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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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LA CACAHOUETISATION DU SEXE

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LA CACAHOUETISATION DU SEXE
Tout petit, le sexe était non seulement un tabou pour nous le bas âge mais il était comme une maison hermétiquement fermée aux « étrangers » ou intrus. Il nous fallait parfois parcourir des kilomètres pour trouver le sésame afin d’entrevoir ce qui pouvait apparenter au sexe féminin : les cérémonies regroupant la gent féminine. Le simple fait de le voir chaud sur image risquait de provoquer une crise épileptique chez la génération d’avant-internet. Apercevoir le haut de la cuisse n'en parlons surtout pas. Ça pouvait tuer. Les lieux d’observation de ces albums pornographiques qui existaient comme seuls supports et moyens d’évasion sexuelle étaient les bâtiments en construction. Nos salles de cinéma, nous les mineurs. Ces réceptacles de petits voyous que nous fûmes. Aujourd’hui, l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication a brisé toutes les barrières qu’avaient dressées les us et coutumes. C’est la fin des tabous et de la pudeur. Cap sur la génération sans vergogne.

Dans ma tendre jeunesse, le sexe ne courait pas les rues. Il était confiné intramuros ; dans le plus discret milieu social. Et ce n’était qu’un domaine réservé uniquement aux mariés initiés en la matière dans la plus grande faveur matrimoniale. C’était un sujet tabou même pour les célibataires les plus endurcis. Seuls les inscrits sur les registres matrimoniaux avaient droit au chapitre sexe. Tout célibataire qui osait disserter sur le sujet était pris pour effronté et regardé du mauvais œil.

Tout-petits, le « laabane » (chanson salace au lendemain de la première nuit nuptiale) et le « khakhar » (chanson salace accompagnant la mariée au domicile conjugal) aiguisait notre curiosité de connaitre ce qui se cachait derrière ce « graal » sensuel. De la vraie pornographie orale qui berçait nos oreilles de petits ignares sexuels et qui faisait sauter de joie les petits intrus et saï-saï que nous fûmes. Et, les séances de tam-tams organisées à ces occasions étaient le moment idéal pour nous de vivre l’érotisme dans son expression la plus platonique.

Espiègles, nous occupions une place à part entière dans l’enceinte du « sabar » (séance de tam-tams). L’emplacement idéal pour pouvoir voir le déroulement normal du dialogue entre les batteurs et les danseuses. Après les acteurs principaux (les batteurs de tam-tams et les danseuses), nous venions en tant que troisième larron pour assister à ce tutoiement. Les uns jouaient des mains et les autres, des pieds tandis que nous, nous dodelinions de la tête, tels des cameramen en proie à des images à immortaliser. L’entrejambe des danseuses était notre seul objectif. Le point de mire pour ainsi dire. Pourvu de voir ce qui pouvait nous donnait une chair de poule !

- « Thiagabeuggoulkouyoom » lançait guéweulMbaaye (le tambour-major), le tama sous l’échelle.

- « Guindakhtaguine » répondaient les autres tambourinaires.

Et les valseuses, à l’image de juments déchainées, entraient une à une dans l’enceinte pour exécuter des pas de danse endiablés qui laissaient entrevoir parfois des sous-vêtements qui mettaient tous les spectateurs en liesse.

Ndeysane, voyeurs en herbe, nous ne comprenions rien des jubilations qui déchirèrent l’atmosphère. Nous attendions notre tour, le moment propice pour vivre le sexe au chaud-chaud. C’était le « ndaattsaay » qui mettait le sabar sens dessus dessous et c’était également l’occasion pour nous d’imiter les coups de rein du tambour-major sur les danseuses qui osaient s’approcher de lui. Il nous arriver aussi, dans ce tohubohu, de voler du plaisir sexuel en tâtant les fesses des dames, wourandians urbaines, qui se donnèrent follement en spectacle.

L’érotisme s’arrêtait juste dans l’enceinte du sabar.    

Sous nos 17 ans, nous nous retrouvions entre amis dans nos repaires pour nous délecter de sexe à travers des romans arlequins, des albums pornographiques, des périodiques du genre Union… vendus sur le marché noir. Nous avions une admiration pour S.A.S (Son Altesse Sérénissime) Malko Linge, le galant. Celui qui croquait la vie à belles dents.

Dans les années 90, nous, adolescents, ne disposions que de textes écrits qui, au-delà de ce qui pouvait nous faire monter l’adrénaline et nous mettait sous une température de 45 degrés Celsius, participaient au développement de notre culture générale. Le sexe était du figé (littérature + images) et parfois de l’imaginaire. Le sexe « vivant » ou en mouvement était réservé aux plus aguerris. Et là où il était permis en public c’était le cinéma. Dès lors, en tant que mineurs nous étions exclus d’office du visionnage du plaisir charnel qui réunissait ceux qui étaient plus ou moins en mal d’amour. Il était hors de question pour le législateur de dévergonder l’enfance. Les films pornos, c’était du « interdit aux moins de 18 ans ». L’entrejambe féminin était « yawmalkhiyam » pour nous. Célibataire, il fallait mourir et ressusciter en couple légitime pour goûter aux délices du sexe, ce bonbon sans sucre ni sel.

Aujourd’hui, avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, nous assistons à la cacahouétisation du sexe. Grâce à l’électronique, cette partie du corps où le soleil ne darde jamais ses rayons est à la portée de tous. Comme de petites cacahouètes, il fait l’objet de « valorisation » par les enfants digitaux. Ainsi, il est à tout bout de champs, il est à la portée générale. Un tout petit clic suffit pour s'en servir. A l’école, sur les lieux de travail, au restaurant, à la gare, à l’aéroport, aux abords des sanctuaires, les images sexuelles flottent dans le but d’assouvir des besoins libidinaux inavoués et parfois juvéniles. Le sexe est banalisé et son mythe est tombé comme les poils d’un pubis chauve. Khalass ! Le « oubbilmbarkandiaye » alléchant des belles danseuses sénégalaises qui n’était qu’une fausse alerte à l’endroit des « sexophiles » bavant sur le pourtour des séances de tam-tams est systématiquement remplacé par le « wooysamandèye statut doom ». Plus salace que le contenu des portables des « enfants numériques », on n’en trouve pas.

Patricia GREENFIELD, avertit déjà en 2005 que les réseaux sociaux, qu’on présente comme un espace de partage des savoirs et de discussion, n’est en fait pour les adolescents qu’un immense « pornoland ».  Les jeunes sont constamment en contact avec des contenus sexuels ou pornographiques. L’internet est devenu le lieu d’harcèlement propice pour les vagabonds sexuels.

Tous les prédateurs sexuels qui avaient la difficulté de trouver du gibier, ont vu le sentier débroussaillé par Facebook, Whatsapp, Instagram, Tweeter… et ils s’y sont engouffrés fièrement. A longueur de journée ils guettent les naïves qui hasarderaient à pointer le bout du nez.  L’interaction qu’offrent les réseaux sociaux aidant, les adolescents et surtout les filles, prennent l’internet comme un moyen d’échapper au contrôle parental. Ils prennent à la légère les avances qui leur sont faites sur le net et beaucoup finissent par être violés, d’autres poussés au suicide par la divulgation de leurs vidéos compromettantes.

L’internet a fini de plonger certains adolescents précocement dans les réalités de la vie sexuelle avant l’âge requis. Bilay, si l’on n’y prend garde, il risque de faire sauter les verrous sociaux et corrompre toute la jeunesse.

Cheikh Ahmed Tidiane DIOUF



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