Sous un certain rapport, c’est dans la préhistoire politique qu’il faut situer l’ancien Président Wade et « originer » les mobiles de son retour fracassant sur la terre sénégalaise.
Au 21e siècle, l’homme n’a toujours pas quitté le manoir de l’antiquité. C’est ce qui explique sa fringale pour « la guerre des épithètes ». Sur ce terrain-là, que n’auraient pas fait Grecs et Troyens pour s’arracher les services de cet « escrimeur… des gros mots » ! Sauf qu’ils auraient été rétifs à ses imprudences langagières, ses « cuistreries…politiques », son incapacité à mettre la censure pour empêcher la trahison de son subconscient, comme lorsqu’il parle de coup d’Etat pour faire tomber Macky, de l’armée et de la police que ce dernier n’a pas, de la libération de son fils et Cie par des moyens plus politiques que judiciaires, tutti et quanti… Le champ lexical, à lui, instruit sur l’état d’esprit de Wade.
Les contempteurs de l’ancien Président Wade se sont étranglés de rage, pour s’offusquer de son « retour au pays natal », de sa volonté de continuer, à son âge où les rares de sa génération pensent à « la solitude de leurs tombeaux », à ferrailler sur le champ politique, à éructer des saillies ravageuses mêlées au concert bruyant de ses naufragés fils et petits-fils du Sopi. Et voilà donc que les « rejetons » politiques de Wade, comme des Robinson Crusoé longtemps ballottés par les vagues rageuses d’un océan politique devenu tumultueux pour eux depuis 2012, entrevoient un îlot de répit après deux années d’insomnies…judiciaires.
C’est faire tort et mauvais procès à Wade que décliner la critique sous l’austère légèreté d’un argument géométriquement centrée sur le déni de son retour sur les terres sénégalaises, même s’il avait brûlé ces terres, deux ans auparavant avec les obus acharnés de la dévolution monarchique du pouvoir pour installer son fils Karim, avec un morbide entêtement, sur les chaudrons de son trône. En effet, il n’est écrit nulle part ni interdit dans aucun texte que l’« inoxydable » (c’est ce que soutiennent ces épigones enflammés) secrétaire général du Pds, devenu le plus représentatif de l’opposition - en tout cas jusqu’à prochaine preuve électorale - devrait être indésirable au Sénégal. Il n’est pas non plus infamant que Wade fasse jaillir et tressaillir sa fibre paternelle. Là-dessus, nous ne sommes pas déçus, parce que point surpris. N’avons-nous pas, dans un passé récent, expérimenté son attachement atavique à son fils à qui il décerna la médaille de l’intelligence sans nulle autre pareille au Sénégal, un pays pourtant habité par tant de brillants esprits ? L’amour paternel du père Wade était si fort que qui entravait la marche de son fils « en route vers le sommet » du promontoire sacré de son trône était voué à la baïonnette, pour crime de lèse-prince.
Il y a deux ans, l’homme qui, aujourd’hui, nous revient paré de l’habit d’un « consultant en reconstruction » était prêt, y compris par la tactique de la terre brûlée, à mettre le Sénégal en feu et en cendres pour imposer le fameux, fumeux et funeste ticket président/vice-président de la République. Il était résolu à braver le peuple qui avait eu l’outrecuidance de lui refuser un 3e mandat. Lui se voulait à tout prix roi réélu, flanqué d’un prince propulsé par la magie d’un raccourci institutionnel.
Wade et les « arpenteurs de la psyché »
Il y a franchement à s’émouvoir, à vraiment arracher quelque chose de pathétique dans le combat légitime sous l’angle de ce vieil homme pour son fils Karim en attente probablement d’un procès dans les « geôles atroces » de Rebeuss, pour reprendre l’expression de la dédicace à Omar Diop Blondin par Mongo Béti, dans son roman Remember Ruben. Karim n’est pas Blondin. Ni par son combat ni par les raisons de son provisoire « embastillement ». Combat paternel légitime, dis-je, mais combat qui est d’un mousquet abîmé passant à côté des vraies priorités des Sénégalais.
Et puis, il y a autre chose d’affligeant jusqu’au désespoir : c’est l’image de ces jeunes responsables du Pds qui n’entrevoient les cimes enchantés de leur avenir politique que portés sur le dos voûté de leur presque nonagénaire secrétaire général. A quelque 90 ans, Wade aurait pu, aurait dû, jouir enfin d’un repos bien mérité, si ses héritiers s’étaient résolus à se comporter en « grands garçons », pour reprendre nos frères ivoiriens.
