« La seule condition pour que
le mal puisse triompher, c’est que
les bons ne fassent rien »
Edmund BURKE
Même reclus derrière son bureau à double porte capitonnée, Abdoulaye Wade doit entendre les hurlements effrayés des jeunes qui s’aspergent d’essence et qui s’allument. Malgré ses épais murs coloniaux tapissés d’isolants, il doit les entendre gémir et s’écraser sur le sol. Il doit apercevoir les mouvements de gyrophares qui percent les vitres blindées de ses appartements, signalant l’arrivée des sapeurs pompiers. L’odeur âcre doit parvenir à ses narines, des corps calcinés balayés par les masses d’air qui arrivent de la mer voisine. Je peux, de là , imaginer la détresse de cet homme, quand tombe le télégramme de l’état-major, pour lui annoncer la mort de soldats en Casamance, résultat de sa coopération « exemplaire » avec la République islamique d’Iran.
Il est rare qu’Abdoulaye Wade exprime un sentiment réel. Mais il est m’est apparu dans le dernier communiqué du Conseil des ministres, un homme désespéré et un être seul. L’Iran était sa destination par dépit. Snobé par les chefs d’Etat occidentaux qui ne veulent plus le recevoir, détesté par ses pairs africains, il avait jeté son dévolu sur Ahmedinejad. Et voilà que son ami persan lui assène un violent coup de poignard dans le dos, l’obligeant à compter les morts par dizaines, là où il avait promis de réussir en cent jours. C’est avec la Casamance qu’il avait inauguré sa présidence macabre, par la mort de près de 2000 personnes. La mise à l’eau précipitée du bateau, la décision prise en Conseil des ministres d’acheter un seul moteur alors qu’il en fallait deux, tout avait été fait pour nous mener à la plus grande catastrophe de l’histoire de la navigation maritime. Nous en oublions tous ceux qui se sont noyés dans « ses » bassins de rétention dont il ne veut plus entendre parler, ainsi que les milliers de jeunes qui ont péri en mer, en tentant de regagner l’Espagne.
Les prévisions les plus pessimistes ne pouvaient pas laisser envisager un tel déferlement de malheurs. Quel que soit le bout par lequel on la prend, cette présidence n’a été qu’une succession d’évènements tragiques.
Mais Abdoulaye Wade ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Il est resté sourd à toutes nos imprécations, emporté par les éloges de ses laudateurs. L’argent, qu’il avait érigé au rang de culte, ne lui est plus d’aucun secours. Il n’y en a pas assez pour corrompre tout le monde. Il n’obtient des avances que de politiciens vendus qui n’ont plus aucune crédibilité. Alors qu’il veut briguer un nouveau mandat, aucun constitutionnaliste sérieux ne veut défendre sa cause perdue. Ses propres partisans ne le soutiennent plus sur le sujet. Ils démentiraient les propos tenus dès le lendemain de son élection surprenante en février 2007 par Abdoulaye Wade lui-même, qui déclarait que la Constitution ne lui permettait pas de se présenter une troisième fois. Il veut se convaincre que le Conseil constitutionnel le contredira. Mais peut-il le faire sans le livrer à la vindicte populaire et aux cris de réprobation du monde entier ?
Pendant ce temps, les Sénégalais sont confrontés à un quotidien de plus en plus insupportable, que les promesses sans lendemain ne suffisent plus. Si des hommes si attachés à leur foi en arrivent à s’enlever la vie d’une manière aussi violente, c’est qu’ils sont gagnés par le désespoir. En venant se suicider devant les grilles de son palais, ces jeunes désespérés lui font porter la responsabilité de leurs souffrances. A défaut de pouvoir éliminer la source de leurs malheurs, ils s’éliminent eux-mêmes. C’est le moment que choisit Karim Wade pour sortir « Takkal », son idée de génie. Littéralement, « brûlez ».
Ce qui arrive est bien dommage. Abdoulaye Wade a été, dans l’ensemble de son parcours, un brillant homme politique. Il a le mérite d’avoir créé l’un des partis politiques les plus performants et les plus modernes d’Afrique. Ses méthodes ont été parfois contestables, mais elles pouvaient être compréhensibles et même justifiables, dans un contexte d’opposition difficile en Afrique. C’est justement en se remémorant tous les sacrifices qu’il a consentis et toute la peine qu’il s’est donnée pour devenir président de la République que l’on peut se dire mais quel dommage ! S’il avait été plus sensible au sort de ses concitoyens qu’à celui de sa famille, il serait sans aucun doute l’un des plus grands hommes de l’histoire contemporaine et un des plus grands génies politiques de son temps.
