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Pour une bonne compréhension de la Coopération décentralisée (Par Arona Diop *)

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Pour une bonne compréhension de la Coopération décentralisée (Par Arona Diop *)

La coopération décentralisée est conçue de manière générale comme l’ensemble des formes de coopération et pratiques d’échanges que les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent développer avec des autorités ou des collectivités territoriales étrangères. Elle englobe les jumelages entre villes, les relations d’amitié, de partenariat nouées entre les collectivités territoriales d'un pays, et celles équivalentes ou non, d'autres pays.


Devenue un vecteur des valeurs de démocratie locale et de renforcement de la gouvernance territoriale, la coopération décentralisée constitue aujourd’hui un outil déterminant pour dynamiser le développement des collectivités territoriales.


Jadis, l’État jacobin était l’acteur indiscutable des relations internationales, mais de nos jours force est de constater l’émergence des collectivités territoriales sur la scène internationale et dans les relations de coopération internationale. Ce qui montre d’ailleurs un recul du monopole étatique de l’activité internationale et la montée en puissance concomitante des acteurs transnationaux. De nouveaux acteurs voient le jour pour ainsi citer les ONG, les associations, les firmes multinationales et surtout les collectivités territorialesqui jouent un rôle de plus en plus important dans la coopération au développementLa coopération décentralisée prend de nos jours de plus en plus de poids et présente une importance remarquable dans les relations internationales,faisant ainsi des collectivités territoriales des entités de plus en plus autonomes vis-à-vis des États. Ce mode de coopération transnationale est devenu un facteur de renforcement de la vie démocratique.


En dehors de l’approche générale de cette notion, il faut comprendre que la conception de la coopération décentralisée peut cependant varier d’un pays à l’autre ou d’une région à l’autre, et être régie par des textes juridiques nationaux et régionaux.


Nous avons deux grandes approches :  extensive et restrictive.


L’approche extensive ou la thèse anglo-saxonne, voit la coopération décentralisée comme toute action internationale mise en œuvre par des acteurs infra-étatiques, pas nécessairement territoriales. Elle admet une multitude d’intervenants locaux comme acteur central de la coopération décentralisée. Nous pouvons citer le cas de l’Union européenne en ces termes«  Par Coopération décentralisée, “l’Union européenne entend tout programme conçu et mis en œuvre dans le pays du Sud ou de l’Est par un acteur de la société civile : ONG, pouvoirs publics locaux, coopérative agricole, groupement féminin, syndicat, “ de façon plus générale toute forme organisée de la Société civile “ ». Ici la coopération décentralisée recouvre les actions directes mais également celles effectuées de façon indirecte par le biais d’ONG, de mouvements sociaux, de la société civile des centres de recherche ou d’universités, comme le confère la loi 23/1998 du 7 juillet 1998 sur la coopération au développement en Espagne.


L’approche restrictive ou la thèse francophone, place largement les collectivités et autorités territoriales comme acteurs exclusifs de la coopération décentralisée. Dans cette perspective, les collectivités territoriales et leurs groupements constituent les véritables maillons de cette coopération. La conception sénégalaise et française de la coopération décentralisée entre dans ce cadre.


Cependant, il faut bien noter que de nos jours, ces approches peuvent évoluer d’un pays à l’autre et recouvre ainsi des réalités différentes selon les pays ou régions où certains d’entre eux lui donnant même un cadre légal, et d’autres non.Des évolutions ont été certainement notées au sein de l’Union européenne, en Espagne, en France et dans d’autres pays.


Au Sénégal, la coopération décentralisée trouve son fondement juridique à travers les lois de la décentralisation, qui reconnaissent aux collectivités locales sénégalaises de l’époque (Région, Commune, Communauté rurale) le droit « à entreprendre des actions de coopération qui donnent lieu à des conventions avec des collectivités locales de pays étrangers », comme indiqué dans l’article 17 du code des collectivités territoriales de 1996.


