La tournée africaine du président Emmanuel Macron aura une nouvelle fois montré que les relations franco-africaines restent en quête d’apaisement. L’Afrique souffre encore de l’image d’instabilité chronique des régimes qui lui est associée. A cet égard, le cas du Sénégal constitue une heureuse exception. Serait-elle menacée par le débat constitutionnel qui prend forme en prévision des élections présidentielles de 2024 ?
Depuis son indépendance en 1960 et l’élection du poète Léopold Sédar Senghor à la présidence, le Sénégal a connu un processus de démocratisation régulier et pacifiste dont de nombreux pays du continent africain pourraient être légitimement envieux. Alors que le Mali a subi deux nouveaux coups d’État en 9 mois, que la Guinée a vu une junte militaire renverser le président Alpha Condé en 2021 et que l’ensemble de la zone sahélienne est en proie aux attaques terroristes, le Sénégal s’illustre par une remarquable solidité institutionnelle et un excellent niveau de sécurité. Faut-il s’inquiéter du débat qui agite actuellement le Sénégal dans la perspective des élections présidentielles de 2024 ? Le président actuelle Macky Sall a été élu en mars 2012. Il est devenu un acteur influent du continent africain, initiateur de nombreux engagements internationaux et à l’origine d’ambitieux chantiers d’infrastructures. En 2024, le président sénégalais achèvera son deuxième mandat. La Constitution de 2001 adoptée par référendum constitutionnel dispose que « [Le président] n’est rééligible qu’une seule fois » et que « La durée du mandat présidentiel est de sept ans ». Une révision constitutionnelle de 2016, empruntant à la Constitution française la lettre de son article 6, a changé la durée du mandat par un nouvel article 27 : « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». L’hypothèse d’une candidature de Macky Sall pour un nouveau mandat en 2014 déclenche par anticipation une controverse.
En théorie, un troisième mandat consécutif semble impossible. Certains juristes proposent néanmoins une lecture différente des choses, estimant qu’un mandat réalisé sous la version initiale de la Constitution ne peut pas, de façon rétroactive, être soumis à l’article amendé postérieurement. Ainsi, un mandat effectué aux termes d'une disposition ayant disparu ne saurait juridiquement servir de décompte référentiel ni être pris en compte pour la mise en œuvre d’un article de la Constitution qui a depuis disparu.
Une situation similaire s’était présentée en Ukraine, la cour constitutionnelle reconnaissant finalement au président Léonid Koutchma la possibilité de se présenter : élu en 1994, il a pu se présenter pour un troisième mandat en 2003 car la modification constitutionnelle était intervenue après le premier mandat. En 2012, alors qu’il était dans l’opposition, Macky Sall lui-même avait reconnu la légitimité d’une nouvelle candidature du président d’alors Abdoulaye Wade, alors qu’il achevait déjà son deuxième mandat.
Une solution différente aurait été envisageable si le constituant avait clairement indiqué ses volontés dans la Constitution révisée. Par exemple, la Constitution colombienne de 1991 a fait l’objet d’une modification en 2004 : la limitation à un mandat présidentiel unique a notamment été remplacée par la limitation à deux mandats (article 197). L’article modifié, actuellement en vigueur, dispose : « Nul ne peut être élu à la présidence de la République pour plus de deux mandats. ». Afin de couper court à tout débat interprétatif, le constituant a intégré une disposition transitoire à l’article qui, révisé, dispose : « Quiconque occupe ou a occupé la présidence avant cette réforme ne pourra être réélu que pour un mandat supplémentaire ». Cette précision aurait tranché franchement le débat auquel fait face le Sénégal, mais en 2016 le Conseil constitutionnel sénégalais avait précisément censuré la disposition transitoire initialement prévue à l’article 27 concernant la durée du mandat présidentiel. Au nom de la sauvegarde de la sécurité juridique et de la stabilité des Institutions, le Conseil avait affirmé que « le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance ». En toute logique, la candidature du président Macky Sall est ainsi possible. Il faudra néanmoins attendre une décision officielle des autorités pour que la polémique prenne réellement fin.
