(Suite). 1987 marque un premier tournant avec la première Intifada (soulèvement populaire des jeunes, avec jets de pierres, dans les territoires occupés), mais aussi par la naissance du Hamas, un « mouvement de résistance » dont le but, est, rien de moins que « l’élimination de l’Etat d’Israël et la libération de la Palestine ». On voit, tout de suite, qu’elle contraste avec l’amendement de la charte de l’Olp (1988) qui déclare « caduc » la destruction d’Israël, pourtant inscrite, à l’origine, dans sa « constitution » en 1968.
C’est la première fracture entre l’aile « dure » de l’Olp (le Hamas) et la branche modérée (le Fatah). Elle se ressentira négative dans l’évolution du conflit. C’est un second tournant. Paradoxalement, c’est aussi une période de dégel, qui sera intimement liée aux facteurs limitant la paix.
L’Olp fléchit sa ligne politique en renonçant à la lutte armée. Ce qui facilite la « Déclaration commune » de 1988 qui marque les bonnes intentions des deux communautés, avec l’aide du secrétaire d’Etat américain, James Baker. Elle est suivie de la Conférence internationale sur le Moyen-Orient, à Madrid, le 30 octobre 1991, dans laquelle Shamir fit preuve de mauvaise volonté, malgré les pressions américaines. Néanmoins, Madrid constitue une étape importante du processus qui mène à Oslo, en 1993.
Sur cette lancée, certains observateurs voient en l’abrogation, en 1991, de la résolution 225 de l’Onu de 1975, assimilant le sionisme au racisme, un signe d’encouragement à l’Etat hébreu, par la communauté internationale, au processus d’Oslo, entre 1991 et 1994.
Oslo marque un tournant dans le conflit. Et pour cause. Itzhak Rabin et Arafat y signe un accord qui exprime leur intention commune de jeter les bases d’une autonomie relative des territoires palestiniens, prélude à la constitution d’un véritable Etat. Pour le dire autrement, Israël reconnaissait aux Palestiniens le droit à un Etat, et l’Olp comme le seul mouvement légitime des Palestiniens. En contrepartie, Arafat reconnait à Israël le droit à disposer d’un territoire. Conséquence : l’Etat hébreu quitte Gaza et certains territoires occupés. La police palestinienne formée, remplace les troupes de Tsahal.
Les concessions réciproques de Rabin et d’Arafat leur valent le prix Nobel, en 1994 (comme Bégin et Sadate en 1979), mais vont se heurter aux résistances de leur propre communauté. Pressentant l’imminence du drame, Arafat aurait avoué à Shimon Perez, aux lendemains des accords : « Vous avez fait de moi l’homme le plus détesté de la terre ». Rabin, lui, était l’homme à abattre, et va en payer le prix fort. D’abord, lors de la remise du prix Nobel, une centaine de Palestiniens est tuée, dans les territoires occupés, par un juif, David Bernstein.
Ensuite, le 4 novembre 1995, Rabin est assassiné par un autre illuminé juif, Ygal Amir, qui dit avoir agi « sur les ordres de Dieu », et bénéficie de la sympathie des Rabbins et des milieux conservateurs, qui voyaient en Rabin, après Oslo, « un ennemi du peuple juif ». Benyamin Netanyahou, candidat de la droite est élu en mai 1996. En homme averti (son prédécesseur a négocié la paix et a perdu la vie), il revient sur les accords en durcissant la position israélienne, par l’implantation de nouvelles colonies (6000) autour de Jérusalem. II venait de tuer le processus de paix d’Oslo.
« Camp David II » se solde par un échec, en juillet 2000. La visite d’Ariel Sharon, sur l’Esplanade des mosquées, et l’implantation de colonies, déclenchent une seconde Intifada. En 2001, l’Onu convoque la 3e conférence internationale contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance, à Durban. Les travaux sont submergés par les revendications des différentes communautés de la planète, marquées ou non, dans leur histoire, par ces formes de discriminations citées.
