Ma conviction sur une vision plurielle de la pratique religieuse, à travers une lecture multiple des textes fondamentaux de l’islam, remonte à mes premiers jours de fonction, comme Imam de la Grande mosquée de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, il y a de cela, 20 ans.
A mon avis, c’est manqué de connaissance profonde de l’Islam que de vouloir limiter l’interprétation des textes à une logique binaire de vrai ou faux, bon ou mauvais, halal ou haram, sans la précaution du « selon » qui souvent, peut permettre d’éviter des raccourcis dans le jugement sur les uns et les autres; un jugement qui ne sied pas d’ailleurs : (Coran 88/22) Tu n'as pas d'autorité sur eux. (Coran 17/54) Et nous ne t’avons pas envoyé entant que garant.
Ainsi, sur les questions liées aux Ibaadats (actes d’adoration) et c’est de cela qu’il s’agit, les caractères religieux d’abord, donc individuel, et de transcendance ensuite, font de la conviction personnelle un élément fondamental sur la considération ou non d’une information pour l’accomplissement ou non d’un acte d’adoration. (Coran 5/105) O les croyants ! Vous êtes responsables de vous-mêmes ! Celui qui s'égare ne vous nuira point si vous avez pris la bonne voie. C'est Vers Allah que vous retournerez tous ; alors Il vous informera de ce que vous faisiez.
Partant, nul ne peut, dans l’islam, contraindre quelqu’un à adopter une position religieuse dont il n’est pas convaincu. La seule issue qui vaille donc, est la tolérance et l’ouverture d’esprit pour cultiver l’unité en dépit de nos différences.
S’agissant de l’observation du croissant lunaire pour la détermination des dates religieuses musulmanes, la problématique sur l’unité des horizons ou leur divergence, ainsi que la possibilité ou non d’utiliser le calcul astronomique, alimentent les ouvrages des savants musulmans depuis les premières heures de l’expansion de l’Islam. Cette divergence a donné naissance à plusieurs écoles : les écoles Hanafite, Malikite et Hanbalite dans leurs majorités défendent l’unité des horizons (wahdatoul mataali’)1, tandis que l’école Chaafiite défend la différence des horizons (Ikhtilaafoul matali’)2. L’usage du calcul scientifique aussi est soumis à la même difficulté. Lorsque certains savants célèbres, à l’image de As subki (8ième Siècle/H), Ibn Qutaiba (9ième Siècle/H), Rachid Rida et Ahmad Chaakir (contemporains) autorisent l’usage du calcul scientifique pour déterminer l’apparition du croissant lunaire, la majorité des savants de l’Islam (Al Jumhuur) l’interdit.
1 Wahdatoul mataali’ signifie la vision globaliste qui fait allusion à la considération de l’information sur l’apparition du croissant lunaire venant de tous pays musulmans.
2 Ikhtilaafoul matali’ signifie la vision locale qui ne considère l’apparition du croissant lunaire que dans une localité donnée.
De tout ce qui précède, nous pouvons comprendre que le choix des uns et des autres sur la question du croissant lunaire, ne peut être que libre, tant que cela respecte les principes sacro- saints de la religion. Toutefois, des pistes de réflexion pourraient permettre d’assurer l’unité organique de la Ummah sur une telle question.
De tout ce qui précède, nous pouvons comprendre que le choix des uns et des autres sur la question du croissant lunaire, ne peut être que libre, tant que cela respecte les principes sacro- saints de la religion. Toutefois, des pistes de réflexion pourraient permettre d’assurer l’unité organique de la Ummah sur une telle question.
Mais avant cela, une précision de taille s’impose :
« La vérité scientifique n’est pas forcément celle religieuse »
Pour étayer ce postulat, les cas suivants peuvent être cités :
- Un homme disposant d’un test de paternité issu des plus fiables laboratoires au monde, qui réclamerait son enfant à un couple qui se fait confiance à tel point de ne douter de la filiation de leur enfant; devant le juge, et en dépit de son test de paternité scientifiquement valable, serait condamné à 80 coups de fouet pour avoir accusé la femme d’autrui. La peine pourrait se durcir pour des situations aggravantes.
- Le deuxième cas, lié à la thématique, consiste au fait que tous les savants de l’Islam, de tous les temps (je n’en connais pas d’exception) sont unanimes que lorsque les autorités de la Mecque sur la base d’une scrutation de la lune décident du jour de Arafat (9ième jour du 12ième mois lunaire), c’est leur vision qui fait foi, même si des scientifiques prouvent le contraire. Et quiconque choisit un autre jour pour la station de Arafat se verra annuler le Hajj.
De ce fait, chercher à imposer coute que coute, une approche purement scientifique sur des questions religieuses, en dehors de toute autre considération, c’est manqué d’attention. Et une interprétation non référencée des versets du Coran ne saurait être cautionnée dans ce cadre.
Toutefois, l’islam adopte fortement la science, l’utilise même en cas de besoin ; cependant, le scientisme ne saurait être islamique.
S’agissant de la divergence au Sénégal sur l’observation du croissant lunaire, une première solution consisterait à faire accepter à tous, cette possibilité pour les croyants, sur la base d’interprétations différentes, de tirer des conclusions différentes, sans que cela n’altère l’amour réciproque, la fraternité religieuse et humaine qui sous-tendent les relations.
