Pourquoi milite-t-on pour la suppression du mariage ? Ce ne serait sans doute pas pour éviter les problèmes qu’il occasionne ou les nombreux cas de divorces que l’on observe. Avec ou sans mariage, on assistera toujours à des ruptures plus ou moins douloureuses et à des unions plus ou moins conflictuelles.
On milite pour la suppression du mariage parce qu’il est la principale cause d’inégalités entre les individus dans nos sociétés démocratiques qui se veulent égalitaires. Il est la cause de plusieurs inégalités entre les hétérosexuels et les homosexuels, entre les mariés et les célibats, entre les hommes et les femmes, entre les enfants eux-mêmes (bâtards et légitimes), entre les femmes elles-mêmes (cas de la polygamie, des prostituées).
Et pourtant à y voir de prés ce type d’alliance tant prisé qu’est le mariage, ne présente pas une physionomie plus présentable que ces formes décriées (prostitution, concubinage, enfants nés hors mariage).
Pour ce faire, nous procéderons par comparaison entre ces types de comportements « déviants » et cette pratique conjugale vieille comme la prostitution. Il s’agira ainsi de reprendre un par un ces comportements stigmatisés et de les opposer, pour ainsi dire, au mariage et à ses implications et/ou explications, pour montrer que c’est du pareil au même.
Premièrement, le concubinage face au mariage.
Dans ce cas de figure, on relèvera que le mariage présente un double aspect. Primo, il était et est la règle première et fondamentale de la famille. Deusio, il était le cadre exclusif de prise en charge des relations sexuelles. Ainsi, en était-on venu d’une part, à stigmatiser toutes les relations sexuelles avant et hors mariage et d’autre part, à ne pas considérer le concubinage comme une sorte de famille, malgré le désir ardent des conjoints de conjuguer ensemble.
Mais, de plus en plus, on constate que la seule différence entre ces deux formes d’alliance n’est que le caractère légal de l’un par rapport à l’illégalité de l’autre (le concubinage). Cependant, compte tenu que dans la modernité, le principe fondateur des alliances est le consentement, on ne voit plus sur quoi pourrait s’appuyer la justice pour dénier à ces individus le droit de vivre en concubinage. Et ce d’autant plus que l’on sait que le concubinage est le fruit non pas d’un libertinage sexuel, mais de l’instabilité dans les mariages des uns et des autres, et du fait que les procédures de divorce sont longues et coûteuses. De ce fait, le concubinage constitue une réponse aux problèmes que pose le mariage (le divorce). Et si c’est une réponse, faudrait-il continuer à le museler au lieu de s’interroger ou de se réinterroger sur cette alliance traditionnelle qui en constitue manifestement la cause ?
Deuxièmement, la prostitution face au mariage.
La prostitution, le plus vieux métier du monde dit-on, mais très certainement, le premier coup de boutoir contre le mariage comme seul « contrat » d’exclusivité sexuelle. Mais, ici, ce qui nous intéresse c’est de faire montre que ces deux pratiques ont plus de ressemblances que de dissemblances. En effet, toutes deux, se manifestent d’abord par une sorte de transaction financière pour avoir et donner du sexe. Ensuite, par le fait que c’est généralement l’homme qui semble être celui qui veut du sexe, et que donc c’est à lui de payer ou d’entretenir la femme.
Mais ce qui est amusant, c’est que plus que tout autre fait, la prostitution permet mieux de lire le mariage et ses paradoxes. En effet, dans le mariage, tant que le mari, a les moyens et arrive à satisfaire les besoins de la femme, cela peut aller, mais le jour où ce ne sera plus le cas, ce sont des remontrances à n’en pas finir. La femme, d’arguer que son homme ne peut l’entretenir et par conséquent la tenir. Il est vrai que cet aspect est beaucoup plus visible dans la société sénégalaise en particulier, et africaine en général, que dans les sociétés européennes. Toujours est-il, beaucoup d’hommes s’abstiennent de se marier parce qu’ils n’en ont pas les moyens ; mais beaucoup de femmes préfèrent divorcer parce que leurs conjoints n’ont pas ou plus les moyens de les entretenir.
Alors que cependant on stigmatise la prostitution parce que l’argent serait le seul lien qui unit momentanément les deux partenaires. Cependant on voit que dans les deux cas, si l’argent est au rendez-vous, le partenariat est moins conflictuel que si, pour une raison ou une autre, le conjoint mâle n’arrive pas à donner ce qu’il faut. Dans les deux cas, il faut payer pour avoir du sexe ! Alors, donc pourquoi décrier l’un et non l’autre ?