Trois faits majeurs sont notés: D’abord les Africains qui n’ont pu avoir gain de cause pour ce qui est des réparations de l’esclavage, se contentent de sa condamnation comme « crime contre l’humanité ». Ensuite, outre des actes et propos manifestement antisémites, certains participants voulaient déterrer la résolution 225 de l’Onu sur l’équation entre racisme et sionisme pour la mettre au goût du jour. Ulcérés, la délégation américaine (conduite par Condoleeza Rice) et Israël, boudent les travaux. Enfin, la tension entre anciens colonisateurs et anciens colonisés, entre pays riches et pays pauvres, a amené le très sérieux journal Le Monde à titrer : « Un problème Nord /sud s’invite à Durban ».
Arafat, qui n’était plus vu comme interlocuteur valable par Israël et les États-Unis, et son quartier général est bombardé en 2002, meurt, isolé et affaibli, en 2004, après 35 ans passés à la tête de l’Olp. II est remplacé par Mahmoud Abbas. Durant sa vie, il a échappé aux attentats et sa position conciliante à Oslo l’a beaucoup fragilisé devant le Hamas.
Ces considérations historiques, en guise de propédeutique, peuvent nous aider à pister les apories, mais aussi, très modestement, à dégager les pistes d’une paix qui tarde encore à s’installer.
1° La paix. Elle ne peut se faire que par la neutralisation des extrémismes. D’un côté, comme de l’autre. Oslo l’a démontré. Ce sont, d’abord, les ultras des deux camps qui minent le terrain de la paix.
A/ Côté israélien, l’histoire montre que les différents leaders de la droite (le Likoud) prônent une fermeté aussi bien militaire que diplomatique. IIs sont appuyés en cela par les milieux religieux et conservateurs (ultra-orthodoxes), adossés à une vision millénariste, et obnubilés par une conception quasi religieuse et mythique d’«Eretz Israël » (Israël éternel) ; celui que les Pères fondateurs ont établi sur les ordres de Yahvé.
Difficile en effet de discuter avec des fanatiques qui disent agir sous les ordres de Dieu. C’est comme discuter avec quelqu’un qui a une seule idée. Leur opposition à toutes concessions territoriales et à libérer les colonies, qu’ils occupent pourtant illégalement, n’est pas étonnante. IIs constituent dès l’origine, un facteur limitant à la paix. En somme, il faut libérer le Likoud de l’empreinte négative des ultras conservateurs.
B/ Côté palestinien, le Hamas s’est démarqué, dès sa naissance, de la nouvelle politique diplomatique (conciliante) de l’Olp (1988), et s’oppose au Fatah par la démarche. II maintient sa « ligne dure ». Bien que Tsahal l’ait étêté avec des assassinats ciblés, cheikh Yassine, Abdel Aziz-Al Rantissi (Khaled Mechaal, lui, a échappé de peu à l’empoisonnement), il est encore debout, telle l’hydre, avec plusieurs têtes. Sur le fond, en tout cas, sa philosophie de « mouvement de résistance » est légitime. Qui ne se braquera pas contre l’injustice ? Mais est-elle formellement efficace ? On en doute. Ses actions impulsent souvent une réaction disproportionnée de Tsahal. Cela s’est retourné contre lui dans le passé. En mai 1996, ce sont ses quatre attaques (60 morts) contre des civils israéliens qui ont « offert » les élections à Benyamin Netanyahou (droite). II manquait alors 25.000 voix à son rival, Shimon Perez (gauche).
Comme le montre l’histoire des idées politiques, les Israéliens ont pensé que leur souci sécuritaire est mieux géré par la droite que par la gauche. La conséquence, on l’a vu, c’est que Netanyahou allait enterrer Oslo. Mieux encore: ces derniers temps, les attaques à la roquette ont donné légitimité et popularité aux raids de Tsahal. Bien avant l’offensive terrestre, seuls 25% des Israéliens soutenaient la guerre. Après les actons du Hamas, ils étaient plus de 85%...