Gérald Pandelon
Depuis son indépendance en 1960 et l’élection du poète Léopold Sédar Senghor à la présidence, le Sénégal a connu un processus de démocratisation régulier et pacifiste dont de nombreux pays du continent africain pourraient être légitimement envieux. Alors que le Mali a subi deux nouveaux coups d’État en 9 mois, que la Guinée a vu une junte militaire renverser le président Alpha Condé en 2021 et que l’ensemble de la zone sahélienne est en proie aux attaques terroristes, le Sénégal s’illustre par une remarquable solidité institutionnelle et un excellent niveau de sécurité. Faut-il s’inquiéter du débat qui agite actuellement le Sénégal dans la perspective des élections présidentielles de 2024 ? Le président actuelle Macky Sall a été élu en mars 2012. Il est devenu un acteur influent du continent africain, initiateur de nombreux engagements internationaux et à l’origine d’ambitieux chantiers d’infrastructures. En 2024, le président sénégalais achèvera son deuxième mandat. La Constitution de 2001 adoptée par référendum constitutionnel dispose que « [Le président] n’est rééligible qu’une seule fois » et que « La durée du mandat présidentiel est de sept ans ». Une révision constitutionnelle de 2016, empruntant à la Constitution française la lettre de son article 6, a changé la durée du mandat par un nouvel article 27 : « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». L’hypothèse d’une candidature de Macky Sall pour un nouveau mandat en 2014 déclenche par anticipation une controverse.
En théorie, un troisième mandat consécutif semble impossible. Certains juristes proposent néanmoins une lecture différente des choses, estimant qu’un mandat réalisé sous la version initiale de la Constitution ne peut pas, de façon rétroactive, être soumis à l’article amendé postérieurement. Ainsi, un mandat effectué aux termes d'une disposition ayant disparu ne saurait juridiquement servir de décompte référentiel ni être pris en compte pour la mise en œuvre d’un article de la Constitution qui a depuis disparu.
Une situation similaire s’était présentée en Ukraine, la cour constitutionnelle reconnaissant finalement au président Léonid Koutchma la possibilité de se présenter : élu en 1994, il a pu se présenter pour un troisième mandat en 2003 car la modification constitutionnelle était intervenue après le premier mandat. En 2012, alors qu’il était dans l’opposition, Macky Sall lui-même avait reconnu la légitimité d’une nouvelle candidature du président d’alors Abdoulaye Wade, alors qu’il achevait déjà son deuxième mandat.
Une solution différente aurait été envisageable si le constituant avait clairement indiqué ses volontés dans la Constitution révisée. Par exemple, la Constitution colombienne de 1991 a fait l’objet d’une modification en 2004 : la limitation à un mandat présidentiel unique a notamment été remplacée par la limitation à deux mandats (article 197). L’article modifié, actuellement en vigueur, dispose : « Nul ne peut être élu à la présidence de la République pour plus de deux mandats. ». Afin de couper court à tout débat interprétatif, le constituant a intégré une disposition transitoire à l’article qui, révisé, dispose : « Quiconque occupe ou a occupé la présidence avant cette réforme ne pourra être réélu que pour un mandat supplémentaire ». Cette précision aurait tranché franchement le débat auquel fait face le Sénégal, mais en 2016 le Conseil constitutionnel sénégalais avait précisément censuré la disposition transitoire initialement prévue à l’article 27 concernant la durée du mandat présidentiel. Au nom de la sauvegarde de la sécurité juridique et de la stabilité des Institutions, le Conseil avait affirmé que « le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance ». En toute logique, la candidature du président Macky Sall est ainsi possible. Il faudra néanmoins attendre une décision officielle des autorités pour que la polémique prenne réellement fin.
Gérald Pandelon
Avocat à la Cour Pénale de la Haye
Avocat à la Cour d’Appel de Paris
Dr en Sciences Politiques
Dr en Droit Pénal
Article paru dans le site agoravox
4 Commentaires
Vrai Patriote
En Mars, 2023 (18:31 PM)Samba Diom
En Mars, 2023 (19:27 PM)Reply_author
En Mars, 2023 (19:46 PM)Le Pse On En Parle
En Mars, 2023 (20:02 PM)Participer à la Discussion