Dans le mariage ou dans la prostitution, l’homme doit payer pour avoir du sexe ; alors que la femme, dans le mariage ou dans la prostitution, doit être payée, pour donner du sexe. La seule différence entre ces deux formes est la durée de ce pacte. Dans la prostitution, l’alliance est furtive, alors que dans le mariage, elle est dans tous les cas de figure plus durable.
Troisièmement, les enfants bâtards et légitimes.
Généralement, on stigmatise les enfants conçus hors mariage, parce qu’ils sont nés dans ces conditions. Mais, est-ce à dire que les enfants nés dans le cadre du mariage présentent objectivement des dispositions mentales, génétiques, sentimentales, etc. que les autres ne peuvent avoir ? Rien n’est plus faux ! Mais alors, pourquoi stigmatiser les bâtards ?
On pourrait supposer qu’avant, c’était dans le but de réguler la natalité (démographiquement) et par conséquent la sexualité. Mais, à la lueur de ce qui se passe dans le mariage, ne pourrait-on pas s’en passer dans la mesure où dans ce cadre on se permet de faire des enfants sans retenue, sans se soucier non plus des conditions dans lesquelles ils pourraient évoluer ?
Ainsi, ce qu’il faudrait peut-être stigmatiser, ce sont ces conduites sexuelles dans ou hors mariage qui occasionnent une natalité débridée et irresponsable. Et il faudrait dire que cette natalité débridée se retrouve plus dans le cadre du mariage que dans celui des relations hors mariage ! Combien de grossesses non désirées trouve-t-on dans le mariage ?
Alors, ici aussi qu’est ce que le mariage présente comme avantage par rapport aux autres alliances concubines ? D’autant plus que, dans les contrées occidentales où les alliances concubines sont tolérées, l’on constate que ces enfants « bâtards » ne sont pas jetés à la poubelle ! Alors que dans nos contrées, combien d’enfants issus d’un mariage sont en rupture familiale ? Combien d’enfants « bâtards » sont jetés à la poubelle ?
Quatrièmement, les conduites sexuelles dans et hors mariage.
Arrive-t-il qu’on se demande si une femme mariée couche avec son mari parce qu’il lui fait des cadeaux, ou parce qu’elle en a envie, ou parce que sinon il se fâche ? Les conduites sexuelles dans le mariage ne souffrent d’aucune contestation la plupart des cas. Mais, si on se permet d’y voir beaucoup plus prés, les relations sexuelles au sein du mariage sont beaucoup plus assimilables au viol et à la turpitude que ces relations charnelles hors mariage. En effet, dans l’optique où l’on considère que ces relations ne sont licites que quand les conjoints sont consentants, égaux et quand il y a absence de dommage sur un tiers ; il faudrait reconnaître que ces relations maritales constituent la forme la plus manifeste du caractère illicite de l’usage du sexe. En effet, rien qu’avec l’exemple du viol, on voit combien il se manifeste plus dans le mariage qu’hors mariage. Dans la société sénégalaise, selon les interprétations religieuses en cours, il n’est pas permis à la femme de se refuser à son mari quand ce dernier la convoite. Même si elle se dit fatiguée, même si elle n’en a pas envie tout simplement ! De plus, peut-on parler d’égalité entre les deux conjoints quand ce mariage semble être l’affaire des hommes, parce que c’est à eux de draguer, d’entretenir et d’accorder exclusivement le divorce à la femme. Enfin, quand au dommage sur un tiers, arrive-t-il qu’on se demande si la venue des enfants dans le cadre du mariage a été vraiment préparée ? Ce que l’on note le plus souvent c’est que les couples mariés ne s’entourent pas trop de toutes ces précautions. Les enfants, on en fait à gogo et il revient à Dieu de les prendre en charge.
De ce fait, qu’est-ce qui fait qu’encore une fois, la sexualité hors mariage continue de souffrir de tout ce musellement si l’on voit que son cadrage dans le mariage ne donne pas souvent les résultats escomptés ?
On aurait pu multiplier les exemples, mais voilà qu’il apparaît que le mariage n’est ni de loin, ni de prés, le type d’union le meilleur objectivement et subjectivement. Ainsi, pourquoi continuer à dénier aux autres le droit de faire autrement ou d’être autrement?
D’autant plus que de plus en plus, il apparaît clairement que la famille n’est pas et n’a jamais été la cellule fondamentale de la société et de l’individu. Faudrait-il rappeler aussi que le mariage, dans aucune des religions révélées, n’est et n’a jamais été une obligation ?
Alors, pourquoi le mettre sur un piédestal ? Peut-être parce qu’il serait le meilleur préservatif contre le sida ? Bien entendu, si et seulement si…il est testé électroniquement !
Mamadou Moustapha WONE
Sociologue<66>moustaphawone@voila.fr
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