Les jeunes diplômés, au Sénégal, vivent une situation très inquiétante. Depuis ces derniers temps, décrocher le premier emploi constitue un véritable casse- tête chinois pour ces derniers. Cette situation est d’autan plus préoccupante que certains ne cessent de se poser des questions du genre : « à quoi a servi tant d’années de labeur dans des écoles ou universités ? », « a quoi a servi d’avoir obtenu un tel diplôme si ceci ne permet pas d’avoir un stage d’une semaine ?».
-Quels sont les obstacles, donc, au premier emploi ?
-Quels remèdes faut-il préconiser dans le souci de résoudre cette équation au point de l’éradiquer totalement ?
Le premier constat qu’il convient de faire est la prédominance des relations familiales, amicales, ou autres sur la pertinence ou la solidité du CV. De nos jours la seule règle qui prévaut est le phénomène de « bras long », « il faut forcement avoir un parent dans une structure pour y être recruté. Il faut être recommandé pour y être recruté». Et ceux qui n’ont pas de parents dans les boites ? Quelle est, en ce moment, la valeur du CV ? Ainsi, à quoi cela sert de publier des annonces, offres d’emploi dans les journaux de la place ? Et aussi les gens ont-ils tort de ne pas avoir de parents dans les boites ?
Il existe aussi un autre obstacle majeur au premier emploi : l’expérience professionnelle requise par les recruteurs. Dans les annonces ou offres d’emploi, il est de coutume de voir une offre de niveau « Bac +2 »ou « Bac+3 » dans lequel bon nombres de jeunes se retrouvent .Néanmoins un seul critère exclue des centaines de milliers de postulants : l’expérience professionnelle demandée variant de 5 ans à 10 ans.
Par exemple une offre d’emploi concernant un poste d’agent commercial apparait dans un journal. Les critères sont les suivants « niveau : Bac +2 minimum, expérience : 5 ans dans un poste similaire,… ». Nous pouvons essayer de décortiquer cette annonce. On est en 2009, donc par rapport à l’expérience professionnelle requise il faut éliminer toute la génération 2009, 2008, 2007, 2006, 2005, titulaire d’un Bac+2. Non seulement ils n’auront pas fait 5 ans d’expérience, et ce n’est pas toujours évident de trouver du travail juste à la fin des études. Face à un tel cas, l’on peut se poser la question de savoir quelle place l’entreprise accorde aux jeunes diplômés inexpérimentés dans le cadre de leurs politiques d’emploi d’autant plus qu’ avoir un stage pédagogique, durant la formation, demeure un parcours de combattant ?
Dans le cadre d’un troisième constat, il faut souligner aussi la part de responsabilité des jeunes dans ce processus. L’absence d’initiative, le manque de culture d’entreprenariat,…caractérisent la jeunesse sénégalaise. Les jeunes en s’inscrivant dans des écoles de formations vont avec des projets de recherche d’emploi plutôt qu’avec des projets de création de leurs propres affaires. Ce n’est pas, Pourtant, la créativité, ni les idées, qui font défaut, mais le gout du risque. C’est d’ailleurs cette recherche de la sécurité qui accentue le mal de la fonction publique. Pour un jeune Sénégalais, « travailler dans la fonction publique c’est avoir la certitude d’être payé chaque fin du mois même sans avoir travaillé. Ou il est possible de venir quand et comme on veut sans problème. »
Un quatrième constat, les sénégalais n’investissent que dans l’immobilier. Dans tous les quartiers de Dakar, les immeubles se disputent le ciel, les agences immobilières se créent partout. En plus de l’inscrire dans le registre de la peur du risque par rapport aux grosses affaires, il faut le mettre aussi dans le compte de l’égoïsme. « gagner chaque fin du mois une importante somme sans avoir à supporter des charges supplémentaires considérables , il n' y a que la location d’une chambre qui le permet » telle est la phrase que l’on entend toujours .L’impôt se négocie , pas besoin d’employés ,du carburant, du matériel de bureau , de transport ,etc. Ce sont les avantages du secteur mais a quel prix ? , évidemment au bénéfice des propriétaires mais au détriment de l’économie du Sénégal et surtout des jeunes diplômés.
