J’ai lu avec une vive émotion, et par endroit avec
un sentiment de révolte, l’interview que l’ex-député libéral El Hadj Wacky Ly a
accordée au quotidien « Enquête » des 21-22 novembre 2012.
L’interview révèle un homme déjà connu pour son courage politique, son sens de
l’honneur et de la dignité, son honnêteté intellectuelle et son intégrité
morale, jusqu’à preuve du contraire. Pendant tout le temps qu’il a siégé à
l’Assemblée nationale, il a joué admirablement son rôle de député, de député du
peuple. Il a toujours refusé systématiquement de se laisser compromettre, en
votant des lois aussi scélérates que la Loi « Ezzan » et celle dite
« Sada Ndiaye », qui ramenait le mandat du président de l’Assemblée
nationale de cinq à un an, et dont l’objectif était délibérément de débarquer
Macky Sall qui occupait cette importante fonction. Je ne connais pas d’ailleurs
beaucoup d’autres députés libéraux qui aient osé, à l’époque, voter contre
cette loi sur mesure. M. Ly s’est aussi vigoureusement opposé au projet de loi,
dont le vote aurait permis aux Wade de nous faire avaler leur fameux ticket
présidentiel, qui pourrait alors être élu seulement avec 25 % des suffrages exprimés.
L’interview met en évidence bien d’autres qualités
de l’ancien député libéral : sincérité, honnêteté intellectuelle,
constance, foi vigoureuse en Dieu, Seul Responsable de nos destins. Dans l’une
de ses réponses, M. LY fait état de ses « relations particulières » avec Macky Sall. Pour éviter toute
équivoque, il précise : « Je ne
dis pas le président Macky Sall. » « Il me considère comme son jeune frère (…) ; il est resté mon ami
même si on n’était plus du même parti », poursuit-il. Il va plus loin
en révélant que s’il a construit une maison à Nioro, c’est grâce à lui. Cependant,
en aucun moment, il n’a versé dans les louanges. Ce n’est point conforme à sa
personnalité.
Tout pouvait donc le prédestiner à rejoindre la
Coalition de Macky Sall avant l’élection présidentielle du 26 février 2012. Il
n’en fit rien. Il est resté au Pds, tout en sachant que le bateau libéral
commençait à tanguer et à prendre progressivement eau de toutes parts. Pendant
ce temps, des compatriotes chasseurs invétérés de prébendes et passés maîtres
dans l’art de flairer la direction du vent du pouvoir, prenaient la poudre
d’escampette et allaient se bousculer dans la Coalition Macky 2012. Pourtant,
nombre d’entre eux n’avaient aucune relation particulière avec Macky Sall. D’autres
encore faisaient même partie de ses bourreaux et comptaient parmi ses plus
virulents détracteurs.
De tels individus se retrouvent aujourd’hui dans l’entourage
proche du président de la République, dans le gouvernement, à l’Assemblée
nationale ou sont à la tête d’agences et de directions nationales, de conseils
d’administration ou dans une ambassade. Pendant ce temps, El Hadj Wacky ly vit
tranquillement dans son Nioro natal, et réfléchit sûrement sur son avenir
politique car, à son âge, et avec les qualités qu’on lui connaît, il devrait en
avoir un.
D’autres, par contre, crient à tue-tête et font feu
de tout bois pour se faire entendre et s’offrir une sinécure. Des membres de la
Coalition Macky 2012 et principalement de l’Apr se signalent dans cette course
effrénée vers les situations de rentes. Ils poussent même l’outrecuidance
jusqu’à fixer « un ultimatum d’une
semaine » au président de la République. Ils n’ont pas hésité aussi à
faire état d’une liste des « non
encore nommés ». Ce sont ces gens-là qui mettent tout en œuvre pour
que la Coalition Bennoo Bokk Yaakaar
éclate et qu’ils se retrouvent seuls avec des postes à partager. J’espère que
le président de la République ne cèdera pas devant de tels chantages faciles et
indécents. C’est la Fédération nationale des cadres républicains – je crois que
c’est ainsi qu’ils s’appellent – qui reconnaissait que, avant le 25 mars 2012,
elle ne comptait pas plus de trente membres. Aujourd’hui, ils dépasseraient les
six cents qui lorgnent chacun un poste.
Si j’étais de taille à donner un conseil au
président de la République, ce serait de ne pas prêter une attention
particulière aux exigences des ses amis de la Coalition Macky 2012. Dans cette
Coalition, on trouve des partis et des personnalités individuelles qui ne
pèsent pas, en termes de suffrages, plus lourd que les habits qu’ils portent.
Notre pays traverse une passe particulièrement difficile. Il a besoin, pour
s’en sortir, de l’apport des compétences de toutes les composantes de la Bennoo Bokk Yaakaar et, au-delà de cette
coalition, de celles de toutes les bonnes volontés soucieuses de l’avenir du
Sénégal. La seule Coalition Macky 2012 ne suffirait pas à sortir notre pays de
l’ornière.
Il convient surtout de rappeler aux membres de cette
Coalition, que le président Macky Sall a été élu par 65 % de nos compatriotes.
Combien leur coalition a-t-elle compté dans ce score important ? Et même
si, par extraordinaire, leur apport y était décisif, le pays n’appartiendrait
ni à Macky 2012, ni à l’Apr, ni même au président de la République. Ce dernier
a été élu pour gouverner le Sénégal, au nom de tous les Sénégalais, y compris
ceux et celles qui n’ont pas voté pour lui. On ne construit pas un pays avec un
esprit partisan et exclusiviste. On ne le construit surtout pas avec des
médiocres. Le pays regorge de ressources humaines de qualité. C’est pourquoi,
certaines nominations à des stations importantes heurtent les consciences.
