du Sénégal. Car il faut bien comprendre que les hubs portuaires sont de véritables enclaves (conséquence de leur conformité aux normes de sûreté et sécurité) dans le territoire où ils se situent. Ils ne créent pas beaucoup d’emplois (ils n’en n’ont pas besoin) et non plus de trafics d’hinterland, ce n’est pas leur vocation. Par voie de conséquence, aucun effet d’entraînement économique ou presque pour le pays.
Nous devons donc absolument veiller à la réalisation de la plate-forme industrielle et l'Etat, d'opérer une véritable politique d’allégement fiscale pour attirer les investisseurs étrangers aux côtés de Dp World. C'est ce qu’a fait et réussi le Maroc.
Aujourd’hui le modèle le plus répandu à l’échelle mondiale, c’est le modèle du « landlord port » où, l’administration portuaire publique s’occupe de ses missions régaliennes (douane, police) de service public et planifie l’utilisation de la ressource foncière mais n’intervient pas directement dans les fonctions commerciales et dans l’exploitation des terminaux. Notre pays a choisi d’être actionnaire mais, doit envisager ouvrir le port de Ndayane à la concurrence internationale, en en faisant un Lieu de coexistence entre groupes mondialisés. En effet, d’autres compagnies internationales de manutention tout aussi puissantes que Dp World, peuvent être intéressées par le Sénégal, compte tenu de sa position géographique privilégiée et pourraient s’engager dans la construction d’autres linéaires de quai dans le même port comme envisage de le faire Dp World. De nos jours, dans plusieurs ports du monde, sont présentes simultanément des compagnies internationales de manutention et cela favorise la concurrence entre opérateurs. Nous devons avoir une ambition démesurée sur ce projet de port de quatrième génération et à terme, ouvrir Ndayane à la concurrence internationale.
Par ailleurs l’avènement tardif du BRT et du TER, dans une ville déjà constituée comme Dakar, a entraîné de la part de l’Etat, beaucoup de dépenses d’indemnisation des populations déplacées. Ainsi, l’Etat du Sénégal devrait trouver au port de Ndayane, une importante réserve foncière parce que toute extension future du port entrainerait en conséquence, un besoin en terre- pleins. En outre, l'Etat doit scrupuleusement veiller à ce que dans le futur, les populations ne s’installent pas dans les environs immédiats du port et de sa plateforme.
E .B. FAYE ,
Capitaine au long Cours.
Pilote au port Autonome de Dakar<134>geo_emma11@yahoo.fr
E .B. FAYE ,
Capitaine au long Cours.
Pilote au port Autonome de Dakar<134>geo_emma11@yahoo.fr
11 Commentaires
Aïssata Diallo
En Janvier, 2022 (18:42 PM)Dof
En Janvier, 2022 (09:48 AM)Attention
En Janvier, 2022 (20:00 PM)Tra Dam
En Janvier, 2022 (20:11 PM)Quand le savoir parle ca se detecte rapidement merci monsieur Faye
Le port de Kaolack aurait été mieux pour les enjeux Futurs.. Tamba kedougou...Mali
Reply_author
En Janvier, 2022 (21:40 PM)De grâce quand les professionnels parlent, il faut se garder de polluer en racontant des bêtises.
Cette contribution est d'une grande qualité et très pertinente, il doit servir à une grande réflexion des pouvoirs étatique pour que ndayane soit optimisé enfin de bien servir.
Voilà ce qu'on attend des intellectuels , bravo Mr faye, vous faites la différence car la plupart des sénégalais qui se croient intellectuels ne pensent qu'à faire la politique et fondre dans la polémique et dans la médiocrité collective.
Lebaolbaol Tigui
En Janvier, 2022 (09:02 AM)Le 20 janvier 2019, le président Macky Sall réceptionnait 5 navires d’une valeur de 23,5 milliards qui devaient servir au dragage du port de Kaolack. Par la même occasion, il avait annoncé la modernisation des infrastructures. Après 2 ans, rien n’a bougé sur les lieux. Monsieur le Président vous aviez organisé une grande cérémonie pour le démarrage des travaux avec des centaines de millions dépensés. Une Cérémonie qui était retransmise en Direct sur la RTS 1 en présence de tous les membres du gouvernement et leaders politiques. Jusqu’ici rien n’est fait. Tout le matériel de dragage est retourné à Dakar sans aucune explication.
