Je paraphraserai l'évangéliste Saint Matthieu, au chapitre 5, les versets 3 à 10 appelés les béatitudes, et dis : "Heureux le travailleur qui craignait pour son emploi, car l'ordonnance n°001-2020 du 08 Avril est pour lui" !
Ouf !!! De nombreux travailleurs sénégalais ont dû ou ont eu à pousser un grand ouf de soulagement lorsque, le Covid-19 frappant de plein fouet les entreprises, l'ordonnance précitée est tombée.
Et bien évidemment, le monde du travail ou du moins le monde syndical a réservé un bon accueil, un accueil "chaleureux" au texte. Les travailleurs soutiennent, heureux et en chœur, que Chef de l'État a réagi et agi au bon moment sur fondement, entre autres textes, de la loi n° 2020-13 du 02 avril 2020 l'habilitant à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi pour faire face à la pandémie du Covid-19.
En revanche, et je comprends, l'accueil a été plus ou moins mitigé chez bon nombre d'employeurs. C'est vrai qu'ils sont partagés entre la nécessité de sauver les investissements lourds effectués, les charges incompressibles (salaires, cotisations sociales etc.) et le souci de la préservation des emplois (élément essentiel dans le maintien de l'équilibre familial et de la stabilité sociale). J'avoue que ce n'est pas chose facile pour eux, par rapport à la durée "indéterminée" ou inconnue de la pandémie (on ne saurait présager de rien) même s'ils n'entendent pas, patriotes qu'ils sont, être en reste relativement à l'appel à l'unité et à la solidarité lancé par le Président de la République.
En effet, le trou béant provoqué brutalement par la pandémie et hâtivement pris par certains employeurs comme juste et valable motif économique de licenciement, méritait d'être vite bouché pour parer aux abus nombreux qui se profilaient à l'horizon.
En vérité, le nombre important, comme dit dans l'exposé des motifs, de demandes de licenciement subitement reçues par les Inspections régionales du travail ont suffi à alerter, justifiant les mesures opportunes, courageuses et salutaires prises.
L'ordonnance, outre le fait, durant le temps ou la durée de la loi d'habilitation n° 2020-13 du 02 avril 2020, d'interdire tout licenciement pour motif économique tiré de la propagande du Covid-19 à compter du 14 mars 2020 (le texte est sur ce point d'application rétroactive au regard de l'article 5 de l'ordonnance), préconise des mesures alternatives et encourage le recours au chômage technique (par rapport au licenciement) sous réserve du respect de certaines conditions. Le texte a le mérite de combler un vide juridique en précisant la notion de chômage technique quant à ses modalités d'application ou de mise en œuvre au Sénégal. Egalement, le texte de bien circonscrire le chômage technique car, dit l'ordonnance n°001-2020 : "Si l'employeur décide de recourir au chômage technique, la durée de celui-ci ne peut dépasser les limites de temps de la loi d'habilitation précitée".
L'apport le plus important est sans conteste, la détermination ou la fixation du quantum ou du montant de la rémunération à allouer au travailleur envoyé en chômage technique. Montant qui, jusque-là, était plus ou moins laissé à la libre appréciation de l'employeur (même si les délégués étaient associés); d'où la différence énorme, injuste et injustifiée de traitement entre deux entreprises ou entre employés d'une même entité.
Aujourd'hui, le travailleur est en droit, en vertu de l'article 3 de l'ordonnance précitée, de réclamer une "rémunération qui ne saurait être inférieure ni au salaire minimum interprofessionnel garanti, ni à 70% de son salaire moyen net des trois derniers mois d'activité". Informations importantes, qu'il conviendra de vite répercuter ou de vulgariser par une large diffusion en direction des véritables destinataires et ce, au-delà de la publication du texte au journal officiel (J.O) valant juridiquement publicité ou information faite à tous.
Aux organisations patronales et aux organisations syndicales donc, si ce n'est déjà fait, d'entrer en jeu pour un partage exhaustif sur la question en réfléchissant sur les voies et moyens rapides de propagation, au sens de partage je veux dire, adaptés au contexte "covidal".
