Attendions-nous, sans y croire, que quelques paladins ranimassent le culte d’un idéal oublié ? Par un étrange décret du destin, la Tunisie et l’Egypte sont devenues, devant une Afrique ébaubie, des héroïnes impromptues de la liberté.
En effet, la révolte dans ces deux pays aura, sous nos yeux ébahis, sonné l’hallali de despotes qui se virent, par des peuples dolents, dépiautés et lardés au piquet de l’opprobre mondiale. Cette cascade d’évictions de satrapes aspirés par la ventouse libertaire témoigne, un demi-siècle après les indépendances, de nos appétences frénétiques pour la démocratie et de notre ardent prurit de liberté. L’Afrique, longtemps critiquée pour sa reluctance à la démocratie, devient, à la faveur de cette révolution, son plus fervent appariteur ou comme eût dit Ronsard sa seule entéléchie.
Ce fut d’abord une révolte contre la misère de milliers de pauvres hères encaqués dans l’échec arabe. Ce fut aussi un soulèvement de peuples dolents, boucanés par plusieurs décennies de dictature et désireux de s’émanciper du joug de tyrans solidement cramponnés au pouvoir. Et ce fut enfin un triomphe contre le scepticisme d’une époque qui ne croit même plus au romantisme d’une libération, ni à l’élan de nos jeunes nations. Cependant, il serait illusoire de penser que ces vents de révolte restent entièrement confinés dans l’univers emmuré arabo-musulman car leur odeur de poudre flotte, aujourd’hui, sur toutes les rives. Chez nous, au Sénégal, la marche de populations dessillées du wadisme, le 19 mars dernier, fait tinter à nos oreilles le tocsin de la révolte. Pardi !
La nation sénégalaise, aujourd’hui, se déloque, se dépenaille. Comme un colin-maillard, elle avance, les yeux bandés, vers un avenir fumeux et vasouillard. Notre jeunesse continue des s’engloutir dans la crevasse toujours béante du chômage. Notre économie, aujourd’hui prise de langueur, fait résonner l’écho abyssal de la tirelire vide de la nation. Notre diplomatie pusillanime ne cesse, avec le scandale des armes iraniennes, de voir ses dorures s’écailler et son tranchant s’émousser. Notre République, avec des remaniements ministériels tous azimuts, n’en finit plus de se contorsionner pour trouver son équilibre. Et enfin les crises énergétique et alimentaire, dans le séisme desquels le peuple dolent est emporté comme fétu, semblent dresser, chez nous, le catafalque de l’espoir. Dès lors, il ne faut guère s’étonner de voir des populations qui, naguère se calfeutraient dans les ténèbres de leurs pénates, sortir pour renauder, protester contre l’impéritie d’un régime qui n’est même pas capable de leur assurer un approvisionnement correct en électricité, encore moins de trouver des solutions à leurs problèmes existentiels.
Le fait est qu’Abdoulaye Wade, eu égard aux nombreuses embardées de son régime, est, aujourd’hui, un président démonétisé. La confiance populaire, oxygène des pouvoirs démocratiques, semble avoir déserté la carriole cahotante de son régime branlant. Le peuple sénégalais qui, aux premiers vagissements de l’alternance, était d’une soumission moutonnière est, aujourd’hui, d’une indocilité croissante vis-à-vis du pouvoir. Au point que certains esprits rassis s’inquiètent de voir, chez nous, pousser les germes d’une société de défiance généralisée, ainsi que l’enseigne Dominique Schnapper dans son ouvrage intitulé « Le contrat de défiance » La confiance aux institutions est le fondement démocratique de l’ordre social et national. Sans elle, les institutions sont en carton-pâte et la moindre bourrasque les éventre. Aussi incliné-je à croire que les manifestations du 19 mars sont la conséquence logique de la hausse vertigineuse, chez nous, de la défiance politique qui est fille des échecs cuisants du régime de l’alternance dans plusieurs domaines de la vie de notre pays. On peut, outre ces manifestations, la percevoir dans la propension frondeuse de divers corps d’état comme celui des enseignants par exemple. La désillusion populaire aura donc destitué l’aura du wadisme dont le cocktail idéologique, jadis si efficace, aura viré à la soupe à la grimace. Au sortir de ce chambard du 19 mars, il plane, aujourd’hui, au Sénégal comme une odeur de zizanie ; il y luit comme un reflet de fiasco. Et malgré les vaines ratiocinations des hommes liges de Wade qui soutiennent le contraire, la menace d’une révolte est bien réelle au Sénégal. Le moindre évènement, quelque anodin qu’il puisse être, pourrait constituer l’étincelle d’un coup de grisou.
Le 19 mars aura aussi donné le pathétique spectacle du rassemblement de foules présumées prowadistes mais, en réalité, stipendiées pour offrir un simulacre de défilé en l’honneur de notre burgrave national. A la tribune se seront succédé des thuriféraires invétérés du président, rivalisant de fayotage et de courtisanerie pour attirer l’attention de leur gourou bien-aimé. Une fois à la tribune, le président, champion de l’esbroufe et de la forfanterie, ne ratera cette occasion pour, comme à son habitude, coqueriquer sur ses hauts faits depuis son arrivée au pouvoir. On peut imaginer qu’il a dû casser sa tirelire pour se donner, le temps d’une matinée, l’illusion d’être encore populaire. Une lubie qu’il peut se permettre avant que le réel ne vienne le balayer de sa citadelle d’illusions.
EL HADJI MALICK SALL ELIMANE DONAYE
Président du Sillon des Opinions Libérales
5 Commentaires
Diop
En Mars, 2011 (12:03 PM)Manesap
En Mars, 2011 (12:52 PM)Ming
En Mars, 2011 (13:31 PM)Xamo
En Mars, 2011 (17:47 PM)La Voix De La Raison
En Mars, 2011 (22:01 PM)Participer à la Discussion