Derrière le rideau de truismes (sans sécurité pas de développement ; sans paix pas de progrès ; sans quiétude pas de succès etc.) se cache une milice politique de proximité sous des dehors sémantiques qui arrachent l’adhésion et confisquent l’approbation : Agence de Sécurité de Proximité. Mais une fois le vernis lessivé, apparait monstrueusement un Régiment de Tontons-Macoutes en gestation.
Au nom du double volet de la gouvernance sécuritaire (probablement un sous-produit de la gouvernance vertueuse prônée par l’APR) et de l’emploi des jeunes, l’Etat va incessamment créer un corps hybride qui fera figure d’ersatz de la police, de lie de la gendarmerie et d’écume de l’armée. Un corps inclassable et inqualifiable. Et, surtout, d’essence dangereusement et drôlement antirépublicaine. Car, en voulant théoriquement endiguer les agressions et les vols, on commence paradoxalement par agresser l’orthodoxie républicaine.
Depuis Max Weber, tout le monde admet que « l’Etat détient le monopole de la violence légitime ». Dans un Etat crédible et dans une République non bananière, comme le Sénégal, l’exercice de « la violence légitime » est historiquement distribué entre la police, la gendarmerie et l’armée qui sont – statut et formation obligent – non partisanes. Chose essentielle et non étrangère à l’essor démocratique et à la vigueur institutionnelle de notre pays. Réalité précieuse et salvatrice pour les hommes politiques qui, depuis1960, se succèdent au sommet de l’Etat sans bain de sang. Et enfin, motif national de fierté et de satisfaction bien partagé par les citoyens.
Alors, pourquoi juxtaposer à ce substantiel et rassurant socle de sécurité (police, gendarmerie et armée) une force nouvelle aux contours effarants et effrayants ? Les réponses fournies, jusque-là, ne résistent pas à l‘examen. Les poches de flou pullulent, en dépit des prouesses dialectiques et astuces langagières – sur le double thème de l’emploi et de la sécurité – tirées de la belle et abondante rhétorique du directeur de l’Agence de Sécurité de Proximité (ASP), Pape Khaly Niang.
A cet égard, on peut chapitrer les interrogations, les appréhensions et les doutes autour de trois points : la nature de la mission, le mode de recrutement et la chaine de commandement. Sur le premier, on n’a guère besoin de s’appesantir sur les besoins et les défis, pour convaincre les Sénégalais sur la nécessité de résorber le déficit de sécurité. Autant perdre son temps à prêcher des convertis. La préoccupation porte plutôt sur l’instrument de sécurisation (ASP) qui ne doit pas être un vecteur d’insécurité pour les populations. Et de périls pour la démocratie.
Une dizaine de milliers de jeunes et de moins jeunes (sans Etat-major digne de ce nom) directement rattaché à la Présidence, représente forcément une milice flottante – en marge des services classiques de sécurité – et menaçante. En effet, personne ne peut préjuger de son attitude, au lendemain d’un scrutin aux résultats farouchement contestés. Là où la police et la gendarmerie seront légalistes et professionnelles, l’ASP pourrait être partisane, c’est-à-dire pleine de gratitude envers son créateur. Et par conséquent, furieuse et déchainée contre les manifestants.
Au demeurant, les Généraux, Colonels et Commissaires étant plus diplômés que nombre de ministres, il va sans dire qu’ils refuseront d’exécuter des ordres démesurés et déraisonnables qui les catapulteront directement devant les juges de la Cour Pénale Internationale (CPI), à l’instar de Charles Taylor, Jean Pierre Bemba ou le chef milicien Thomas Lubanga de la RDC. En revanche un obscur chômeur de la banlieue, promu miraculeusement fonctionnaire (sans concours) est prêt à tout, pour pérenniser le pouvoir de ses bienfaiteurs.
Toujours au chapitre de la mission, la feuille de route est douteuse, au vu des deux défis (majeur et secondaire) de sécurité qui interpellent le gouvernement. Le défi majeur s’appelle la Casamance où se joue le destin unitaire du Sénégal. Alors, partant du postulat que « sans sécurité, il n’existe de développement » selon la ritournelle de Pape Khaly Niang, il devient plus prioritaire et vital de liquider le rebelle qui agresse les institutions et hypothèque l’unité nationale, avant de combattre le pickpocket de Pikine. A cet effet, l‘armée pourrait, avec un budget conséquemment augmenté, renforcer ses effectifs avec le cinquième des dix mille hommes prévus pour l’ASP. Un supplément d’effectifs qui la soulagerait des servitudes de la défense statique des cantonnements protecteurs des villages et des villes ; et la rendrait plus mobile sur le théâtre des opérations. Tous les spécialistes savent que la défensive tue les armées ; tandis que l’offensive les vivifie.
