AVIS ET OBSERVATIONS SUR LE RAPPORT D’AMNESTY
INTERNATIONAL 2010 PORTANT SUR LA PRATIQUE DE LA TORTURE
ET LE RESPECT DES DROITS HUMAINS
INTRODUCTION
Le Sénégal est un Etat de droit soucieux de la préservation et de la
défense des libertés individuelles, des droits pour tous. Il a été l’un
des principaux initiateurs de la Charte africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples, de même qu’il a ratifié toutes les
conventions relatives à la promotion, la sauvegarde et la protection
des droits de l’Homme.
Au niveau national, outre la création du comité sénégalais des droits
de l’Homme, qui est un organisme autonome du Gouvernement,
l’abolition de la peine de mort le 28 décembre 2004, l’Etat a mis en
place un guichet des droits de l’Homme par décret n°2000-276 du 12
avril 2000 qui assure entre autre la liaison avec le comité sénégalais
des droits de l’Homme.
La définition d’un mécanisme national de lutte contre la torture et
pratiques assimilées entamée depuis l’incrimination formelle de ce
fléau, en vertu de l’article 295-1 du code pénal a été parachevée
récemment par l’adoption de la loi 2009-13 du 2 mars 2009 instituant
l’Observatoire National des Lieux de Privation de Liberté.
Ce mécanisme traduit la volonté du Sénégal de se conformer à la
Convention contre la torture du 10 décembre 1984 ratifiée le 26 août
1986 ainsi que son Protocole facultatif du 18 décembre 2002.
Les autorités judiciaires sénégalaises qui viennent à peine de prendre
connaissance du rapport n’ont malheureusement pas eu
l’opportunité de formuler des observations aux nombreuses critiques
faites par Amnesty International. Ces observations auraient pu aider
à rendre plus objectif le contenu du document avant sa publication.
Par la présente, et compte tenu de l’urgence à édifier l’opinion sur les
griefs soulevés par notre partenaire au développement, en
l’occurrence Amnesty International, le Ministère de la
Communication entend apporter ces éléments de réponse provisoire
tout en espérant qu’ils seront utiles à la communauté internationale.
Affaire Dominique LOPY
A la suite du décès de Dominique LOPY intervenu en avril 2007 dans les locaux
du commissariat de police de Kolda, les autorités judiciaires sénégalaises ont
aussitôt ordonné une enquête au terme de laquelle une information a été
ouverte devant le juge d’instruction du Tribunal régional de Kolda.
A titre de mesures conservatoires et compte tenu surtout du principe de la
présomption d’innocence, le Ministre de l’Intérieur avait à l’époque muté tous
les éléments du commissariat central de Kolda, même le commissaire absent
de la ville au moment des faits. Cette mesure disciplinaire qui intervient avant
la déclaration de culpabilité des personnes soupçonnées traduit si besoin en est
la volonté des pouvoirs publics sénégalais de combattre toute forme d’atteinte
à l’intégrité physique de la personne.
S’agissant de la procédure d’information, elle est toujours en cours. Les
auditions des parties en cause et des témoins sont en train d’être menées par
le magistrat instructeur. Cependant, compte tenu des circonstances dans
lesquelles le décès de Dominique LOPY est intervenu, il est impossible de
poursuivre nommément des personnes en raison de la pluralité des
participants à la manifestation. Ce sera seulement au terme de l’infirmation
que le juge d’instruction disposera d’éléments d’identification nécessaire pour
engager des poursuites contre des personnes dont l’implication aux faits de la
cause serait suffisamment démontrée.
Affaire Alioune Badara DIOP
Alioune Badara DIOP est décédé en décembre 2007 dans les locaux du
commissariat de Ndorong.
Donnant suite aux allégations de torture, l’autorité de tutelle des agents de
police préposés à sa garde, en l’occurrence le Ministère de l’Intérieur et le
Ministère de la Justice ont tour à tour pris des mesures disciplinaires à leur
encontre. C’est ainsi, que sur instruction du Garde des Sceaux Ministre de la
Justice, le commissaire de Ndorong a été traduit devant la Chambre
d’accusation de la Cour d’Appel de Kaolack qui a prononcé à son encontre le
retrait de sa qualité d’OPJ. Il a par la suite été muté par les autorités de la
police.