Ceci est corroboré par le droit sénégalais qui encadre les relations extérieures des collectivités locales par la constitution de janvier 2001, en son article 102 : « Elles s'administrent librement par des assemblées élues. Leur organisation, leur composition et leur fonctionnement sont déterminés par la loi ».


Cela est consolidé par le nouveau code des collectivités territoriales de 2013, dans son article 19 qui l’affirme ainsi : « Dans les conditions prévues par le présent code, les collectivités locales peuvent, dans le cadre de leurs compétences propres, entreprendre des actions de coopération qui donnent lieu à des conventions avec des collectivités locales de pays étrangers ou des organismes internationaux publics ou privés de développement ».


Ainsi, avec cette approche de la coopération décentralisée, nous invitons tous les acteurs à mieux s’évertuer à la compréhension pour un meilleur respect de la législation sénégalaise, c’est-à-dire le cadre légal et règlementaireEn effet, bon nombre d’acteurs œuvrent à des formes de coopération qui peuvent parfois dépasser cette approche sénégalaiseLa volonté de nouer des relations de partenariat, signer des conventions et voyager aux fins d’échanges de bonnes pratiques font que certains acteurs territoriaux ou d’autres encore s’ouvrent à toutes formes de coopération. La conception sénégalaise est loin de la conception espagnole, telle élucidée par la loi 23/1998 du 7 juillet 1998 sur la coopération au développement en Espagne. De nombreuses initiatives de coopération décentralisée avortées s'expliqueraient par la non maîtrise réelle des paramètres dans ce domaine. Le respect du cadre juridique et réglementaire de coopération décentralisée garantirait la transparence dans les programmes de partenariat et faciliterait la mise en œuvre efficace et durable des projets de développement. En effet, certains actes restent soumis à l’approbation préalable du représentant de l’État comme les conventions financières de coopération internationale comportant des engagements fixés par décret (Confère l’article 245 du code des collectivités territoriales du Sénégal de 2013).


Certes avec la libre administration des collectivités territorialesautorisée par le législateur sénégalais, les collectivités ou acteurs du secteur devraient à priori prendre les dispositions nécessaires y afférentes.


Au demeurant, comme préalable à la signature de convention de partenariat, il serait plus prudent, de s’imprégner davantage des règles et de la conception sénégalaise de la coopération décentralisée (d’ailleurs assez bien élucidée dans l’arsenal juridique).


Selon cette approche restrictive dont le Sénégal est porteur, toutes autres formes de coopération entre des organismes étrangers qui ne relèvent pas de ce cadre, renvoient à d’autres types de coopération non décentralisée, en référence aux textes édictés par les législateurs sénégalaisLa propension aux missions à l’étranger ou le désir ardent de nouer des partenariats ne doit pas inciter certains acteurs à occulter ou contourner le cadre sénégalais de coopération décentralisée.Plus de contrôle et l’exigence des rapports de missions constitueraient une des panacées pour faire face à la banqueroute des projets de coopération décentralisée.


Pour rappel, la coopération décentralisée a connu quatre (04)grandes phases, si on se réfère au Projet de rapport de La coopération décentralisée dans l’espace francophone en 2009 de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), ou à la Présentation effectuée aux premières Assises de la Coopération Décentralisée  à Kinshasa en 2012 par le Centre International d’Études pour le Développement Local(CIEDEL) :


• Une volonté de solidarité marquée par une approche humanitaire où certaines villes du Nord dans les années 1970 visaient à améliorer les conditions de vie des populations des villes du Sud. Cela se faisait à travers l’envoi de médicaments, d’aliments et de céréales, de construction de certains bâtiments administratifs etc.

• Une volonté d’agir pour le développement marquée par une approche de développement, où l’aide au développement à travers la coopération décentralisée permettrait de rendre moins dépendantes de l’extérieur les populations des zones concernées.

• Une volonté d’appui au processus de décentralisation marquée par une approche d’appui institutionnel, avec un renforcement des compétences de collectivités partenaires, marqué aussi par un appui technique de la décentralisation.