Là ou le bat blesse, c’est quand les écoles mêmes qui forment se soucient très peu de l’insertion des jeunes dans le monde du travail. Il faut noter que le secteur de l’éducation est le secteur le plus démocratisé au Sénégal depuis les années 1990 à nos jours. L’ouverture de nombreux écoles supérieures de formations professionnelle a contribué à réglé, en partie, le problème d’orientation à l’université de Dakar et de Saint louis. Néanmoins il urge d’être vigilant par rapport à ces écoles. Chaque année des instituts supérieurs sortent des terres de partout Dakar avec des droits d’inscription et mensualités qui varient de 50 000 à 100 000. De plus en plus le capitalisme prend le dessus sur tout .L’éducation et la formation de l’Homme s’en trouvent affectées. C’est finalement l’aspect commercial qui prédomine sur l’aspect formateur. Ils son à l’argent ce que le charognard est aux charognes. Ils jouent sur l’aspect esthétique : belle tenue, beaux locaux, voitures « last cri ». Le continu de la formation n’est pas toujours « ca » !. L’étudiant est anesthésié par des idées de futur beaux ou belles managers qu’on leur fait croire. On lui fait croire qu’un bon manageur doit savoir se saper, parler, faire face à des conflits,… . On lui fait payer la tenue de l’école pour qu’il fasse la publicité de l’école sans le savoir .Au lieu d’aider à placer l’élève dans les structures, on leur enseigne comment se comporter dans un entretien ? Comment parler ? Comment se présenter ? Et âpres on aura beaucoup fait pour eux !
En outre, aucun système de recrutement des élèves n’est mis en place .Tant que l’élève peut apporter de l’argent les portes de l’école lui sont ouvertes. Tant que « l’élève est en règle avec la comptabilité, avoir le diplôme n’est plus un souci ».
Le jour ou l’étudiant, le diplôme entre les mains, seul face aux recruteurs devant répondre aux questions du genre : que savez vous faire ? Et non qu’avez-vous porté ou dans quelle école étiez vous ? , que répondrait –il ? Si ce n’est que baver.
Dans ce lot d’écoles qui pratiquent des choses peu catholiques, nous citons le cas d’un institut de commerce qui a un grand nom, qui fait beaucoup de bruit. En effet dans cette école, les salles de classe sont transformées en amphithéâtre pour accueillir une armada d’étudiants. Pour ne pas avoir à engager des professeurs pour chaque filière, ils sont regroupés dans ces amphithéâtres alors que pour certains cours comme la comptabilité, l’analyse financière,… l’amphithéâtre n’est pas l’endroit le plus approprié . Ils en sont conscients mais tant que cela permet de dépenser moins et gagner beaucoup ca va !. Dans cette école, l’étudiant n’est pas l’individu qu’il faut former mais le client qu’il faut préserver par tous les moyens bon gré, mal gré. « On les coince pour qu’ils ne partent pas » en étant conscient de la frustration des auditeurs qui ne veulent plus rester. Tantôt certains se voient refusé leur attestation de réussite en voulant quitter. Une école qui agit d’une telle sorte mérite t-elle le nom d’école ? pourra t-elle assurer une formation de qualité aux élèves ? Saura t-elle mettre sur le marché du travail de « bons produits consommables » ?
C’est pourquoi des solutions urgentes s’imposent dans le but de venir au secours des jeunes. Les écoles qui ont en charge la formation des jeunes doivent faire beaucoup d’efforts pour permettre à l’élève de trouver facilement du travail. Il convient, dans le cadre de la formation, de mettre l’accent sur l’aspect « Entreprenariat ». Il faut inciter et accompagner les élèves à créer à la fin de leur formation. Mettre en place une filière spécifique à la création d’entreprises destinée aux porteurs de projets ou d’idées, préalablement « dénichés ».
Le fait même de demander à l’élève de présenter un mémoire de fin d’étude ou un rapport de stage peut être rénové. Au lieu d’exiger un rapport de stage ou un mémoire, il est préférable de demander à l’élève une étude de projet .Au moins, il aura présenté un document pratique qui peut être traduit en acte concret sous forme de projet. Ceci permettrait à élève d’être offreur d’emploi et non un « quémandeur » d’emploi.
Dans le même ordre d’idées, les relations écoles-élèves ne doivent pas finir à la délivrance du diplôme de fin d’étude .Il faut suivre, orienter, appuyer,… l’élève, plutôt que de le laisser à lui-même, jusqu’à l’obtention d’un travail dans une structure. C’est pourquoi les écoles qui se préoccupent bien de la situation de leurs étudiants mettent en place un département ou un service dénommé « Relations avec les entreprises. » .une structure qui prend en charge toutes les questions relatives aux demandes , recherches d’emploi et de stage.
Du coté de l’Etat, il n’a que sa politique en mettre en exergue pour favoriser l’entreprenariat jeunes et leur insertion dans le monde du travail. En effet, l’Etat peut jouer sur la politique fiscale ou de subvention pour amener les entreprises à recruter massivement les jeunes diplômés. L’on pourra mettre en place un système de quotas qui ferait que lorsque le taux de recrutement d’une entreprise arrive à un certain stade, bénéficier d’une réduction fiscale ou d’une subvention.
Pr Alhousseynou Kallo
alphonsekallo@hotmail.com
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