Sur le plan pénal, la partie civile, policier en retraite, de même que les agents
en service au poste de police dudit commissariat au moment des faits ont été
tous poursuivis et placés en détention provisoire nonobstant les conclusions du
rapport d’autopsie qui faisait état de mort par pendaison. À l’audience, le
Tribunal Correctionnel de Kaolack a déclaré les prévenus coupables des faits
qui leur sont reprochés avant de les condamner à des peines
d’emprisonnement et à des dommages et intérêts en réparation du préjudice
subi par les ayants droits.
Affaire Ndèye Oury Adja Camara
Décédée novembre 2008 dans les locaux du commissariat central de Dakar, le
corps de cette dame a fait l’objet d’une autopsie dont les conclusions
pouvaient même écarter la thèse de torture. En effet, selon les termes mêmes
du médecin légiste, la victime est décédée par asphyxie mécanique-pendaison
probable. Il résulte du rapport d’Amnesty International qu’un des co-détenus a
affirmé avoir informé les policiers de la pendaison de la victime à l’aide de son
foulard orange. En dépit de ces observations une enquête a été ouverte en vue
préciser les causes de la mort de la victime.
Affaire Modou Bakhoum
Modou Bakhoum est décédé dans les locaux de la Brigade de la Gendarmerie
de Karang où il était gardé à vue pour trafic de chanvre indien, dans la nuit du
jeudi 22 au vendredi 23 janvier 2009. Aussitôt après son décès, tenant compte
des rumeurs de torture pratiquée sur sa personne, une autopsie a été
ordonnée et une enquête ouverte. Le premier rapport d’autopsie fait par le
médecin de la localité était dubitatif par rapport aux faits allégués. Le corps fut
alors transporté à Dakar où une seconde autopsie a été pratiquée et qui a
conclu que Modou Bakhoum serait décédé de mort naturelle.
Comme dans les cas précédents, soucieuse de l’application de la loi, l’Autorité
judiciaire continue de mener des investigations afin d’élucider clairement les
causes réelles de la mort de Modou Bakhoum.
Affaire Aboubacry Dia
Il est décédé dans les locaux du Commissariat de Matam en novembre 2009.
Selon la thèse policière, la victime se serait suicidée par pendaison. En dépit
de cette affirmation, le procureur de la République près le Tribunal Régional de
Matam a ordonné une enquête et une autopsie par les soins du médecin
légiste de l’Hôpital Aristide Le Dantec. Les résultats de l’autopsie font état de
mort par strangulation.
Soucieux de faire toute la lumière sur cette affaire, l’Autorité Judiciaire
continue de mener des investigations en vue de mieux élucider les causes du
décès.
Pour tous ces cas, le Sénégal s’est acquitté de ses engagements souscrits vis-à-
vis de la Convention des Nations Unies du 10 décembre 1984 contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En clair,
cette convention oblige les Etats parties à ouvrir une enquête et administrer
des sanctions contre tout auteur de violation grave aux droits fondamentaux de
la personne humaine en général et à l’intégrité physique des êtres humains en
particulier.
Il convient de souligner que le traitement judiciaire de ces catégories
d’infractions juridiquement qualifiées de délits de foule est à la fois complexe
et délicat quant à la détermination de l’imputabilité des faits contre des
personnes suffisamment identifiées. Cette œuvre nécessite un délai au cours
duquel les enquêteurs et magistrats instructeurs procèderont aux
interrogatoires et auditions seuls à mêmes d’indexer, avec la précision
nécessaire, les individus contre lesquels les poursuites seront dirigées. À titre
illustratif, dans le cadre de l’affaire Karamoko Thioune-Kambel Dieng, dont
Amnesty dénonce des lenteurs de procédure, le Doyen des Juges d’Instruction
n’a pu obtenir l’identification des mis en cause qu’au terme d’une délégation
judiciaire confiée à la section recherches de la Gendarmerie Nationale plus
d’une année après sa saisine. Cette affaire n’a connu aucun retard, ni pour la
délivrance des ordres de poursuites par le Directeur de la Justice Militaire, ni
pour le renvoi déjà ordonné des inculpés devant la juridiction de jugement.