Aux délégués du personnel de s'approprier le texte et d'en expliquer la teneur aux travailleurs. Occasion également pour eux de signifier à leurs camarades que cela n'est nullement synonyme d'impunité ou d'immunité "sociale". Les travailleurs doivent bien comprendre que durant la période de la pandémie, pour des motifs avérés autres que le Covid-19 ou sans lien avec celui-ci, l'employeur, qui dispose encore des pouvoirs de direction, réglementaire et disciplinaire, peut bel et bien licencier un travailleur pour faute lourde. Licenciement qui pourrait, dans ce cas, être considéré légitime par le juge. D'où le nécessaire rappel aux employés à strictement se conformer aux dispositions contractuelles et légales qui encadrent la relation de travail.
La limite ou une des limites que je crois humblement avoir relevée (peut-être que qu’il en existe d'autres que certains voudront bien lever), est que le texte devait continuer à produire ses effets à l'issue ou après la loi d'habilitation. Qu'il doit être applicable, au moins, 12 mois après la loi d'habilitation et même pour une période plus longue car, le travailleur (même celui qui n'a pas commis de faute) n'est pas totalement à l'abri.
En effet, après la période concernée, c'est-à-dire la fin de la loi d'habilitation, l'employeur, qui avait retardé l'échéance peut toujours invoquer le motif économique lié au Covid-19 pour licencier, sans être tenu par l'ordonnance qui ne produira plus ses effets (article 5). L’ordonnance n'aura fait, c'est certes louable mais insuffisant, que retarder ou repousser la date ou le moment prévu pour le licenciement. Et c'est pourquoi, je suis pour, même si je sais qu'il faut absolument préserver l'outil économique, une extension c'est-à-dire pour une application longue dans la durée, des effets dérogatoires prévus par l'ordonnance et ce, dans le sens de la protection du travailleur et d'éviter surtout, les licenciements subjectifs tirés d'un vrai-faux motif.
Oui, pour sauver toutes les entreprises particulièrement celles en difficulté mais pas, après ou à la fin de la loi d'habilitation, au prix de licenciements à tour de bras !
Dès lors, il revient à l'Etat de prendre en urgence des mesures adéquates d'accompagnement et de voir comment - non pas uniquement durant la loi d'habilitation, mais dans la durée ou dans le temps- soutenir sous diverses formes les entreprises, par rapport aux dégâts collatéraux économiques et financiers lourds nés de la bataille sanitaire féroce ou de la guerre non conventionnelle virologique imposée par l'ennemi invisible n°1 à abattre, le Covid-19.
Combat qu'il nous faut absolument gagner. Et à défaut d'une victoire fulgurante, user de stratégies pour avoir l'adversaire, le coriace et teigneux Covid-19, à l'usure.
Une furtive incursion, à mes risques et périls, dans le domaine qui est loin d'être le mien celui de l'économie (je demande humblement votre indulgence) et ce pour dire, qu'on ne doit jamais perdre de vue que la finalité de toute activité économique, au-delà des profits que chacun peut en tirer, est le Bien Être de l'Homme. Qui plus est, l'économie est faite PAR des Hommes et POUR l'Homme.
Œuvrons en conséquence à trouver les solutions les meilleures, fruits de la réflexion de tous et dans l'intérêt de tous. Et ce n'est point impossible avec l’appui de l'État.
JE RESTE CHEZ MOI.
S'IL VOUS PLAÎT, RESTEZ CHEZ VOUS.
RESTONS CHEZ NOUS !
Me NDIONE Joseph Etienne
Avocat à la Cour
DEPUIS CHEZ MOI, le 25 avril 2020.
1 Commentaires
Houguileu
En Avril, 2022 (07:28 AM)Dans le cas où l'employeur licencie pour faute lourde durant la période de l'ordonnance si l'action intenté auprès du juge fini par une requalification de la faute quelle est la suite?(par rapport à l'ordonnance)
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