• Une volonté de coopération basée sur les enjeux des partenaires marquée par une approche d’intérêt mutuel où la coopération gagnant-gagnant est devenue l’emblème. Cette relation mutuelle instaurée, qualifie de nos jours les nouveaux modes de coopération décentralisée. Ainsi, avec l’autonomisation devenue un principe constitutionnel, les collectivités territoriales initient des partenariats en fonction de leurs compétences et expertises même si elle demeure toujours encadrée par l’Etat.

La coopération décentralisée reste une véritable politique publique locale partagée entre collectivités et basée sur un réel dialogue entre élus. Nous invitons ainsi tous les acteurs à préserver ce joyau, qui permet aux collectivités territoriales et à différents acteurs de s’ouvrir à l’international. Cette forme de coopération constitue dès lors, à tout point de vue, une opportunité à saisir en tant que levier de développement territorial, et contribue ainsi à une bonne gouvernance participative au Sénégal et comme plus-value à l’amélioration de l’action internationale des Collectivités Territoriales.


Pour ce faire, l’État doit davantage œuvrer à la vulgarisation des textes de la décentralisation à travers des sessions de formations périodiques afin que les acteurs territoriaux soient mieux imprégnés et outillés pour être à même de porter cette politique entre pays du Nord et du Sud ou entre les pays du Sud. Une politique bien conçue et appliquée pourrait alors apporter aux deux parties une réelle satisfaction.

 

Arona DIOP *

Direction de la Coopération décentralisée (DIRCOD) 

Ministère de l'Urbanisme, des Collectivités territoriales et de

L’Aménagement des Territoires (MUCTAT)

aronadiop10@gmail.com



7 Commentaires

  1. Auteur

    En Septembre, 2024 (20:54 PM)
    Monsieur Diop Arona ton intervention est vraiment super intéressante. Tu as su aborder le sujet avec beaucoup de clarté. Bravo pour ce beau travail !



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  2. Auteur

    En Septembre, 2024 (20:54 PM)
    Monsieur Diop Arona ton intervention est vraiment super intéressante. Tu as su aborder le sujet avec beaucoup de clarté. Bravo pour ce beau travail !



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    Auteur

    Diouf Selbe

    En Septembre, 2024 (23:09 PM)
    Très digeste et claire voyant les textes doivent être vulgarisés pour que les territoires puissent s’approprier de cet important levier de développement merci Arona diop
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    Auteur

    Pastef Mbour 3

    En Septembre, 2024 (22:53 PM)
    Et si nous quittions la conception restrictive pour celle extensive ?? D'ailleurs la dernière englobe la première. Donc ça sera les 2 a la fois. Ou laisser les 2 aux anglo et aux franco, et tracer notre propre voie :
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    • Auteur

      Reply_author Junior

      En Septembre, 2024 (09:38 AM)
      Tout à fait, celle extensive est plus répandue maintenant. Les textes de beaucoup de pays évoluent dans ce sens. C'est aux législateurs sénégalais d'œuvrer dans ce sens.

      MERCI ....................................................................................................................................................................................................
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    Auteur

    Ahmadou

    En Septembre, 2024 (17:09 PM)
    Très fluide et pertinente analyse.

    Toutes mes félicitations mon très cher
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    Auteur

    Adja

    En Octobre, 2024 (18:47 PM)
    Merci pour cet article qui analyse et décrit très bien les enjeux liés à la coopération décentralisée.

    Cependant l’ajout d’exemples aurait renforcé la mise en exergue des problématiques soulevées.

    Néanmoins merci encore pour l’éclairage Monsieur Diop. Hâte de lire vos prochaines contributions .
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    Auteur

    Mohamadou Mbodji

    En Octobre, 2024 (23:39 PM)
    Bravo dear Arona pour cet article qui éclaire sur le rôle central des collectivités territoriales dans la coopération internationale, et sur l'approche spécifique du Sénégal. Vous avez su démontrer l’évolution et l’importance de cette coopération pour le développement local et la gouvernance. Votre appel à des formations régulières est pertinent pour que chaque acteur soit bien préparé à agir dans le respect du cadre légal. Félicitations pour cette contribution précieuse !



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