Affaire Hissène Habré
Depuis le Sommet de l’Union Africaine tenu à Banjul en juillet 2006 à l’occasion
duquel le Sénégal a reçu mandat de juger Monsieur Hissène Habré au nom de
l’Afrique par la justice sénégalaise, notre pays n’a cessé de procéder à des
réformes législatives institutionnelles en vue de mieux se conformer à ses
engagements internationaux. En parfaite collaboration avec l’Union
Européenne et l’Union Africaine, tous les actes nécessaires à la tenue du procès
ont été posés.
En l’état, la seule activité qui doit être déroulée avant l’ouverture du procès est
la Table ronde des bailleurs et donateurs potentiels que Monsieur Jean Ping,
Président en exercice de la Commission Africaine, se propose de présider dans
les tous prochains jours.
RECOURS A LA TORTURE CAUTIONNE PAR LA JUSTICE
L’Etat du Sénégal, partie à la quasi-totalité des instruments universels relatifs
aux droits humains et dont la législation pénale nationale incrimine
formellement ces violations graves de la dignité humaine à travers des
dispositions conformes du Protocole Facultif à la Convention Contre la Torture
ne saurait cautionner la pratique de la torture sous toutes ces formes. Les
statistiques ont démontrées que tous les cas de torture avérés connus des
autorités judiciaires ont fait l’objet de poursuites et de sanctions appropriées.
Les ordres de poursuites, loin de constituer des moyens d’impunité sont de
simples formalités administratives destinées à informer et inviter l’autorité de
tutelle dans le déroulement de la procédure judiciaire dirigée contre leur
personnel. Au Sénégal, tout comme en France et dans de nombreux autres
pays, la délivrance d’ordre de poursuite est un préalable au déclenchement de
l’action publique dirigée contre les membres des forces de sécurité. Pendant
les nombreuses années de pratique du Tribunal Militaire, il n’est jamais arrivé
que l’autorité de tutelle des forces de sécurité refuse de délivrer des ordres de
poursuite contre leur membre devant être poursuivis en justice.
La procédure pénale sénégalaise organise les modes d’administration de la
preuve au procès pénal. Conformément aux dispositions de l’article 414 du
Code de Procédure Pénal tous les modes de preuves sont admis sous peine de
leur appréciation par le juge et leur discussion. L’aveu, comme tout élément de
preuve, n’est pas absolu et est écarté des débats chaque qu’il est démontré
avoir été extorqué sous le coup de la violence, ou obtenu par surprise.
Il semble très léger de se fonder sur de simples supputations de plaideur de
mauvaise foi pour asseoir des accusations aussi graves de faits de traitements
inhumains ou dégradants.
CONCLUSION
L’Etat du Sénégal se réjouit d’avoir réagi positivement
à toutes les
interpellations de la Société Civile nationale et internationale, ainsi qu’aux
organismes de la CEDEAO et des Nations Unies.
L’essentiel des récriminations contenues dans le rapport d’Amnesty
International ont fait l’objet de débats houleux devant le Conseil des Droits de
l’Homme de Genève où les autorités sénégalaises, preuves à l’appui, ont
démontré que notre pays, loin de constituer une terre d’impunité, est un
exemple dans la protection, la promotion et la sauvegarde des droits humains.
Récemment notre de pays vient de subir une évaluation du Rapporteur Spécial
sur la détention arbitraire de l’Organisation des Nations Unies qui s’occupe
entre autres de la protection de l’intégrité physique des personnes privées de
liberté. Le rapport final dressé à cet effet n’a pas fait d’observation majeur sur
des violations graves des droits fondamentaux de la personne humaine.
En définitive, sans occulter l’existence de cette pratique, quoique minime, le
Sénégal renouvelle ici son engagement à ne ménager aucun effort pour
réaliser, sous sa juridiction, une société de justice conforme à la plus haute
aspiration d’un Etat de droit, et de participer à l’œuvre internationale et
communautaire destinée à l’éradication de la torture sous toutes ses formes.
Moustapha Guirassy
Ministre de la Communication et des Télécommunications
Porte parole du gouvernement
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