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Hommage à Lamine Konté : Grand musicien Sénégalais,

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Hommage à Lamine Konté : Grand musicien Sénégalais,

Hommage à Lamine Konté : Grand musicien Sénégalais,

Par M L Sagna Re-Source / Sununet

 

 

Au risque d’orage de la polyphonie des langages

Il se trame un peuple de lumière et de parole.

Au point de chute du grenier céleste

Dans un morcellement d’infini

Il se trame un peuple de lumière et de parole.

Au point de chute du grenier céleste

Dans un morcellement d’infini

 

Nicole Barriere, CORPS DES ACCORDS, PRINTEMPS DES POETES 2003

 

 

Lamine Konté est mort !!!

 
Un autre éminent membre de Re-Source Sununet est décédé. Décidément, cette année aura été difficile pour nous tous. Mais remercions Dieu pour sa miséricorde infinie !
Ce soir là, le  décalage horaire aidant,  j’ai été surpris d’entendre la voix de mon ami Saidou. « Boy ! » me dit il « Lamine Konté est mort ! » Ma première réaction fut le regret de ne pas avoir suggéré qu’on lui attribue un prix en même temps que les lauréats de la citoyenneté de notre organisation Re-Source / Sununet, cette année. Ces prix nous les avons donnés  aux  artistes Ousmane Sow (sculpteur), Touré Kunda et Youssou Ndour (Musiciens), et d’autres grandes figures  citoyennes de notre pays, lors de notre manifestation « Retour aux sources » (ou « Homecoming ») qui s’est tenue à Dakar, du 30 Juillet au 1 Août.

A la vérité, nous envisagions d’attendre notre prochain « retour aux sources » (Homecoming) pour rendre hommage à cet artiste célèbre qu’était Lamine Konté, ainsi qu’à d’autres figures artistiques, culturelles, scientifiques, techniques de notre pays et du monde. Lamine Konté méritait bien cet hommage, pour sa dévotion et son engouement pour notre  organisation. Raison pour laquelle, nous aimerions lui attribuer un prix à titre posthume. C’est l’un des tous premiers artistes que nous avions sollicité pour un arbre de Noel aux enfants d’immigrés à Paris. Il répondit non seulement favorablement, mais aussi voulait devenir tout de suite membre de notre association après que nous lui ayons expliqué notre vision, nos objectifs et démarches.

Nous essaierons humblement de décrire ici,  l’homme que nous avons eu le privilège d’approcher et de connaître.

Lamine Konté aimait se définir comme griot et aussi poète et conteur. Ce musicien hors pair, virtuose de la Kora et chantre de la Négritude, a mis au centre de son art, la vie collective des peuples noirs : les enjeux de la liberté, les urgences du développement, les malheurs et bonheurs de la diaspora noire. Mais, pour saisir, décrire et raconter la vision, le rôle et la fonction que Lamine Konté se donne de son art, il faudra sans doute revisiter sa discographie, les événements et éléments fondateurs de son art : la négritude.

Lamine Konté revendique sa fonction de griot c'est-à-dire de conteur, de musicien, de poète mais aussi de celui qui allait au front avec les guerriers. Comme les poètes de la négritude dont il a mis en musique  les poèmes, chantés et joués, Lamine Konté a été un ambassadeur infatigable de la culture négro-africaine en Europe, Amérique, Asie et Caraibes. Il a joué, mis en musique les poèmes de Senghor, de Césaire et de Gontran-Damas. Certes, beaucoup de musiciens ont essayé dans la mesure de leur art,  de jouer la poésie, mais seuls les poètes musiciens comme Lamine Konté l’ont réussi. Pour y arriver le musicien a revêtu son habit de poète.

En réécoutant hier sa musique, j’ai pensé à ces propos de griot recueillis par Djibril Tamsir Niane, et publiés dans son livre Soundjata ou l’épopée mandingue). « Depuis des temps immémoriaux…nous sommes des sacs à paroles, nous sommes les sacs qui renferment des secrets plusieurs fois séculaires. L’art de parler n’a pas de secret pour nous….par la parole nous donnons vie aux faits et gestes des rois devant les jeunes générations (fin de citation)…… »

Comme ce griot, Lamine Konté cherche à travers sa musique à effectuer une espèce de réorganisation des mondes. Son langage  musical comme le langage poétique qui nous amène vers toutes sortes de paliers, d'échelles et de significations différentes du monde, est un langage vital.  Ainsi, le poète Senghor qui a inspiré Lamine Konté, disait : « …Masques aux quatre points d’où souffle l’Esprit Je vous salue dans le silence ! Et pas toi le dernier, Soundjata, ancêtre à tête de lion » (fin de citation)…Ecoutez donc ces paroles de Djeli Mamadou Kouyaté, recueillies par Djibril Tamsir Niane : « Ecoutez ma parole, vous qui voulez savoir ; par ma bouche vous apprendrez l’histoire du Manding…Je vais vous parler de Maghan Soundjata, de Mari-Djata, de Sogolon Djata, de Naré Maghan Djata ; l’homme aux noms multiples contre qui les sortilèges n’ont rien pu ( fin de citation). »

Remarquez que le discours poétique ressemble au discours du griot.  Rappelons-le, à l’origine, le griot est l’historien, le modérateur, le conseiller du roi. D’ailleurs le mot guewel en wolof ne signifie t’il pas celui qui rassemble (dans le guew). Le griot allait à la guerre et par ses paroles, donnait courage aux autres guerriers. Raison pour laquelle, certains ont tort de voir ces corporations comme des castes inférieures. Chaque individu-famille, était un maillon indispensable qui permettait à la société de s’organiser. Ce n’est pas une organisation hiérarchique comme certains font croire aujourd’hui. 