Une deuxième piste serait de faire un choix sur les deux options (unité des horizons et différence des horizons) pour statuer sur la partie sociale de la pratique religieuse, à savoir la célébration de l’Aid, sachant que chaque croyant pour la dimension personnelle de la pratique, jeûner ou rompre, se réfère à l’école de son choix. La mise en œuvre de l’option choisie devant faire l’objet d’un large consensus.
La troisième piste, serait de solliciter l’Organisation de la Coopération Islamique qui a dans ses missions, le renforcement de l’unité du monde musulman, pour soit inscrite en programme l’unité dans la détermination des dates religieuses dans le monde musulman ; un programme qui serait doté de moyens adéquats, humains, scientifiques et matériels pour aider les musulmans à s’unir sur la question. Cela peut paraître difficile au vu des enjeux de positionnement politique dans le
monde musulman avec ses pôles d’influence, sunnite (Arabie saoudite-Maroc), Chiite (Iran), Ibaadit (Oman), mais le défi est accessible.
En attendant que tout cela se réalise, célébrons nos fêtes dans la différence d’approche et l’unité des cœurs, chaque musulman agissant de par sa conviction forte et ses choix, laissant à l’autre le bénéfice du doute.
Que le Bon Dieu, Omniscient, Unique et Magnanime envers ses serviteurs accepte nos efforts dans la recherche de son agrément.
- Un homme disposant d’un test de paternité issu des plus fiables laboratoires au monde, qui réclamerait son enfant à un couple qui se fait confiance à tel point de ne douter de la filiation de leur enfant; devant le juge, et en dépit de son test de paternité scientifiquement valable, serait condamné à 80 coups de fouet pour avoir accusé la femme d’autrui. La peine pourrait se durcir pour des situations aggravantes.
- Le deuxième cas, lié à la thématique, consiste au fait que tous les savants de l’Islam, de tous les temps (je n’en connais pas d’exception) sont unanimes que lorsque les autorités de la Mecque sur la base d’une scrutation de la lune décident du jour de Arafat (9ième jour du 12ième mois lunaire), c’est leur vision qui fait foi, même si des scientifiques prouvent le contraire. Et quiconque choisit un autre jour pour la station de Arafat se verra annuler le Hajj.
De ce fait, chercher à imposer coute que coute, une approche purement scientifique sur des questions religieuses, en dehors de toute autre considération, c’est manqué d’attention. Et une interprétation non référencée des versets du Coran ne saurait être cautionnée dans ce cadre.
Toutefois, l’islam adopte fortement la science, l’utilise même en cas de besoin ; cependant, le scientisme ne saurait être islamique.
S’agissant de la divergence au Sénégal sur l’observation du croissant lunaire, une première solution consisterait à faire accepter à tous, cette possibilité pour les croyants, sur la base d’interprétations différentes, de tirer des conclusions différentes, sans que cela n’altère l’amour réciproque, la fraternité religieuse et humaine qui sous-tendent les relations.
Une deuxième piste serait de faire un choix sur les deux options (unité des horizons et différence des horizons) pour statuer sur la partie sociale de la pratique religieuse, à savoir la célébration de l’Aid, sachant que chaque croyant pour la dimension personnelle de la pratique, jeûner ou rompre, se réfère à l’école de son choix. La mise en œuvre de l’option choisie devant faire l’objet d’un large consensus.
La troisième piste, serait de solliciter l’Organisation de la Coopération Islamique qui a dans ses missions, le renforcement de l’unité du monde musulman, pour soit inscrite en programme l’unité dans la détermination des dates religieuses dans le monde musulman ; un programme qui serait doté de moyens adéquats, humains, scientifiques et matériels pour aider les musulmans à s’unir sur la question. Cela peut paraître difficile au vu des enjeux de positionnement politique dans le
monde musulman avec ses pôles d’influence, sunnite (Arabie saoudite-Maroc), Chiite (Iran), Ibaadit (Oman), mais le défi est accessible.
En attendant que tout cela se réalise, célébrons nos fêtes dans la différence d’approche et l’unité des cœurs, chaque musulman agissant de par sa conviction forte et ses choix, laissant à l’autre le bénéfice du doute.
Que le Bon Dieu, Omniscient, Unique et Magnanime envers ses serviteurs accepte nos efforts dans la recherche de son agrément.
Déwénati à tous !
Ismaila NDIAYE
Analyste-chercheur
Membre du bureau de la ligue des imams et prédicateurs du Sénégal (LIPS) ismandiaye777@yahoo.fr
Analyste-chercheur
Membre du bureau de la ligue des imams et prédicateurs du Sénégal (LIPS) ismandiaye777@yahoo.fr
4 Commentaires
Djibson
En Avril, 2023 (14:18 PM)Pourquoi nioun rek niooy roy? Si ça nous servait sakh. Waaye on est ndaare partout. Peut-être que adiana pour nioun la. Ce n'est pas assuré.
Reply_author
En Avril, 2023 (14:55 PM)Oummah
En Avril, 2023 (15:09 PM)Participer à la Discussion