«J'aime la vérité. Je crois que l'humanité en a besoin ; mais elle a bien plus grand besoin encore du mensonge qui la flatte, la console, lui donne des espérances infinies. Sans le mensonge, elle périrait de désespoir et d'ennui.»
Anatole France.
C’est avec stupeur que j’ai appris, lors de la conférence de presse organisée à Dakar par Me El’hadji Diouf et compagnie -mandatés pour défendre les officiels sénégalais-, que les avocats ont osé dire que Mame Madior et Youba Sambou avaient été totalement «blanchis» par la Cour de Cassation. Ayant couvert cette affaire pour le compte de l’Observateur, et étant foncièrement opposé au mensonge et à l’injustice, il est de mon devoir d’apporter ces précisons suivantes. Il n’y avait jamais, lors de l’audience du 5 janvier 2010, été question de juger de la culpabilité ou non de Mame Madior Boye et de Youba Sambou dans le naufrage du Joola. Lors de cette audience, le tribunal s’était penché sur le pourvoi introduit par les Conseils des parties civiles contre la décision de la 3e section de la cour d’Appel de Paris qui avait –le 16 juin 2009- décidé d’annuler les mandats d’arrêts internationaux décernés par M. Jean Wilfried Noël, ex-juge d’Instruction au Tribunal de Grande Instance d’Evry, à l’encontre de l’ex-pm et de son ministre des Forces armées. Aussi, le tribunal devait étudier la demande des avocats sénégalais d’annuler les 7 autres mandats que cette même cour d’Appel avait maintenus à l’encontre des «seconds couteaux».
Puisque la cour de Cassation est la plus haute juridiction en France, sa décision concernant Mame Madior Boye et Youba Sambou est définitive. Ces deux là ne seront plus menacés par la justice française. Comme pour eux, l’arrêt concernant Youssoupha Sakho et compagnie est irrévocable. Aucune juridiction, en France, n’est habilitée à entendre des avocats plaider leur cause ici; si n’est que lorsqu’ils seront incarcérés. Dès qu’ils mettront le bout du nez, hors du Sénégal, ils seront cueillis et conduits pieds et mains liés en France. Leur tenir tout autre langage que : «déchirez vos passeports et n’allez en vacances qu’au Sénégal» est un leurre. C’est fini, aucun avocat fut-il un «génie du show» de la trempe de Me El’hadji Diouf ne peut plus rien faire pour eux dans cette affaire.
Cette tentative de Me Massokhna Kane et compagnie de vouloir, vaille que vaille, présenter Mme Mame Madior Boye et Youba Sambou comme des victimes, -dans l’homicide involontaire et la non assistance des 2000 passagers du Joola-, est franchement répugnante, révoltante et source de frustration dont les conséquences présentes peuvent être traumatisantes, futures préjudiciables pour le pays. Dire que Mame Madior et Youba Sambou ont été blanchis est, je pèse mes mots- un grand mensonge, une tentative de désinformation. Pour être acquitté, il faut d’abord être jugé et à ma connaissance ils ne l’ont jamais été. Menacer de poursuites judiciaires quiconque mêlerait leurs noms à ce naufrage n’est rien d’autre que de la pure intimidation et cela, je peux vous assurer qu’elle ne passera point. Et ce pitoyable exercice de communication auquel ils se sont livrés, motivé par l’argent du contribuable que leur donne Wade pour tirer ses hommes d’affaire, est une insulte faite à la mémoire des disparus du Joola. Après avoir empêché au pays de faire son deuil -en refusant le renflouement du navire- le régime voudrait que les citoyens n’évoquent plus la mémoire des leurs. Qu’ils fassent table rase des naufragés, comme s’ils n’avaient jamais existé. C’est la pire des insultes qui puissent sortir de la bouche de quelqu’un- l’avocat député, le roi du Saloum- qui voudrait bien devenir le président du Sénégal.
Si leurs VIP de clients ont pu s’en tirer-je le rappelle, puisque j’ai suivi le procès et j’ai en ma possession l’arrêt de la cour de Cassation-, c’est parce qu’ils ont bénéficié de la bienveillance d’une «coutume internationale qui s’oppose à la poursuite des Etats devant les juridictions pénales d’un Etat étranger». Cette coutume, s’étendant aux organes et entités qui constituent l’émanation de l’Etat ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui, comme en l’espèce, relèvent de la souveraineté de l’Etat concerné, ne pouvait que légaliser –à ne pas confondre avec légitimer- le rejet du pourvoi en cassation introduit par les parties civiles. C’est ce qu’a dit M. Pelletier, le président de la Cour, dans son arrêt. Rien d’autre. En terme simple, la cour de cassation a décidé que –comme la 3e section de la chambre d’Appel qui a annulé les mandats d’amener contre Mame Madior et Youba Sambou- elle est d’avis que ces deux personnalités ne doivent pas être arrêtées comme de vulgaires criminels et conduites en France ou y être entendues. Il est à déplorer que cela ne grandit pas Mame Madior et Youba Sambou.
En acceptant de se couvrir de leurs immunités, ils se soustraient à l’éclosion de la vérité. Leur attitude ressemble fort à celle d’un présumé assassin à qui on refuserait l’obligation de se présenter devant un juge pour lui éviter de faire face à un tribunal qui pourrait être amené à le condamner. C’est aussi simple que ça ! C’est le règne de l’impunité! Mais, jusqu’à la fin des temps, les noms d’Abdoulaye Wade, Mame Madior Boye, Youba Sambou et compagnie seront cités comme les seuls, les premiers et principaux responsables qui ont cautionné la mise à eau de cette épave dont ils n’ignoraient pas l’épouvantable condition. Et cela, peu importe les mille et une procédures judicaires que vous serez amenés à intenter contre ceux qui, comme moi, n’avaleront pas vos fausses informations. Qu’ils soient jugés par des juridictions humaines ou non, condamnés à des peines de prison ou blanchis, peu importe; ils n’échapperont pas au jugement et à la négative sanction de l’Histoire comme il est sûr et certain que celui divin ne les manquera pas non plus.
Bacary Touré
Journaliste écrivain<16>kimikikiko@yahoo.fr
0 Commentaires
Participer à la Discussion