Ce support de la mémoire et des paroles qu’est le griot, est aussi le conservateur des documents anciens. En cela, l’historien D.T Niane a eu raison de montrer l’importance des sources orales. La façon dont le griot traite « artistiquement » les modes d’incorporation  des objets et/ou les expériences africaines par les contes et la musique, participe de l’éthique et de l’esthétique.

Ainsi,  lorsqu’on fait le lien entre la façon dont les paroles des poètes de la négritude et celles des griots sont exprimées, on peut mieux comprendre comment chez les artistes, les émotions qui peuvent provenir d’expériences vécues, de demandes, de vison du monde, peuvent se manifester sous forme d’excès ou de réserve (par exemple le tableau « carré blanc sur fond blanc » par Kasimir Malévitch en 1918). Chez l’artiste, les ressources de l’expérience vécue et de l’imaginaire sont exprimées, rendues possibles, médiatisées, canalisées, déplacées, jouées ou dupées, complexifiées, raffinées, par des combinatoires potentiellement infinies des systèmes symboliques (systèmes de signes, langages, don, monnaie, etc.). Ce sont ces ressources imaginaires et symboliques que Lamine Konté puise son inspiration. A travers son instrument, la Kora, il exprime des métaphores du beau et donne à voir les symboliques du bien et du vrai. Le musicien-poète ne s’exprime pas simplement pour faire plaisir (l’esthétique) mais aussi pour dire le vrai et du bien (l’éthique). Ecouter la musique de Lamine Konté ce n’est pas simplement entendre les paroles, c’est aussi s’imaginer des gestes, des pratiques des peuples. Dans ces performances, il exprime à partir du corps, de l’existence physique, les domaines de l’expérience esthétique et éthique.

La musique de Lamine Konté nous fait vivre l’actualité de la mémoire africaine que certains aimeraient effacer. Voyez mon regard qui se tourne vers le Nord ! Certes, on peut avoir des réserves sur l’authenticité de certaines sources orales - car l’esprit humain qui garde le souvenir du passé peut amoindrir ou exagérer le sens d’un événement - mais elles font toujours  revivre des états de conscience.

Ainsi qu’importe si un clown dont les origines sont plus proches de l’Adriatique que de l’Atlantique, cherche à nous donner des leçons sur notre histoire ! Ce clown, dont les parents ont génétiquement modifié, avec la salive de « la fille aînée de l’Eglise », a cru bon de venir nous dire chez nous dans une université qui porte le nom d’un des gardiens de la mémoire : Cheikh Anta Diop. Ce clown, ignore d’ailleurs que la plus vieille Eglise du monde est en Afrique (en Ethiopie). En tout cas, si la France est la fille aînée de la plus vieille Eglise, alors elle est la fille de l’Afrique (de l’Ethiopie). Mais, désirons-nous cela ? Ou plutôt n’est ce pas le désir de la France d’être considérée comme la fille aînée de l’Afrique ?

Cher Lamine Konté,  rassures  toi, le désir refoulé de cette créature, est une vaine tendance. Son désir de l’Afrique sans mémoire est celui d'un objet perdu, d'une image rêvée. L’autre objet convoité, l’autre Afrique, celle que tu aimes et que tu as chanté « pousse et repousse patiemment» David Diop (Afrique), Tu peux compter sur ses fruits (nous) pour porter «l’amère saveur de la liberté » .

Repose en paix, cher ami. Puisse Dieu t’accueillir dans son Paradis le plus haut ! Amine !

 

CHANT DES GRIOTS/TRANSE

 

Une autre réalité se révèle

Lumière d’ailleurs

L’artiste au plein de la tempête

En crise du corps, de la langue, de l’amour

Emotion

Passion

Cicatrices et plaies profondes de l’universel

Rupture humaine

De l’unité saisi par le vide

Dans le temps convenu de l’évidence

Hérétique et sauvage liberté du sensible

Dans la vibration meurtrière d’une époque

Les postulats égalitaires :

esclave-homme libre

religieux-laïc

femme-homme

Poème solaire

D’un peuple de griots

 

Ils disent : regardez, regardez

Le film d’une mémoire

L’histoire brève et profonde

L’histoire intense de notre civilisation

 

Ils disent : goûtez, goûtez

La saveur exotique du malheur

Le grand festin des os

La moelle désirée de l’espoir

 

Ils disent : écoutez ecoutez

Les tambours mystérieux

Les sons de votre silence

Les sons de votre oubli

 

Ils disent : l’origine de la pensée

Le ordres sacrés descendus du ciel

Les masques perdus en poussière

Le vent transformé en tempête

La foudre en justice

 

Ils disent : l’artiste aux fers

L’artiste au feu

L’artiste au combat

 

Ils disent encore : l’eau va manquer

Les dons et les voyages

Les rassembleurs de troupeaux

Déplacements

Ils disent : je suis le premier et le dernier de mon peuple

L’histoire de ce tambour transformé en poème

La langue ancestrale des vivants et des morts

Les cascades et les ombres

Là où les peines  coulent d’une déchirure

La langue de feu où se perd le cosmos.

Ils disent :

Il se trame un peuple de lumière et de parole

Au passage attendu d’un homme

En tremblement de crépuscule

Il se trame un peuple de lumière et de parole.

Au point de chute du grenier celeste

Dans un morcellement d’infini

Nicole Barriere, CORPS DES ACCORDS, PRINTEMPS DES POETES 2003

 

 

 

NB. Re-Source Sununet a décidé de donner à Lamine Konté, la grande Médaille de la Citoyenneté



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