En outre, Obama, comme Bush, avant lui, soutient la résolution 1397 de l’Onu, de 2002, qui reconnait, pour la première fois, la « vision dans la région de deux Etats, Israël et Palestine, vivant côte à côte à l’intérieur de frontières reconnues et sûres ». Neutraliser les extrémismes lui permettrait, à coup sûr, de donner plus de confiance aux leaders arabes et juifs désireux d’aller de l’avant.
2° La Cpi. Présentement, les combats ont fait près de 1800 morts, côté palestinien, et 60, côté israélien. Le bombardement d’écoles, sous protection onusienne, a fortement ému la communauté internationale, jusqu’à amener l’Olp à vouloir traduire Israël devant la Cpi. Peut-elle être entendue ? En fait, la Cpi est apte à juger les crimes « graves », à la seule condition que les tribunaux nationaux déclarent leur incompétence. Ces crimes sont de trois ordres : « crime de génocide » (art.6), « crime contre l’humanité » (art.7) ; « crime de guerre » (art.8). Or, comme c’est souvent le cas des Etats en guerre, Israël et les Etats-Unis n’ont ni signé, ni ratifié le Traité de Rome (juillet 2002). Ce qui rend la position palestinienne difficile.
A la limite, le « crime de guerre » qui prend en charge les Conventions de Genève (surtout la 4e), sur la « protection des biens et des personnes en temps de guerre » pourrait constituer indirectement un motif de recevabilité, avec le bombardement des écoles onusiennes abritant des civils palestiniens. Mais à condition qu’Israël ait signé et ratifié ces dits-Conventions (1949).
3° Armement : Amnesty International mène activement, aujourd’hui, une vaste compagne visant à arrêter le réarmement d’Israël, si c’est pour violer le droit international humanitaire. Mais le problème est que l’’Etat hébreu n’a ni signé ni ratifié de lois internationales visant à limiter ou à interdire le commerce des armes lourdes ou légères, à cause de ses besoins sécuritaires. II est vrai que les bombardements aveugles de Tsahal ont créé ruines, désolation, et un drame humanitaire inacceptable. Israël a certes le droit de se défendre. Mais ses réactions disproportionnées font des victimes collatérales qui exacerbent très fortement le sentiment antisioniste, souvent même, antisémite. D’ailleurs, Obama a demandé au Congrès un rallongement de 400 millions de dollars pour renforcer son bouclier anti-roquettes, jusqu’ici efficace à près de 90%.
4° Le Hamas et l’Anc. Certains ont tenté un rapprochement, peut-être, hâtif entre ces deux mouvements historiques de libération. Dans le fond, la philosophie est la même, et même, dans la forme, sur certains côtés. Mais le contexte n’est pas le même. L’Anc n’a pas mis fin à l’apartheid. II y a certes contribué. C’est la pression internationale, inscrite sur la durée, avec l’embargo économique et sportif, qui a été déterminante. De plus en plus isolée, et prise à l’usure, l’Afrique du sud a été finalement lâchée par ses alliés occidentaux. Ce n’est pas le cas, aujourd’hui, pour Israël, dont la forte diaspora en Occident, influe, fortement, par le lobbying, sur la politique extérieure de l’Europe et des Etats-Unis. Ce n’est pas donc la même chose. D’où encore, le scepticisme par rapport à la forme de lutte du Hamas. Israël est loin d’être affaibli et isolé.
5° La gauche israélienne. Malgré ses « 7 péchés capitaux», Israël est l’une des démocraties les plus avancées au monde. La liberté religieuse, de parole et de pensée y est fortement ancrée. De nouveaux alliés de la paix y émergent, les intellectuels et mouvements de gauche, et entendent amener l’Etat hébreu à plus de raison. Dans le sillage de la « contre-histoire » née dans les années 90, de plus en plus d’intellectuels israéliens s’intéressent de près au sémitisme et au sionisme, leurs ambiguïtés, leurs apories et dérives, voire même leurs « mensonges », afin de donner une meilleure appréciation de l’identité juive.
