La coopérationdécentraliséeest conçue de manière générale comme l’ensemble des formes de coopération et pratiques d’échanges
que les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent
développer avec des autorités ou des collectivités territoriales
étrangères.Elle englobe les jumelages entre villes, les relations d’amitié, de partenariat nouées entre les collectivités territoriales d'un pays, et celles équivalentes ou non, d'autres pays.
Devenue un vecteur des valeurs de démocratie locale et de renforcement de la gouvernance territoriale, la coopération décentralisée constitue aujourd’hui un outil déterminant pour dynamiser le développement des collectivités territoriales.
Jadis, l’État jacobinétait l’acteur indiscutable des relations internationales, mais de nos jours force est de constater l’émergence des collectivités territoriales sur la scène internationale et dans les relations de coopération internationale. Ce qui montre d’ailleurs un recul du monopole étatique de l’activité internationale et la montée en puissance concomitante des acteurs transnationaux. De nouveaux acteurs voient le jour pour ainsi citer les ONG, les associations, les firmes multinationales et surtout les collectivités territoriales, qui jouent un rôle de plus en plus important dans la coopération au développement. Lacoopération décentralisée prend de nos jours de plus en plus de poids et présente une importance remarquabledans les relations internationales,faisant ainsi des collectivités territorialesdes entités de plus en plus autonomes vis-à-vis des États.Ce mode de coopération transnationale est devenu un facteur de renforcement de la vie démocratique.
En dehors de l’approche générale de cette notion, il faut comprendre que la conception de la coopération décentralisée peut cependant varier d’un pays à l’autre ou d’une région à l’autre, et être régie par des textes juridiques nationaux et régionaux.
Nous avons deux grandes approches :extensive etrestrictive.
L’approche extensive ou la thèseanglo-saxonne, voit la coopérationdécentraliséecommetoute action internationale mise en œuvre par des acteurs infra-étatiques, pas nécessairement territoriales. Elle admet unemultitude d’intervenants locaux comme acteur central de la coopération décentralisée.Nous pouvons citer le cas de l’Union européenne en ces termes, « Par Coopération décentralisée, “l’Union européenne entend tout programme conçu et mis en œuvre dans
le pays du Sud ou de l’Est par un acteur de la société civile : ONG,
pouvoirs publics locaux, coopérative agricole, groupement féminin,
syndicat, “ de façon plus générale toute forme organisée de la Société
civile “». Ici la coopération décentralisée recouvre les actions directes mais également celles effectuées de façon indirecte par le biais d’ONG, de mouvements sociaux, de la société civiledes centres de recherche ou d’universités, comme le confère la loi 23/1998 du 7 juillet 1998 sur la coopération au développement en Espagne.
L’approche restrictiveou la thèsefrancophone, place largement les collectivités et autorités territoriales comme acteurs exclusifs dela coopération décentralisée. Dans cette perspective, les collectivités territoriales et leurs groupements constituent les véritables maillons de cette coopération. La conception sénégalaise et française de la coopération décentralisée entre dans ce cadre.
Cependant, il faut bien noter que denos jours, ces approches peuvent évoluer d’un pays à l’autre et recouvre ainsi des réalités différentes selon les pays ou régions oùcertains d’entre eux lui donnant même un cadre légal, et d’autres non.Des évolutions ont été certainement notées au sein de l’Union européenne, en Espagne, en France et dans d’autres pays.
Au Sénégal, la coopération décentralisée trouve son fondement juridique à travers les lois de la décentralisation, qui reconnaissent aux collectivités locales sénégalaises de l’époque (Région, Commune, Communauté rurale) le droit « à entreprendre des actions de coopération qui donnent lieu à des conventions avec des collectivités locales de pays étrangers », comme indiqué dans l’article 17 du code des collectivités territoriales de 1996.
Ceci
est corroboré par le droit sénégalais qui encadre les relations
extérieures des collectivités locales par la constitution de janvier
2001, en son article 102 : « Elles s'administrent librement par des assemblées élues. Leur organisation, leur composition et leur fonctionnement sont déterminés par la loi ».
Cela est consolidé par le nouveau code des collectivités territoriales de 2013, dans son article 19 qui l’affirme ainsi : «Dans les conditions prévues par le présent code, les collectivités locales peuvent, dans le cadre de leurs compétences propres, entreprendre des actions de coopération qui donnent lieu à des conventions avec descollectivités locales de pays étrangers ou des organismes internationaux publics ou privés de développement».
Ainsi, avec cette approche de la coopérationdécentralisée, nous invitons tous les acteurs à mieux s’évertuer à la compréhension pourun meilleur respect de lalégislation sénégalaise, c’est-à-dire le cadre légal et règlementaire. En effet, bon nombre d’acteursœuvrentà des formes de coopération qui peuvent parfois dépasser cette approche sénégalaise. La volonté de nouer des relations departenariat, signer des conventions et voyager aux fins d’échanges de bonnes pratiques font que certains acteurs territoriaux ou d’autres encores’ouvrent à toutes formes de coopération. La conception sénégalaise est loin de la conception espagnole, telle élucidée par la loi 23/1998 du 7 juillet 1998 sur la coopération au développement en Espagne.De nombreuses initiatives de coopération décentralisée avortées s'expliqueraient par la non maîtrise réelle des paramètres dans ce domaine. Le respect ducadre juridique et réglementaire de coopération décentralisée garantirait la transparence dans les programmes de partenariat et faciliterait la mise en œuvre efficace et durable des projets de développement.En
effet, certains actes restent soumis à l’approbation préalable du
représentant de l’État comme les conventions financières de coopération
internationale comportant des engagements fixés par décret (Confère
l’article 245 du code des collectivités territoriales du Sénégal de
2013).