Monsieur le Président vous abandonnez ce port qui malgré le retard des travaux de dragage, présente de nombreux intérêts stratégiques. De par sa position géographique, Kaolack peut désengorger le port de Dakar, les camions maliens peuvent prendre leur chargement ici, ce qui va leur épargner des centaines de kilomètres de route. Et, contrairement à la capitale, ici toutes les opérations peuvent se faire en 24 heures, les entrepôts sont disponibles, la poste des Douanes est devant l’entrée.
Des centaines d’emplois seraient créés si le port de Kaolack retrouvait son lustre d’antan. Néanmoins la chambre de commerce d’industrie et d’agriculture de Kaolack parvient à faire des résultats. Plus de 80 bateaux avec un fret moyen de 2500 tonnes par bateau sont enregistrés chaque année. Ainsi plus de 200 cargos qui transportent du ciment utilisé dans les mines d’or du Mali, du chaux, du métal et du sel issu des Salins du Sine Saloum. Le dernier chiffre d’affaires tournait autour de 100 millions de francs CFA », avait déclaré le Commandant du Port de Kaolack.
Pourquoi créer un nouveau port à Ndayane alors qu’on en a un qui tarde à être réhabilité ?
Fallou Syll, journaliste
Reply_author
En Janvier, 2022 (03:37 AM)Merci pour cette analyse pertinente
Tempo
En Janvier, 2022 (08:40 AM)L'avis d'un professionnel ou d'un spécialiste est souvent meilleur qu'un article d'un journaliste.
Ce projet Port de Ndayane est ficelé ; il faut bien le réaliser. J'ai toujours pensé que Kaolack ferait un meilleur endroit pour le 2ème port du Sénégal. Le port existe, il suffit de draguer, d'aménager et de moderniser. Cela a été tenté (il me semble) et cela s'est avéré très difficile. Le projet a été abandonné.
Pour moi, le port de Ndayane sera situé dans une zone touristique. Les bateaux polluent. Les plages de Monaco et Hann Bel air sont souvent polluées à cause des activités portuaires et des dépôts à ciel ouvert d'amoniac ou de souffre. Est ce que les plages de Popenguine et Saly le seront dans 6 ans ? C'est le revers de la médaille.
Des études ont bien évidemment été faites. Qu'on nous dise quels sont les critères qui ont favorisé Ndayane au détriment de Kaolack.
Ndayane
En Janvier, 2022 (09:27 AM)Capt. Mnd
En Janvier, 2022 (12:26 PM)Pour le moment, DPW y exploitera son terminal à conteneurs comme Eurogate ou Maersk au port de Tanger Med du Maroc.
S'agissant de l'impact environnemental, il faut juste prévoir ce qui se fait de mieux dans les projets actuels d'objectif zéro émission de gaz à effet de serre et/ou de pollution de quelque nature que ce soit.
Les ports de Hambourg et Rotterdam que j'ai fréquentés et qui sont en ville sont de bons exemples à prendre en matières d'étude d'impact environnemental. Pour ceux qui se posent la question, ce sont des ports accessibles depuis la mer via des fleuves.
Nous devons aussi nous poser la question du comment faire de ce port une zone d'exploitation économique très rentable pour le Sénégal et d'en faire le ou un principal levier (les économistes et journalistes d'investigation y ont leur rôle).
Le point soulevé par l'auteur concernant la mise en place d'une concurrence entre différents exploitants est capital. Non seulement ça évite la monopolisation mais il attire davantage d'investisseurs et de création d'entreprises.
Un grand merci encore une fois à Capt Faye pour ce sujet de réflexion.
et non à Ndayane.
Khalil
En Janvier, 2022 (16:46 PM)Participer à la Discussion