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Professeur Hady Bâ, vous permettez ? ( Par Dr Nafissatou Diouf )

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Professeur Hady Bâ, vous permettez ? ( Par Dr Nafissatou Diouf )
La société sénégalaise est anti-intellectuelle, non, je ne pense pas. Oui, je pense que l’intellectuel, qui n’est pas seulement l’universitaire, devrait davantage se rapprocher des problèmes de son temps, de ses contemporains, bref de sa société et en « découdre » avec les stéréotypes qui ont la peau dure, les vérités toutes faites et l’empirisme .

Autant de choses qui appauvrissent l’intellect, avilissent la pensée jusqu’à l’installer dans une opacité progressive et un rejet de la contradiction, j’y reviendrai, fatales à tout progrès, toute innovation et tout changement.

Cela m’amène à un premier constat : il faut que nos intellectuels osent occuper, un peu plus, l’espace public plutôt que d’attendre, enfin, un débat digne de leur « rang » pour coucher leur pensée précieuse, savante, voire ésotérique et l’exposer dans un temple du savoir inaccessible à une majorité de nos concitoyens.

Professeur Hady Bâ, en vous faisant l’économie d’une énumération de ces savants débats, je m’étendrais sur ceux (les débats) qui mériteraient d’occuper le précieux temps de nos savants intellectuels. Le premier, c’est de se rendre à l’évidence que nous devons nous retrousser les manches pour développer, un peu plus et mieux, notre pays.

Oui, car cela n’est pas seulement l’apanage de ce que l’on appelle les « politiciens », la société civile (concept flou de nos jours) et bien d’autres communautés.

Oui, nous devons participer et être des acteurs de la vie politique donc, être des politiques (au sens premier et noble du terme, c’est-à-dire des citoyens intéressés par la gestion des affaires de leur cité). La loi fondamentale de notre pays, la Constitution, pourrait, par exemple, inscrire, aux « côtés des libertés académiques » ( terme que je vous emprunte, si vous permettez cher collègue), l’obligation de produire et de travailler sur des sujets d’intérêt national comme l’accès aux énergies renouvelables à un coût acceptable pour les ménages, la vulgarisation de technologies agricoles que nos vaillants paysans pourront comprendre et appliquer à leurs pratiques culturales quotidiennes, avec, d’abord, comme objectif l’autosuffisance alimentaire, le développement du consommer local puis l’exportation de notre savoir-faire paysan, bien au-delà de nos frontières immédiates.

L’Agence Sénégalaise de Promotion des Exportations, ASEPEX, pourrait, ainsi, jouer son vrai rôle de vulgarisation de nos produits locaux, surtout ceux dit exotiques sur les marchés extérieurs et placer le label Sénégal dans une pente ascendante. Je rajoute à cette liste, qui est loin d’être exhaustive, l’amélioration de notre cadre de vie et de notre rapport à l’hygiène, puisque même nos hôpitaux sont agressés par le laisser-aller ambiant qui caractérise, malheureusement, notre environnement.

A l’heure où toutes les pensées vont vers nos concitoyens en Chine qui, aujourd’hui, comme leurs hôtes sont, involontairement « au- devant de la scène » (terme que je vous emprunte, si vous permettez) car rattrapés par une actualité médicale malheureuse (le Coronavirus), il me semble urgent de repenser, dans le cadre de nos recherches, nos structures médicales, nos laboratoires de recherche et l’accès, pour tous les Sénégalais, à la Couverture maladie universelle.

En terminant sur ce chapitre de la santé, chapitre inépuisable, l’université devrait bien pouvoir s’investir dans la formation à la communication et à l’information utile pour le compte de nos médias qui, à mon sens, n’accordent pas un temps d’antenne important à l’information médico-sanitaire et aux gestes qui participent de la prévention, déterminant majeur de la bonne santé.

Au moment où chaque Sénégalais aspire, légitimement, à vivre aussi longtemps qu’un habitant de Tokyo , nous devons réinventer notre way of life et, cela, c’est aussi notre rôle d’y contribuer.

Oui Professeur, le savoir peut bien être rentable et ne souffrir d’aucune fioriture quant à la souveraineté de la recherche et de la pensée académiques (cette fois-ci, je m’adresse bien à mes collègues universitaires) et garder cette folie nécessaire à toute création.

Oui, nous devons être ces savants un peu fous (Je vous emprunte l’expression, si vous permettez Professeur) qui, tout en humant, au quotidien, les effluves et senteurs des hameaux, villages, communes et villes, prennent la distance nécessaire (je convoque ici, la métaphore d’un buteur qui se prépare à tirer un pénalty) pour mieux apprécier les pas nécessaires à franchir afin d’atteindre les objectifs de développement.

Oui, Professeur, car la Recherche, sert aussi à répondre aux questions d’une société et, comme vous le dites à juste raison, réfléchir sur les enjeux du futur (je vous reprends, si vous permettez). Nos enjeux du futur c’est, entre autres, former nos jeunes frères et sœurs, nos filles et fils, à être des citoyens de leur temps et les préparer à ce monde de compétition globalisé où, pour vivre et, surtout, bien vivre, il faut répondre aux critères de qualité, de performance et…d’innovation.

Oui, Professeur, vous le savez sans doute plus et mieux que moi, aspirer à l’émergence, à l’essor, demande de se réinventer sans cesse et d’expérimenter de nouveaux concepts et modèles, parfois dans des contextes plus que difficiles.

C’est pourtant le prix à payer pour un développement endogène du continent en majorité composé de jeunes qui ont soif de connaissance, soif de liberté et soif d’une vie meilleure. Ce triptyque n’est plus aujourd’hui une utopie car l’accès au savoir et au savoir-faire, démarche légitime, est une réalité et l’Université, les intellectuels qui la composent, l’animent et la font vivre ont compris, en toute liberté, que la production intellectuelle doit être étroitement liée à l’écosystème où elle se meut ; autrement elle se meurt parce que, dans un champ clos et restreint.

L’Université se doit d’être un laboratoire d’idées et de procédés susceptibles d’apporter des réponses aux questionnements du grand nombre, le peuple. Ce faisant, elle contribuerait, significativement au mieux-être qu’apporte le développement.

Dr Nafissatou Diouf


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