Certes avec la libre administration des collectivités territoriales, autorisée par le législateur sénégalais, les collectivités ou acteurs du secteur devraient à priori prendre les dispositions nécessairesy afférentes.
Au
demeurant, comme préalable à la signature de convention de partenariat,
il serait plus prudent, de s’imprégner davantage des règles et de la
conception sénégalaise de la coopération décentralisée (d’ailleursassez bien élucidée dans l’arsenal juridique).
Selon cette approche restrictive dont le Sénégalest porteur, toutesautres formes de coopérationentre des organismes étrangers qui ne relèvent pas de ce cadre, renvoient àd’autres types de coopération non décentralisée,en référence aux textes édictés par les législateurs sénégalais. La propension aux missions à l’étranger ou le désir ardent de nouer des partenariats ne doit pas incitercertains acteurs à occulter ou contournerle cadre sénégalais de coopérationdécentralisée.Plus
de contrôle et l’exigence des rapports de missions constitueraient une
des panacées pour faire face à la banqueroute des projets de coopération
décentralisée.
Pour rappel,la coopérationdécentralisée a connu quatre (04)grandes phases, si on se réfèreau Projet de rapport de La coopération décentralisée dans l’espace francophoneen 2009 de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), ou à la Présentation effectuée aux premières Assises de la Coopération Décentralisée à Kinshasaen 2012 par le Centre International d’Études pour le Développement Local(CIEDEL):
• Une volonté de solidarité marquée par une approche humanitaire où certaines villes du Nord dans les années 1970 visaient à améliorer les conditions de vie des populations desvilles du Sud. Cela se faisait à travers l’envoi de médicaments, d’aliments et de céréales, de construction de certains bâtiments administratifs etc.
• Une volonté d’agir pour le développement marquée par une approche de développement, où l’aide au développement à travers la coopération décentralisée permettrait de rendre moins dépendantes de l’extérieur les populations des zones concernées.
• Une volonté d’appui au processus de décentralisation marquée par une approche d’appui institutionnel, avec un renforcement des compétences de collectivités partenaires, marqué aussi par un appui technique de la décentralisation.
• Une volonté de coopération basée sur les enjeux des partenaires marquée par uneapproche d’intérêt mutuel où la coopération gagnant-gagnant est devenue l’emblème.Cette relation mutuelle instaurée, qualifie de nos jours les nouveaux modes de coopération décentralisée. Ainsi, avec l’autonomisationdevenue un principe constitutionnel, les collectivités territoriales initient des partenariats en fonction de leurs compétences et expertisesmême si elle demeure toujours encadrée par l’Etat.
La coopération décentralisée reste une véritable politique publique locale partagée entre collectivités et basée sur un réel dialogue entre élus. Nous invitons ainsi tous les acteurs à préserver ce joyau, qui permet aux collectivitésterritoriales et à différents acteurs de s’ouvrir à l’international. Cette forme de coopération constitue dès lors, à tout point de vue,une opportunité à saisiren tant quelevier de développement territorial, et contribue ainsi à une bonnegouvernance participative au Sénégalet comme plus-value àl’amélioration de l’action internationaledes Collectivités Territoriales.
Pour ce faire, l’État doit davantage œuvrer
à la vulgarisation des textes de la décentralisation à travers des
sessions de formations périodiques afin que les acteurs territoriaux
soient mieux imprégnés et outillés pour être à même de porter cette
politique entre pays du Nord et du Sud ou entre les pays du Sud. Une politique bien conçue et appliquée pourrait alors apporter aux deux parties une réelle satisfaction.
Arona DIOP *
Direction de la Coopération décentralisée (DIRCOD)
Ministère de l'Urbanisme, des Collectivités territoriales et de
Très digeste et claire voyant les textes doivent être vulgarisés pour que les territoires puissent s’approprier de cet important levier de développement merci Arona diop
Et si nous quittions la conception restrictive pour celle extensive ?? D'ailleurs la dernière englobe la première. Donc ça sera les 2 a la fois. Ou laisser les 2 aux anglo et aux franco, et tracer notre propre voie :
Tout à fait, celle extensive est plus répandue maintenant. Les textes de beaucoup de pays évoluent dans ce sens. C'est aux législateurs sénégalais d'œuvrer dans ce sens.
Bravo dear Arona pour cet article qui éclaire sur le rôle central des collectivités territoriales dans la coopération internationale, et sur l'approche spécifique du Sénégal. Vous avez su démontrer l’évolution et l’importance de cette coopération pour le développement local et la gouvernance. Votre appel à des formations régulières est pertinent pour que chaque acteur soit bien préparé à agir dans le respect du cadre légal. Félicitations pour cette contribution précieuse !
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7 Commentaires
Reply_author
En Septembre, 2024 (05:22 AM)Diouf Selbe
En Septembre, 2024 (23:09 PM)Pastef Mbour 3
En Septembre, 2024 (22:53 PM)Reply_author Junior
En Septembre, 2024 (09:38 AM)MERCI ....................................................................................................................................................................................................
Nafi Diop
En Septembre, 2024 (06:20 AM)Ahmadou
En Septembre, 2024 (17:09 PM)Toutes mes félicitations mon très cher
Adja
En Octobre, 2024 (18:47 PM)Cependant l’ajout d’exemples aurait renforcé la mise en exergue des problématiques soulevées.
Néanmoins merci encore pour l’éclairage Monsieur Diop. Hâte de lire vos prochaines contributions .
Mohamadou Mbodji
En Octobre, 2024 (23:39 PM)Participer à la Discussion