« Les arpenteurs de la psyché », pour dévaliser Catherine Golliau, dans « La Psychanalyse après Freud » dans Le Point-références, paru en septembre-octobre 2013, pourront essayer d’entrer dans l’intelligence du mode de fonctionnement de ces libéraux à fleur de l’âge… politique, mais qui, comme englués dans l’archéologie d’un récent « âge d’or » du règne de Wade n’ont d’autre choix que cet homme si dépassé et à la foi de charbonnier. Les « arpenteurs de la psyché » y débusqueront, entre autres explications, peut-être moins psychanalytiques, les traces d’un instinct de survie…à la fois politique et individuel.
C’est entre les « traumatismes essentiels » engendrés par la traque aux biens mal acquis et les « fantasmes » d’une possible restauration de l’Eden perdu d’un pouvoir qui, naguère, s’était illustré par son immense prodigalité dans le gaspillage des deniers appartenant aux Sénégalais que se trouve probablement l’une des réponses. Il faut un divan freudien que l’on appréhende mieux les délires angoissés du reste du peuple du Sopi qui suit Wade depuis son retour. Et sans doute, les plus assourdissants sont les très enrichis « Wadistes éternels » en compagnie d’un Wade crépusculaire.
Ceux parmi les responsables et militants du Pds, qui n’ont pas été pris au délire collectif amplifié par des cercles politico-médiatiques, auront eu la lucidité et la perspicacité de percevoir, sous les discours de Wade, furieux envers le pouvoir et mielleux envers les influents milieux religieux, pour espérer reconquérir le peuple du 23 juin qui l’a déchu, l’écume d’une ferveur que soulève une vague éphémère.
Il faut le reconnaître, Wade galvanisé, dit-on, par la douceur maternelle tyrannique de Viviane, ne se détruit que pour le sort de Wade-fils. Même pas pour les autres fils du Sopi, ravalés au rang d’escaliers et plus tard, dans l’espoir d’un protocole à la Rebeuss, à celui de serpillères. Pour l’heure, Wade continue à fonctionner en « mode vibreur »…et vibrant, à travers des opérations de séduction avec des séries de visites ponctuées de jets de pierres dans le jardin de son successeur. Le portable du Président Macky Sall, lui, est en sonnerie bavardement « muette ». C’est donc par un silence communicatif qu’il veut répondre aux bruits de Wade.
Pourtant, il faut oser aussi interroger froidement le retour de Wade porté en triomphe par ses partisans mais aussi par quelques déçus de la 2e alternance. Une froideur impartiale analyserait cela comme l’expression des impatiences des Sénégalais et de la pression amplifiée des médias. J’avais eu l’occasion d’alerter, au cours d’un débat, sur un plateau de la télévision sénégalais, au tout début de l’élection de Macky Sall, qu’il n’aura point de délai de grâce. En tout cas, pas autant que Wade qui l’a eu plus de cinq ans durant. Pour plusieurs raisons, parmi lesquelles l’immensité de la déception que Wade a semée après l’énorme espoir que sa venue au pouvoir avait suscité, de la forte vitalité d’une conscience citoyenne avec l’émergence d’une nouvelle génération symbolisée par le mouvement Y A Marre qui a débordé sur les flancs la société civile classique. Mais également, les cercles périphériques des légitimités religieuses, constituées de marabouts et autres chefs coutumiers, de quartiers et de villages que le pouvoir de Wade entretenait à grands renforts d’argent. Tout cela rétrécissait la marge de grâce de tout successeur de Wade. Je soulignais que mieux valait d’ailleurs qu’il en fût ainsi à l’entame de son premier mandat.
Autre chose : le redémarrage en turbo de Wade n’a été possible que parce que la cadence du démarrage sous Macky Sall n’a pas pris encore sa vitesse de croisière, même si, par ailleurs, ce ralentissement se comprend par la période incontournable de réparations des dégâts légués par l’ancien régime. C’est ce qui donne au retour-plongeon de Wade une forme d’irruption politique volcanique sur un champ social en voie de transformation certes, mais encore en déficit de réalisations infrastructurelles visibles et de performances économiques réelles.
