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Hommage à Alcinou Da Costa

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Hommage à Alcinou Da Costa

Ce mardi 30 août 2001, l’âme d’Alcinou Louis Da Costa, mort à Paris, enterré à Dakar le 7 septembre, est retourné au ciel. Et voilà que se referme une des pages les plus fécondes du journalisme africain du temps présent. Il aurait eu 72 ans le 23 septembre. Nous n’entendrons plus sa voix pleine et chaleureuse.

 

Cet homme si vigoureux nous avait tellement habitué à sa puissance de travail que nous pensions tous qu’il était fait de fer. Et voici qu’au début de l’an 2011, les boulons qui chevillaient son grand corps valide se mirent à sauter l’un après l’autre. Jusqu’au dernier, ce jour fatidique du 30 août. Et voilà Juliette, sa si digne épouse, au regard si doux, à la beauté si éclatante, au courage si exemplaire, seule. Tellement seule...

 

Dès sa maladie confirmée, Alcinou avait décidé d’en parler à ses proches et d’affronter le mal. Rarement, l’on aura vu quelqu’un aller vers la mort avec autant d’euphorie, de cette euphoria qui fait les grands croyants, cette «force pour supporter » au sens où l’entendaient les Grecs anciens.

 

Depuis sa mort, les témoignages de sympathie ne cessent d’affluer de partout. Il fallait être aveugle pour ne pas, en ces moments, faire sa part belle au journaliste d’exception. Non pas que les éloges faits au défunt ne soient pas fidèles au personnage qu’il a été, mais j’ai l’intime conviction que tous ont passé sous silence ce qui me semble le plus important.

 

Nul ne peut comprendre, en effet, le fil d’Ariane de la vie du défunt, saisir le combustible dont il brûlait, s’il n’a pas interrogé ses origines. Car si le fils d’Alvaro Da Costa et de Joana Gomes n’avait de cesse de rappeler sa « condition » de Sénégalais, fils d’immigrés Cap-Verdiens, né à Dakar au siècle dernier, c’était pour dire qu’il s’était fait à la force du poignet. C’est précisément ce qui expliquait le caractère entier de cet homme d’extraction modeste qui a été obligé de se construire grâce à une volonté sans relâche. Cela l’a conduit au goût du travail, à l’amour du savoir encyclopédique et au désir de l’action.

 

Interrompant ses études à la Faculté de droit de l’Université de Dakar, lui qui était un admirateur éperdu de Mamadou Dia, intègre, en juillet 1962, le Centre de Recherche et de Production pour l’Education et l’Information des Masses, rattaché à la Présidence du Conseil.

 

Une fois la rupture Dia-Senghor consommée, le voilà nommé Commissaire régional à l’information de la région de Diourbel en 1963. Il sera par la suite affecté à l’Agence de Presse Sénégalaise (APS) en 1966 après un furtif passage au ministère de l’Information. Entretemps, il avait, au cours de l’année 1965, appris le métier d’agencier au Centre International d’Enseignement Supérieur de Journalisme de l’Université de Strasbourg, puis au siège de l’Agence France Presse (AFP) à Paris.

 

C’est ensuite le quotidien Le Soleil, à la demande de Bara Diouf, qui l’accueille. Nous sommes en 1972 et Alcinou est au sommet de son art. Il obtînt son bâton de Maréchal en accédant, en février 1974, au titre de Directeur de publication du très catholique hebdomadaire Afrique nouvelle, qui ne paraissait plus plus depuis 18 mois. De ce maréchalat, l’on retiendra qu’il remît à flot le journal. On retiendra surtout l’audacieux et prémonitoire titre « Niger : c’est fait ! » qu’il mît à la Une du numéro dont la sortie précéda d’à peine quelques jours le coup d’Etat de Seyni Kountché en avril 1974 !

 

Quittant le journalisme de terrain, il débarque, en juillet 1981 à Paris où il plonge, comme un poisson dans l’eau, dans la grande machine intellectuelle qu’est l’UNESCO, alors sous le magistère d’un certain Amadou Makhtar Mbow. Là, Alcinou deviendra successivement Chef des services régionaux d’information, Chef de la section de la presse écrite, Chef de la Division de la presse, Chef de la division de la presse et de l’audiovisuel, Chef de la division de l’information régionale, puis Directeur de l’Office de l’information du public à son départ en retraite en 1999.

 

A l’UNESCO, il fait preuve de pragmatisme et de rigueur. Mais surtout, il se laisse aspirer par la tornade des réunions internationales où, à chaque fois, il fait parler son sens de la négociation. Comment ne pas rappeler son rôle-clé durant le séminaire de Windhoek (Namibie), en 1991 sur thème de la promotion de médias indépendants et pluralistes, là où il a été peut-être le plus grand ? Si le monde entier célèbre chaque année la journée internationale de la liberté de presse le 3 mai, nous le lui devons, en partie.