Cette réalité, les chefs de partis composant la Coalition Bennoo Bokk Yaakaar et principalement le président de la
République, ne devraient jamais la perdre de vue.
Nous traînons plusieurs maux graves qui plombent
tous nos efforts vers l’émergence économique. Parmi ces maux, figure en bonne
place la course effrénée vers les postes. Au Sénégal, nombre de nos
compatriotes qui gravitent autour du pouvoir croient qu’ils doivent être nommés
à des postes, même s’ils sont sûrs qu’ils n’ont pas le profil requis. Et ils
sont confortés dans cette posture par les chefs des différentes composantes de
la Coalition Bennoo Bokk Yaakaar, qui cherchent chacun à
« caser » le maximum de camarades. Cet esprit de clan n’est pas
conforme à la gouvernance « sobre,
vertueuse, efficiente, transparente, de rupture » qui nous a été
promise. Ni, par ailleurs, au fameux slogan « La Patrie avant le parti ». Cet esprit n’est pas, non plus,
étranger au maintien en très grand nombre de directions, d’agences, de conseils
de surveillance de ceci ou cela, etc, qu’on nous avait pourtant promis de
« réduire de façon drastique ».
C’est encore loin d’être le cas, en particulier avec cette tendance à nommer un
secrétaire général au niveau de chaque ministère, même des plus squelettiques.
Le moment est peut-être venu, pour nos gouvernants, de rappeler la mission du
secrétaire général de ministère et de définir clairement celle de directeur de
cabinet. Il semble qu’il y ait parfois, souvent d’ailleurs, des chevauchements
et des conflits de compétence à ce niveau-là.
Pour revenir à l’interview d’El Hadj Wacky Ly qui
m’a inspiré ce texte, je ne connais pas particulièrement l’homme, même si je
suivais de loin sa carrière politique. Nous avons échangé une fois au téléphone
et peut-être deux à travers le net. Il découvrira ce texte en même temps que
tout le monde. Je cours donc un risque, ne sachant pas, d’avance, comment il va
accueillir mon initiative. En attendant, je trouve que c’est un gâchis, que ce
n’est pas juste de laisser cet homme d’honneur et de dignité, ce patriote
ardent tourner les pouces dans sa paisible ville natale de Nioro, alors qu’il
peut, qu’il doit encore servir loyalement son pays, compte tenu de ses qualités
morales et intellectuelles indéniables, ainsi que de son expérience politique
et parlementaire avérée.
Il n’est malheureusement pas de nos compatriotes
qui, sans état d’âme, passent allègrement d’une prairie à une autre, à la
recherche de tapis herbacés bien fournis. Il appartiendrait donc au président
de la République de lui tendre la main, non pas pour le diriger forcément vers
l’Apr, mais pour lui trouver une structure où il servirait son pays, en donnant
sûrement le meilleur de lui-même, et en toute loyauté.
Ce dernier fait régulièrement appel à certains de
ses anciens camarades du Pds, avec lesquels il a cheminé pendant huit ans de
pouvoir. Il en a parfaitement le droit, puisqu’il a le pouvoir constitutionnel
de « nommer à tous les emplois
civils et militaires ». Cependant, pour être en accord avec ses
engagements antérieurs, il devrait accorder la priorité aux meilleurs profils,
aussi bien sur le plan intellectuel, professionnel que moral. Il a eu
malheureusement à appeler et à nommer à des fonctions importantes, des gens qui
sont loin d’être des exemples. Certaines nominations prises en Conseil des
Ministres ou hors de celui-ci font sursauter parfois. Le Sénégal est un tout
petit village où nous nous connaissons presque tous.
Il convient de le rappeler sans cesse : nous
vivons en République. Or, celle-ci doit privilégier, et en toutes
circonstances, l’intérêt supérieur de la Nation sur toutes les autres
considérations. C’est aux meilleurs de leurs filles et de leurs fils que nombre
de grands pays doivent leur
développement.
Dakar, le 10 décembre 2012
Mody Niang,
e-mail : mody niang@arc.sn
13 Commentaires
Gravedigger
En Décembre, 2012 (22:46 PM)Modou
En Décembre, 2012 (23:09 PM)Mbaye Diouf
En Décembre, 2012 (23:55 PM)Reply_author
En Novembre, 2023 (15:39 PM)Reply_author
En Novembre, 2023 (15:39 PM)Reply_author
En Novembre, 2023 (17:08 PM)Packou
En Décembre, 2012 (01:38 AM)Diobalman
En Décembre, 2012 (10:16 AM)Osiris
En Décembre, 2012 (11:34 AM)Sam
En Décembre, 2012 (12:02 PM)Dr Ndiaye
En Décembre, 2012 (15:02 PM)dans la postérité en lettre de noblesse
Deugguuue
En Décembre, 2012 (18:59 PM)Deugguuue
En Décembre, 2012 (18:59 PM)Deugguuue
En Décembre, 2012 (19:00 PM)Pipo
En Décembre, 2012 (15:57 PM)Balla Diop
En Décembre, 2012 (08:23 AM)Monsieur Ly bien sûr a laissé une marque de courage et de patriotisme durant son mandat, gu'en est il de vous en tant que inspecteur de l'éducation.
besoin de témoignage sur vous car vous etes plus connu comme pourfendeur de wade et de sa famille que porteur d'un projet de société pour ce pays.
vous avez autant de responsabilité que LY ou macky ou autre sénégalais en mouvement pour le développement de la nation SENEGAL.
je respecte votre belle plume mais vous pouvez mieux.............
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