Nouvelles exigences pour une nouvelle existence
Ce n’est donc pas et uniquement sur le terrain d’un combat des rhétoriques qu’il faut rétorquer à Wade en pensant ainsi gagner une prétendue bataille de l’opinion qu’il semble vouloir imposer, mais dans les réponses pertinentes et efficaces à apporter pour sortir le Sénégal enfin des métastases cancéreuses de la misère sociale, de l’anémie économique, du chômage endémique et de l’enlisement dans les vices de l’argent facile et de l’indiscipline. L’heure est à des nouvelles exigences pour une nouvelle existence. C’est dans les vertus de l’action, dans la volonté entêtée de livrer des ouvrages performants, de sortir le pays des tourments de la débrouillardise érigée en règle quotidienne de vie qu’il faut apporter les meilleures réponses à l’entreprise de restauration d’un (dés)ordre libéral récent, congédié en 2012. Il faut une bonne part d’ambitions, même démesurées, pour la patrie car, ainsi que le disait l’autre, il faut « réaliser cent utopies pour que les espoirs dépassent enfin la nostalgie ».
Dans un récent éditorial paru dans l’hebdomadaire Le Point, de Franz-Olivier Giesbert fait une sorte de mise en garde aux Français, qui vaut pour nous Sénégalais, face « au temps des rumeurs, des allégations débiles, des statistiques tronquées ». Et d’appeler au refus d’être noyés « sous la flore bactérienne produite notamment par Internet, où se soulagent tant d’esprits tordus ». Le Sénégal a besoin enfin d’une classe politique qui divorce d’avec « son courage qui lui commande de fuir ». Il lui faut des hommes d’action qui osent affronter les difficultés, construire aujourd’hui en n’ayant pas peur de demain.
Soro DIOP Journaliste, Analyste politique
17 Commentaires
Xyz
En Mai, 2014 (21:11 PM)Ok
En Mai, 2014 (21:38 PM)Mayday
En Mai, 2014 (22:39 PM)Lune
En Mai, 2014 (22:57 PM)Paco
En Mai, 2014 (23:39 PM)Cest triste qu'a 60-64 ans ils ne puissent pas se prendre en main.
Djolomii
En Mai, 2014 (00:51 AM)Lignes pour aller + vite. C est un étalage de vocabulaire, qui souvent n'apporte pas de
Substance à l'analyse . Bref c'est long pour rien, tu te veux analyste mon frère pas griot
Ou poète ou troubadour
Padaji
En Mai, 2014 (07:47 AM)Ngor V
En Mai, 2014 (08:22 AM)InchAllah, Monsieur Karim Meissa Wade sortira grandi de cette épreuve et sa notoriété ira toujours grandissante Amiine.
Jajeufati
En Mai, 2014 (08:27 AM)Naiveté
En Mai, 2014 (09:02 AM)Ce même wade pendant qu'on avait plus de courant a pris 96 miliards pour construire le monument de la renaissance.
Ce même wade a pris 40 milliards pour organiser un sabar geant appelé FESMAN alors que des hôpitaux comme abass ndao, CTO et Le dantec voyaient les malades mourir faute de matériel.
Ce même wade qui a comparé son monument à la statut de jesus de la cathédrale de Dakar.
Ce même wade qui comme le dit cet article a insulté notre cher serigne moustapha saliou.
Ce même wade qui dit que son voleur de fils est le plus intelligent.
Ce même wade qui a fait voté des lois comme Ezzan.
Ce même wade qui a voulu nous imposé Karim avec sa loi du 23 juin que les sénégalais ont avec bravoure combattue.
Chers compatriotes n'ayons pas la mémoire courte. Tout sauf Abdoulaye wade et famille!!!!
C'est vrai que macky sall m'a beaucoup deçu mais il est 100000000000 fois mieux que les wade.
Mboula
En Mai, 2014 (09:28 AM)Peuls,
En Mai, 2014 (10:46 AM)Ils m'ont ensuite pris ma chère et tendre femme Aby Sall
Ils l'ont plongée dans une folie d'une profondeur abyssale
Maintenant elle se promène dans les rues en habits sales
PEULS,
Randy
En Mai, 2014 (14:45 PM)Papeo
En Mai, 2014 (15:00 PM)Fggggg
En Mai, 2014 (21:42 PM)Mdr
En Mai, 2014 (21:42 PM)Ah !
En Mai, 2014 (22:51 PM)Peut être c'est parcequ'il est de l'alliance des journaliste halpoular que m Kaba l'a nommé comme chargé de com
Participer à la Discussion