En fait, il s’agit d’une sorte de « contre-culture » qui sort du « politiquement-correct », et loin de la douteuse équation entre antisémitisme et antisionisme. Des auteurs, comme Norman Finkelstein « L’industrie de l’holocauste : réflexions sur l’exploitation de la souffrance juive » (2001), et Shlomo Sand « Comment le peuple juif fut inventé ? » (2010), y ont fortement contribué. Leurs thèses sont fortement étudiées, disséquées et commentées dans les milieux universitaires hébraïques et américains. Les débats contradictoires, donc constructifs, qui en découlent, ne peuvent être que bénéfiques aux prises de conscience qu’ils peuvent autoriser.
II demeure clair donc que ces réflexions, ce « bruissement de la pensée », au sein de la culture juive, peuvent susciter une lente et progressive évolution des idées vers une appréciation plus correcte des relations fondées sur les « vérités de l’histoire », qu’Israël doit forcément entretenir avec le monde arabe, et par-delà, avec la communauté internationale. (Fin).
*Professeur de philosophie et de sciences politiques.
*Ancien chargé de programme à Amnesty International.
*Ancien consultant à l’Unesco.
<71>ndiakhatngom@gmail.com
11 Commentaires
Bof.....
En Août, 2014 (13:32 PM)Cheikhdiouf
En Août, 2014 (13:48 PM)Malinke Warrior
En Août, 2014 (13:50 PM)Totene
En Août, 2014 (20:50 PM)Nous méprisons nos propres morts quand les bourreaux sont les islamo-nazis. Pire, nous nous mobilisons dès qu'on touche un seul de leurs cheveux. Pourquoi? Une vie a-t-elle plus de valeur qu'une autre?
Sous
En Août, 2014 (21:04 PM)Boy Virginia
En Août, 2014 (21:26 PM)Qui ne connait pas lhistoire de la creation d Israel sur les terres de la Palestine grace a l aide de la grande bretagne.
Tu na fait que copier .
Ndoye New York
En Août, 2014 (22:23 PM)@israelpalestine
En Août, 2014 (00:09 AM)M. le Professeur dans la première partie vous parliez d'un conflit millénaire, il fallait remonter plus loin que 1948.
Arabes et Israéliens sont des cousins. En effet, Ismaël fils de Abraham et de Agar, est le demi-frère de Isaac dont la mère est Sarah. Tous les Arabes descendent de Ismael alors que les les Hébreux ou Bani Israel descendent de Jacob qui est le fils de Isaac. Israel c'est l'autre prénom de Jacob.
Pour les temps modernes, la création de l'Etat d'Israel a été ébauchée en 1917 par la déclaration Balfour, appelant à la création d'un foyer national juif en Palestine, alors sous mandat britannique.
Israeliens et Arabes ont livré quatre (04) guerres 1948-1958-1967 et 1973.
NB: L'officier supérieur qui était chef d'Etat major de l'armée israelienne en 1967 s'appelait Moshé DAYAN, il était Général et non Amiral.
Botta Fuggu
En Août, 2014 (08:31 AM)Eniabsembe
En Août, 2014 (11:27 AM)Ux
En Août, 2014 (04:35 AM)La Palestine est le seul camp de concentration à ciel ouvert toléré et promu comme tel par les occidentaux. La preuve par la Palestine que les valeurs de l'occident et de ses succursales négroïdes ne sont que mensonges éhontés. Aucune rhétorique tendancieuse et sophiste ne pourra jamais mettre sur un même pied d'égalité les humanoïdes qui bombardent des hôpitaux et les femmes en couches et leurs nouveaux-nés exterminés, ni les élèves partis étudier ou se réfugier dans des écoles gérées par l'ONU et qui ne reverront jamais leurs parents. Les tueurs, les exterminateurs de civils en masse et d'enfants sans défense ne peuvent trouver de défenseurs et d'alliés que parmi les leurs. Pour le reste, les humains ne trouveront jamais assez de mots pour dénoncer les monstres impunis et protégés par ceux qui prétendent incarner les valeurs de liberté, de dignité, de justice, d'égalité et d'intégrité du genre humains. Trêve de bavardage, les enfants morts exigent le silence et la décence!
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