A propos du mode de recrutement, le dernier communiqué de la direction de l’ASP, alarme à outrance les observateurs qui apprennent que le certificat d’études primaires et élémentaires n’est plus exigé ; tout comme n’est plus impérativement réclamé, avant recrutement, le casier judiciaire du candidat. Effarant et effrayant ! En l’absence du filtre ou tamis moral, l’ASP ou milice politique de proximité va enrôler des brigands, des forbans, des flibustiers, des corsaires et des pirates. Ce qui, apparemment, n’émeut personne. Ni les sentinelles (introuvables) de la Démocratie ni les gardes-chiourmes (invisibles) de la République. Même les alliés d’aujourd’hui, et rivaux de demain, se taisent curieusement. Quant à l’Assemblée nationale, elle est désarmée par le fait que la direction de l’ASP reste logée à la Présidence, avec un directeur (non ministre) qui n’est convocable par et devant les députés, qu’avec l’autorisation du chef de l’Etat. La jurisprudence Karim Wade, patron de l’ANOCI, est passée par là.
Le volet relatif à la formation reste également un terreau fertile en questions…sans réponses. La formation sera-t-elle standard, donc assimilable à celle de la police ? Les agents de sécurité et de proximité feront-ils du renseignement sans un brin de formation dans ce domaine ? Dans cette perspective-là, bonjour les dégâts ! Les miliciens, fers de lance de la Révolution de Sékou Touré et les CDR de Thomas Sankara, dénonçaient et emprisonnaient des gens dont le seul tort fut d’être plus aimés par une fille convoitée. « Le renseignement est un métier de Seigneurs » disait l‘Amiral Canaris, chef des services secrets de Hiltler. Et non une activité réservée aux fripouilles.
Enfin, le manque de clarté autour de la chaine de commandement laisse perplexes les analystes. Dix mille agents, c’est un volume d’hommes qu’on ne peut pas mettre en branle à l’échelle du territoire, sans des articulations étoffées et solides. Dans l‘armée, les commandants de zone, sont des pièces maitresses du dispositif. A la gendarmerie, le maillage du territoire par les légions et les brigades demeure impressionnant. La police n’est pas en reste, avec ses commissariats, ses BMS et une compagnie du GMI (la 5ème) cantonnée en permanence, en Casamance. Autant d’articulations, de relais et de démembrements qui exigent une expertise disséminée dans la hiérarchie. Et bien étagée. Car pour commander, il faut être méritant suivant des critères et des tests éprouvés et concluants. Or, à l’ASP, on a le docteur Pape Khaly Niang. En dessous, c’est le désert voulu ; puisque le CEPE et le casier judiciaire ne sont pas exigés.
Dommage que l’Histoire bégaye de cette façon au Sénégal, royaume des institutions militaires et paramilitaires, toutes éclatantes de brillance. Une phalange de tontons-macoutes n’a a jamais fait le poids. En novembre 1968, les lieutenants Moussa Traoré, Kissima Doucoura et Tiécoro Bagayko ont balayé, en moins d’une heure, la nombreuse milice populaire de Modibo Keita. En Guinée-Conakry, dès que le dictateur Sékou Touré est mort, la milice s’est évaporée devant l’armée du Colonel (futur Général) Lansana Conté. Le 15 octobre 1987, les Paras-commandos de Pô ont effacé les fameux CDR de Thomas Sankara.
Ce projet laisse d’autant plus songeur, qu’il prend forme au moment où une tendance lourde et menaçante pour la démocratie se dessine ici et là. Y compris dans une citadelle de la démocratie comme le Bénin, avec un technocrate raffiné (Yayi Boni) qui veut – par des artifices politiques et juridiques – se maintenir au pouvoir. Non loin de là, c’est le Burkinabé Blaise Compaoré qui (sans surprise) veut se servir de l’institution sénatoriale, comme d’une bouée de sauvetage.
Sécurité de proximité ou Milice politique de proximité (Par Babacar Justin NDIAYE)
Par: Babacar Justin Ndiaye - Seneweb.com |
07 octobre, 2013 à 10:10:25
| Lu 34310 Fois |
52 Commentaires
Auteur: Babacar Justin Ndiaye - Seneweb.com
ON EN PARLE
Affaire Didier Badji-fulbert Sambou : Une Demande Cruciale Du Juge D’instruction Ignorée Par La Gendarmerie
Politique
19 décembre, 2024
[vidéo] Filmé à Son Insu Lors D'un Live De Adamo, Cheikh Yérim Seck Se Lache Sur Son Ex-femme
People
19 décembre, 2024
[ Exclusif] Ngaparou: L'ancien Candidat à La Présidentielle De La Rdc, Francis Mvemba, Arrêté
Video
19 décembre, 2024
Licenciement Abusif : Gabrielle Kane Gagne Son Procès Contre Le Promoteur Marc Alain Aldasoro
Justice
19 décembre, 2024
Nationalité, Droit Du Sol, Trafic D'identité... : Les 9 Questions Du Député Tahirou Sarr Au Ministre De La Justice
Politique
19 décembre, 2024
30 Millions Fcfa, Bague En Diamant, Voiture…: L’incroyable Dot De L’influenceuse Faynara
People
20 décembre, 2024
36 Commentaires
Justin88
En Octobre, 2013 (11:01 AM)Xeme
En Octobre, 2013 (11:06 AM)Bonjour Les Dégâts !
