« Kou gued sa yaye mo ayé » dit le chef de l’État, tel Louis XIV infatué de sa toute-puissance. Ne cherchons pas des définitions compliquées puisées dans la cosmogonie de la formation historique singulière du Djolof pour donner aux termes utilisés une forme sociologiquement acceptable. La définition est aussi simple que celle que lui donnent les oripeaux de son apparence. Cela signifie simplement dans les mots du président : « c’est à prendre ou à laisser ! » Le langage utilisé, à la limite irrespectueux à l’endroit de ses interlocuteurs, aurait dû braquer ces derniers et les amener à refuser la main tendue. Mais le président sait que certains de « ses opposants » ne refuseront pas. C’est ce qui lui donne toute cette assurance, c’est ce qui justifie toute cette condescendance. Et, ainsi donc, Karim Wade et Khalifa Sall accepteront de dialoguer parce que, dans la perception clairement déclinée du chef de l’État, ils n’ont pas le choix. Mais que gagneront-ils dans le dialogue ? Ce qu’ils gagneront vaudra-t-il ce qu’ils perdront ? C’est la question quasi dilemmatique à laquelle ils feront face ; pour paraphraser l’auteur de L’aventure ambigüe, il n’y a pas de tête lucide face aux termes du choix ! Ce que gagneront Karim et Khalifa, c’est de voir leurs candidatures légalisées. C’est une certitude. Ce que Karim gagnera en plus, c’est la fin de son exil forcé, et de facto non de jure, l’effacement des sommes (138 milliards de francs CFA) qu’il reste normalement devoir aux contribuables sénégalais après décision de justice ; il ne gagnera pas plus, autrement dit, il n’aura pas de révision de procès comme il le souhaite. Ce que gagnera le président sortant en échange, c’est l’acceptation a postériori par ces derniers de sa 3e candidature, laquelle est a priori illégale et illégitime. Ce que gagnera en plus le président et avec lui, surtout ses proches qui seraient présument auteurs de délits économiques, c’est l’absolution définitive de faits potentiellement délictuels, et par conséquent, l’impossibilité d’éventuelles poursuites, grâce à une loi d’amnistie dont la portée sera étendue – pour raison – au-delà de la période couverte pour les faits dont on accuse Karim et Khalifa. En balayant devant les portes de Karim et Khalifa, le président en profitera donc pour nettoyer son arrière-cour. Et les honneurs (pardon les déshonneurs) seront saufs ! Ce que perdront Karim et Khalifa en revanche, et avec eux le président, c’est en quelque sorte, une délégitimation populaire définitive de leurs candidatures en apparence négociées aux prix de compromissions douloureuses qui les placeraient devant le jugement du NOUVEL ELECTEUR, à la place peu enviable de « dealers » déconnectés d’une société en pleine mutation technologique, démographique, sociologique et politique. Eh oui, on ne peut tout obtenir dans la vie, tous les choix ont leur revers, il faut savoir faire les bons à temps opportun. Comme disait l’autre, en politique, c’est comme en amour, « toutes les fautes s’expient et bien peu se réparent ».
Ndiaga Loum, professeur titulaire, UQO
Ndiaga Loum, professeur titulaire, UQO
5 Commentaires
#Focus 2024
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En Mai, 2023 (14:32 PM)#Focus 2024
Mane Mi
En Mai, 2023 (12:48 PM)Pulke
En Mai, 2023 (12:49 PM)Sutura
En Mai, 2023 (14:56 PM)Nous sommes entrés dans une "année électorale". Dans moins d'une année vont se tenir la présidentielle. La situation politique actuelle tendue exige que les acteurs politiques quelque soient leur bord politique se parlent pour que nous allions à des élections présidentielles apaisées, ce qui est très important.
La situation politique d'aujourd'hui me paraît moins tendue que celle de 1992/94. Pendant ces années, le pays a connu des moments de tensions extrêmes sans heureusement trop de violence, mais tendue quand même. L'opposition politique occupait la rue et on était entré dans un cycle de manifestations interdites et de répressions. Mais le Président Diouf au pouvoir, conscient des difficultés du pays et de la tension politique appella l'opposition à une rencontre. Il saisit l'occasion d'une fête d'Eïd-El-Fitr pour lancer son appel au dialogue. S'adressant à la nation un soir dans un discours radio-télévisé sur les ondes de l'Orts, il demandera directement au leader de l'opposition de l'époque de le rencontrer par ces paroles que nous retenons tous encore : "Je lance un appel au leader de l'opposition parlementaire Me Abdoulaye Wade à me rencontrer pour qu'ensemble dans une concertation, nous puissions trouver LES VOIES ET MOYENS DE SORTIR CE PAYS de la crise politique où il se trouve...". C'était ce fameux appel au dialogue politique de la Korité.
Regroupé au sein d'un cadre unitaire qu'était la Conférence Nationale des Chefs de Partis de l'Opposition (CONACPO) à l'époque, le PDS (Parti Démocratique Sénégalais/ Parti Libéral) et ses alliés croyaient voir dans cette adresse présidentielle un piège pour diviser l'opposition et casser son cadre unitaire. Le grand débat ensuite s'est résumé dans tout le pays à cette question : faut-il y aller, y répondre ou pas ? De l'avis de plusieurs chefs de partis de l'opposition, il ne fallait pas répondre à cet appel de Diouf au dialogue. Mais Me Wade prit son courage à deux mains et répondit à l'appel de Diouf après avoir parlé à ses alliés de l'opposition et informé toutes les fédérations du parti dans le pays où des missions du directoire du parti furent dépéchés pour informer responsables et militants à la base. Il se rendit lui Wade ensuite au Palais, fort du soutien de son parti et de quelques alliés de l'opposition (pas tous).
Cette rencontre inoubliable s'ouvrit sur des discussions sur le code électoral. À cet effet, une commission cellulaire fut créée et confiée à un éminent juriste de ce pays. Des discussions furent engagées et inclusives qui permirent à des experts et techniciens du droit de ce pays et à des chargés des questions électorales des partis politiques du pouvoir et de l'opposition de discuter ensemble.
Même si par la suite, il y a eu des désaccords importants, on peut quand même reconnaître que la tension avait baissé et le pays s'était remis tranquillement au travail. Un éminent juriste et son groupe avaient bien travaillé pour donner au pays un code presque parfait...
C'est cela l'importance d'un dialogue dans un pays quand tout semble politiquement bloqué. Il faut le faire pour l'amour du pays en écartant toute crainte. S'entourer aussi de précaution si on est en proie à un doute quelconque, mais le faire pour le Sénégal.
Mais il serait bon dans ce pays, pour une fois, que pouvoir et opposition se rencontrent et se parlent.
C'est pourquoi, nous pensons que les chefs de partis du Ben Bokk Yakkar, Mr Ousmane Sonko et son parti, Bougane Gueye Danny et son parti, Khalifa Sall, Barthélémy Dias, Déthié Fall et leur parti, le PDS en tant que parti répondent tous à cet appel du président de la république. Cette rencontre avec le Président SALL et les autres décrisperont la situation politique dans ce pays. Le faire serait aussi un acte patriotique.
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