 

Pour ma part, j’eus l’insigne honneur de l’avoir à mes côtés à partir de 2004, en qualité de Consultant auprès du Programme médias de l’Organisation internationale de la Francophonie. Dès l’année 2005, je lui confiais diverses missions parmi lesquelles l’élaboration et l’exécution du Plan de réhabilitation et de modernisation des agences de presse publiques d’Afrique francophone pour lequel il se rendra au Togo, au Burkina Faso, au Sénégal, au Niger, au Congo Brazzaville et en république démocratique du Congo.

 

Dans un tout autre registre, toujours au service de l’OIF, il aida le syndicat des journalistes du Burundi à négocier sa toute première convention collective. Au Tchad, il anima à mes côtés diverses sessions de formation à la couverture électorale.

 

En Côte d’Ivoire, puis en Guinée, il servira, à la demande du Président Abdou Diouf -à qui le liait une réelle amitié- de chargé de la communication des missions d’observation électorales de l’OIF.

 

Pour avoir parcouru le monde avec lui -quinze pays précisément- j’ai reçu, durant ces voyages, les confidences dont rêveraient d’être bénéficiaires même les stars de la profession. Du journalisme et des journalistes africains, il savait tout sur tout le monde. Un demi-siècle de pratique, sans un jour de répit, lui avait donné de la cartographie des médias du continent une connaissance de topographe. La boîte noire nichée dans un coin de son cerveau faisait qu’il pouvait retracer l’itinéraire du moindre journaliste et l’histoire de chaque média.

 

Ma ferveur de disciple, m’incline toutefois à reconnaître, chez cet homme si généreux, si drôle, si ouvert, l’inaptitude à être indulgent avec les confrères corrompus. Devant la corruption avérée de certains journalistes, il exprimait sans réserve son épouvante. Dans ces cas, rien ne lui paraissait plus vain que la tentative de raisonner le coupable. Aussi, avait-t-il une sainte horreur de l’indiscipline. Sur ce registre, il savait être intransigeant au point d’irriter ses amis. Il savait, c’est vrai, être tatillon. Ce qui me conduit à un aveu, qui ne sera pas pour certains une révélation: nombre de confrères redoutaient sa présence lors des rencontres internationales. Lors des sessions de formation que nous animâmes ensemble aux quatre coins du monde, il ne manquait jamais de veiller au strict respect des horaires. Je l’entends encore rappeler à l’ordre les participants, traquer les retardataires jusque dans leurs chambres d’hôtel, contrôler les comptables.

 

Alcinou n’était pas devenu journaliste par défaut ou par hasard. Il était entré dans le métier comme d’autres en religion. Son journalisme était un sacerdoce. Il savait être pédagogue. Il savait d’expérience que la formation prend du temps. Il était résolument contre ce qu’Albert Londres, qui en inventa l’expression, appelait le « bourrage de crâne », en parlant des informations que l’Etat-major des armées distillait aux journalistes durant la guerre de 14-18.

 

Son journalisme à  lui, c’était de l’horlogerie, de la mécanique de précision. C’était l’habileté à convaincre. C’était la logique argumentative qui utilise l’art de persuader. C’était le charme de sa voix, les ressources de son vocabulaire, la justesse de son argumentation. C’était sa langue française en action.

 

Cet homme qui a passé sa vie à métisser ses idées avec celles des autres, avait une idée nouvelle par jour. Dans la pratique quotidienne, il exigeait aux journalistes d’être fidèles au déroulement des faits. Il savait plus et mieux que quiconque que le journaliste n’est pas tout à fait neutre. Son journalisme n’était pas un journalisme engagé au sens où on l’entend aujourd’hui mais un journalisme dégagé des coquetteries politiques. Il prônait un journalisme éclairé de cette lumière qu’on appelle la passion. A la différence de nombre de confrères, il ne se sentait à l’aise ni dans les éloges faits aux puissants, ni dans la démolition des petites gens.

 

En inventant de nouvelles approches paradigmatiques, Alcinou a ouvert la voie qu’il nous faut suivre. Et rien que cela devrait suffire à l’arracher de l’oubli collectif. 