En Octobre, 2013 (11:07 AM)Injuma
En Octobre, 2013 (11:21 AM)Saër
En Octobre, 2013 (11:21 AM)Mayombé
En Octobre, 2013 (11:30 AM)Justin Beber
En Octobre, 2013 (11:31 AM)Reply_author
En Septembre, 2024 (11:06 AM)Pétaw
En Octobre, 2013 (11:32 AM)Atypico
En Octobre, 2013 (11:33 AM)Vrai
En Octobre, 2013 (11:52 AM)Bessell
En Octobre, 2013 (12:11 PM)Eveil....
En Octobre, 2013 (12:14 PM).....
Edou
En Octobre, 2013 (12:27 PM)Reply_author
En Septembre, 2024 (11:42 AM)Reply_author
En Septembre, 2024 (11:59 AM)PrioritÉs
En Octobre, 2013 (12:58 PM)Democrateradical
En Octobre, 2013 (13:41 PM)Heureusement qu'il y a encore TRES peu de DEMOCRATES et patriotes de la trempe de Justin pour dénoncer ce genre de Dérive qui menace dangereusement notre DEMOCRATIE!
Ag
En Octobre, 2013 (13:46 PM)Oh Pays Mon Beau Peuple!
En Octobre, 2013 (13:46 PM)Yeuk
En Octobre, 2013 (14:08 PM)aux buveurs de café qui jettent leur foutu gobelet plastique un peu partout,
aux gens qui font leurs ablutions sur la vois publique
aux maigas; aux vendeurs de ndamé et "sandiss" et forokh thiaya qui polluent nos villes et mettent en danger la santé des inconscients
aux gens qui pissent tout le long de l'autoroute et la façade contiguë à l’hôtel indépendance
à tous les gus qui nous empêchent d’arpenter normalement prévus pour nous piétons y compris les automobilistes qui stationnent anarchiquement
à toutes les acteurs d'autres formes d’incivilité et indiscipline qui nous pourrissent la vie
SUIS OK, le reste laissez -le aux forces de sécurité que sont Police et gendarmerie.
Omar Seck
En Octobre, 2013 (14:18 PM)Boy Serere
En Octobre, 2013 (14:59 PM)je sais que vous maniez très bien la langue de molière mais bon faut pas en faire trop non plus
Sinon bonne analyse
Zing
En Octobre, 2013 (15:22 PM)QU'EN PENSEZ VOUS?
Lick1239
En Octobre, 2013 (15:59 PM)"Le volet relatif à la formation reste également un terreau fertile en questions…sans réponses. La formation sera-t-elle standard, donc assimilable à celle de la police ? Les agents de sécurité et de proximité feront-ils du renseignement sans un brin de formation dans ce domaine ?"
Nous risquons de mettre en péril notre cher pays
Zico
En Octobre, 2013 (16:00 PM)@ Oumar Seck
En Octobre, 2013 (16:24 PM)Moi
En Octobre, 2013 (16:25 PM)Teufffff
En Octobre, 2013 (16:54 PM)Bounkhatab
En Octobre, 2013 (17:08 PM)On nous dit que les éléments de cette agence de sécurité seront formes et mis a la disposition de la police et de la gendarmerie. Même les gendarmes auxiliaires et les auxiliaires de police mis a la disposition de ces entités sont mal encadres et commettent des bavures a longueur de journée. Les choses ainsi présentées, je suppose que ce sont le matériel et l'armement des policiers ou gendarmes qui seront utilises. Bonjour les dégâts et les fuites de responsabilités.
Si le gouvernement persiste et veut vaille que vaille créer ce monstre, je leur conseille de mettre a contribution l'expertise et l'expérience d'officiers ou grades de gendarmerie et de police en retraite et connus pour leur rigueur et leur sens de l'organisation du travail bien fait. Eviter de recruter des gens par piston. En conclusion, je dirai que cette agence ne sera que source de problèmes, connaissant la nonchalance légendaire des sénégalais en toute chose.