Tout a commencé à se gâter quand son eugénisme primaire et sa soif obsessionnelle de grandeur lui ont fait penser qu’il pouvait imposer son fils à la tête de ce pays. Tout ce qui s’opposait à cette dévolution monarchique du pouvoir devait être réprimé par la force. Ce pays s’est refusé à cet arrangement, puisqu’il ne s’est jamais offert à lui. Une semaine avant sa raclée du 22 mars 2009, Karim Wade déclarait à la radio que « la campagne électorale a montré, Mamoudou, que je mobilise plus que toute l’opposition réunie ». Il est clair qu’à la lumière de tout ce qui a été sacrifié pour parvenir à ce résultat, Abdoulaye Wade doit aujourd’hui regretter de s’être laissé berner. Il a démantelé l’Etat qu’il a trouvé, désorganisé le parti qu’il a créé dans le seul but de nous imposer son fils, « le seul capable de diriger un si grand ministère », malgré ses résultats électoraux catastrophiques. Les évènements qui se déroulent dans le monde doivent lui causer des cauchemars. En voulant le bonheur de son fils, il a causé son propre malheur. Même sa stratégie moribonde qui consistait à diviser les musulmans pour réunir les mourides autour de sa personne a été un échec.
Une présidence qui s’étale sur douze années, deux mandats successifs pour aboutir à cette présidence pour rien. Tous les progrès réalisés au début des années 2000 ont été anéantis par le brouillon qui entoure ses prises de décision, la cacophonie qui règne dans son gouvernement. Il a sans doute profité du pouvoir, mais toutes ces faveurs qu’il s’est offertes ne représentent plus rien à côté de ses angoisses existentielles. Il aurait pu connaître une fin semblable à celle de Mandela. Mais rien de si grand ne lui sied. Il a sans doute l’intention de bien faire, maintenant qu’il lui apparaît au grand jour que son projet monarchique est une folie. C’est l’explication qu’il faut donner à la maladresse avec laquelle il cherche à alléger sa conscience. Mais les forces lui manquent. Sa mémoire l’abandonne. Son corps, qui le portait fièrement, est devenu son principal obstacle. Il est littéralement dans ce que de Gaulle considère comme un naufrage, la vieillesse. Ses proches auraient pu lui être d’un grand secours, en de telles circonstances. Mais il les observe d’un regard résigné. Il a atteint un âge où il ne se fait plus aucune illusion sur les hommes. Il sait que tous ceux qui l’entourent de propos élogieux n’attendent que sa chute pour le haïr, sa mort pour le vilipender.
SJD
19 Commentaires
Ndiambé
En Mars, 2011 (08:11 AM)Reply_author
En Septembre, 2021 (15:27 PM)Grand Chef
En Mars, 2011 (08:14 AM)Krypton
En Mars, 2011 (08:21 AM)Gaynako
En Mars, 2011 (08:28 AM)et bien dit merci jules
Bc
En Mars, 2011 (08:40 AM)Thiopos
En Mars, 2011 (08:45 AM)Bayezale
En Mars, 2011 (09:23 AM)Sanndiaye
En Mars, 2011 (09:53 AM)Pif
En Mars, 2011 (15:41 PM)Jen ai aasez d'abdoulaye wade je veux plus le voir,pffffffff le probleme ne se situe pas là ; mais il se trouve que les gens de l'oppositions ne m'inspirent point confiance popopop que dois -faire?????
Masseye
En Mars, 2011 (17:31 PM)Anita Chaupin
En Mars, 2011 (19:48 PM)Zo
En Mars, 2011 (00:31 AM)Il a des contes personnel
Et même des idées hypocrites
Ozi
En Mars, 2011 (12:52 PM)Une Lectrice
En Mars, 2011 (13:26 PM)Requin
En Mars, 2011 (15:35 PM)Weuz
En Mars, 2011 (17:01 PM)Game Over
En Mars, 2011 (23:04 PM)WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!!
WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!!
WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!!
WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!!
WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!!
WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!!WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!! WADE DEGAGE!!!
Feeegne
En Mars, 2011 (01:39 AM)Sada
En Mars, 2011 (19:21 PM)Participer à la Discussion