 

Tidiane DIOH est Responsable des programmes médias à l’Organisation internationale de la Francophonie



13 Commentaires

  1. Auteur

    Senegalienthealien

    En Septembre, 2011 (02:59 AM)
    RIP
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  2. Auteur

    Thiakhane Fakhé

    En Septembre, 2011 (03:50 AM)
    texte ne peut être plus concis , explicite et limpide , des plus pareilles font aimer le français . merci mr dioh , < dioka ndial >
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    Auteur

    Realistic Guy

    En Septembre, 2011 (05:10 AM)
    franchement tres bon article bien redigé  <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">  

    sa ns change des torchons habituels proposé.s sur ce site :up:  :up:  :up:  :up: 
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    Auteur

    Dikalay

    En Septembre, 2011 (08:18 AM)
    k la terre lui soi legere repose toi en paix maitre



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    Auteur

    Boy Yeumbeul

    En Septembre, 2011 (08:22 AM)
    Allahou akbar!!! J'en avais presque oublié qu'il existait encore des enfants de ce pays capables d'écrire correctement le français.

    De grâce Mr DIOH, rentrez former vos confrères après avoir profité vous-même de la connaissance du regretté Alcinou.

    Votre témoignage est touchant et remarquable.
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    Auteur

    Moundor

    En Septembre, 2011 (08:58 AM)
    c'était un ami à ma mère un grand intellectuel que la terre lui soit légère et que dieu l'accueille dans son paradis.
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    Auteur

    Femi

    En Septembre, 2011 (09:27 AM)
    Merci pour cet hommage posthume. Ainsi disparaît un des pionniers du journalisme en Afrique, un apostolat fait de rigueur, de curiosité insatiable, de reconnaissance aussi pour la terre qui a su accueillir ses parents et permettre leur épanouissement, dans un pays ouvert aux vents du monde. Mr Dacosta est un pur produit de l'ecole Sénégalaise, et de cette Téranga qui a su ouvrir aux apatrides, réfugiés, migrants de toute l'Afrique et d'ailleurs, ses bras sans jamais rechigner à faire jouer cette hospitalité et cette ouverture d'esprit qui font le ciment de notre Nation, loin des querelles ethnicistes qui gangrènent souvent d'autres pays du Continent Noir. bravo à vous Mr DIOH, pour avoir voulu porter ce vibrant hommage à notre connaissance, cela nous donne des raisons d'espérer que tout n'est pas perdu... Encore merci.
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    Auteur

    Maurice

    En Septembre, 2011 (11:07 AM)
    que ne se souvienne un jeune etudiant dakarois decouvrant la france ce matin de decembre 1975 portant dans ses bagages l'accreditation de "afrique nouvelle" afin de suivre la vie culturelle de la diaspora noire de Paris ; si illustre me paraissait cette signature que j accordais l'immortalité a "grand ALcino" Alcino ne meure pas car ses dons ne meurent pas : requiescat grand j'ai envie de rajouter avec ta permission " s'il te plait" repose en paix
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    Auteur

    Mara

    En Septembre, 2011 (13:36 PM)
    A toi papi je prie le repos éternel que la terre te soit légère je remercie Dieu de m'avoir permis de te côtoyer même si ça a été brève mais saches qu'après avoir lu ce témoignage fait sur toi confirme mon statut de privilégié Que ta bonté, ta grandeur, ta générosité et surtout ton honnêteté t'accompagne a ta dernière demeure pour le repos de mon cher aimé Papi.

    Oumar
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    Auteur

    Edith De Paris

    En Septembre, 2011 (14:06 PM)
    mes condoleances a tata juliette et a ces enfants,a jeannot angrand,que la terre lui sa legere amen
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    Auteur

    We'll Never Forget You!

    En Septembre, 2011 (14:50 PM)
    Enfin une contribution digne de ce nom. Merci a Tidiane Dioh qui s'est donne le temps de rendre hommage a Alcinou.

    Homme drole, genereux, integre, competent, independant et discipine dans son travail ... Alcino est une grosse perte pour le journalisme et le Senegal, lui qui n'etait JAMAIS a l'affut des honneurs et de la reconnaissance car lui au moins se connaissait et n'avait pas besoin de references pour exister. Nous ne t'oublierons pas nous qui te connaissions et savons ce que tu valais.

    Que la terre lui soit legere! Que le Seigneur lui pardonne ses fautes et l'accueille dans son paradis!

    Moon
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    Auteur

    Ddiop

    En Septembre, 2011 (00:24 AM)
    Que la terre lui soit legere et qu Allah l accueille au Paradis. Et Merci a ce Monsieur de nous avoir fair partager de la haut un moment de recueillement , de partage de valeurs. Une belle facette du Senegal se retrouve dans cette page: politesse, education, savoir-faire, humilite, reconnaissance, amour du prochain...Que Dieu veille sur sa famille, ses amis et l auteur de ce bel hommage.
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    Auteur

    Edith

    En Septembre, 2011 (10:20 AM)
    mes condoléances a la famille plus particulierement a maman juliette et a son fils jeanot angrand ,si tu vois mon message jeanot essaiye de m'appeller je suis a paris pourque je puissse avoir le numero de telephone de ta maman merci
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