Eh Oui Et Oui
En Octobre, 2013 (17:44 PM)O L I
En Octobre, 2013 (17:48 PM)Reply_author
En Septembre, 2024 (15:38 PM)Kebir
En Octobre, 2013 (17:56 PM)Le problème avec le régime actuel c'est qu'il n'a pas de vision. Personne ne sait où l'on va. On fait partout du colmatage en faisant du surplace. L'histoire des milices est une affaire trop sérieuse pour qu'on puisse la laisser uniquement entre les mains de pseudo intellectuels qui ne font autre chose que défendre leur pain. Je défie M. Niang de nous dire en quoi cette milice peut assurer le développement du pays alors que les urgences sont ailleurs. C'est franchement insulter le peuple en s'activant de la sorte alors qu'on peine, depuis presque un mois, à assurer une distribution correcte de l'eau dans la capitale.
J'espère, M. Ndiaye, qu'après votre cri d'alarme Macky Sall fera machine arrière en abandonnant ce projet inutile et dangereux qui risque de plonger le Sénégal dans des lendemains incertains.
Ndiaye Euro
En Octobre, 2013 (18:00 PM)Cheikh Khole
En Octobre, 2013 (19:18 PM)Beye
En Octobre, 2013 (20:20 PM)L'homme
En Novembre, 2013 (02:57 AM)Bes Du Niakk France
En Novembre, 2013 (14:11 PM)lundi 25 novembre 2013
Bes Du Ñakk/France : Par devoir de réponse, « Non à la (...)
A ces fanfarons en quête de larrons au service du Vicomte, nous vous disons Basta : nous n’accepterons pas « And Pathio Rewmi » mais plutôt « Bolo Disso Nawanté ». Nous vous rappelons la demande sociale à savoir l’emploi des jeunes, l’éradication de la précarité dans les foyers et surtout la résolution immédiate de la crise du système éducatif sénégalais. Au président nous vous demandons de penser à ABC qui vous demande de vous réveiller avant minuit car le réveil brutal de votre prédécesseur est encore vif dans les mémoires.
Bes Du Ñakk/France tient à féliciter son vaillant Président pour sa réélection fulgurante à la tête de la « Conférence Mondiale des Religions » comme co-président, mais aussi pour sa perspicacité et son intégrité au sein de la coalition Benno Bokk Yakar.
En effet, nous saluons une démarche innovante qui n’est pas basée sur le clientélisme ou sur la racketterie politiques mais plutôt une action d’homme de pensées comme le stipulait Bergeson.
« Gouverner c’est prévoir » c’est le b-à-b.a. de la gouvernance publique mais aussi le leitmotiv de tout citoyen qui agit pour l’évolution de la Cité. De ce fait, un responsable politique est viscéralement tenu de se préoccuper des questions nationales en étant une sentinelle. A cet effet, le président Mansour SY Djamil a tiré sur la sonnette d’alarme pour attirer l’attention de l’opinion sur un danger rampant : la naissance d’une milice qui n’a de nom que la sécurité de proximité et de prétexte que le recasement des militants « apéristes ».
Dire aujourd’hui que l’Etat ne peut satisfaire que 5000 demandes sur 100000 enregistrées alors qu’à l’opposé le recrutement de 10000 « apéristes » est viable, suscite des interrogations : quelle est la volonté de ceux qui nous gouvernent ? En attente de calendriers pour la tenue des élections locales tant espérées- nous ne voulons pas penser à la possibilité des délégations spéciales mijotées en coulisse - l’émergence de cette milice n’est-elle pas un signal du parti au pouvoir ?
Que dire de notre police républicaine appelée à relever le défi partout où il y’a des conflits : a-t-elle besoin d’être dévalorisée à ce point ? Nous disons Non ! Et nous pointons l’ingratitude du ministre de l’intérieur qui par la même occasion ignore l’histoire sublime de ces corps qui ont promu le Sénégal partout dans le monde.
A ces fanfarons en quête de larrons au service du Vicomte, nous vous disons Basta : nous n’accepterons pas « And Pathio Rewmi » mais plutôt « Bolo Disso Nawanté ». Nous vous rappelons la demande sociale à savoir l’emploi des jeunes, l’éradication de la précarité dans les foyers et surtout la résolution immédiate de la crise du système éducatif sénégalais. Au président nous vous demandons de penser à ABC qui vous demande de vous réveiller avant minuit car le réveil brutal de votre prédécesseur est encore vif dans les mémoires.
Bes Du Ñakk/France fait bloc derrière son Leader et l’encourage à suivre cette voie, à savoir exprimer son point de vue sur les questions nationales chaque fois que de besoin.
Vive le Sénégal, Vive l’Afrique, Vive Bes Du Ñakk.
BDN/FRANCE
Bes Du Ñakk/France
Lokosso
En Novembre, 2013 (16:27 PM)Participer à la Discussion