Cent jours ! C’est un marqueur symbolique, baromètre non pas pour tirer le bilan d’un quinquennat, mais pour mesurer les initiatives déjà prises face aux nombreuses urgences des Sénégalais qui ont plébiscité ce nouveau régime à l’issue du scrutin présidentiel du 24 mars 2024.
Durant ces cent jours, beaucoup d’actes courageux ont été posés, présageant une nette rupture dans la gestion des affaires publiques. En effet, sachant que le développement effréné de la corruption à tous les niveaux de l’administration publique est l’une des principales raisons de la révolte des Sénégalais contre l’ancien régime et de leur adhésion au Pastef, des audits sont déjà lancés dans les comptes publics des ministères ou encore sur les constructions littorales.
Les chantiers concernés sur le domaine public maritime sont à l’arrêt depuis mai pour vérifier qu’ils sont en règle. Le nouveau président a également lancé de nombreux audits depuis avril, par exemple dans le secteur du pétrole, du gaz et des mines.
Mais les conclusions de tous ces audits ne sont pas encore connues, le sort réservé aux personnalités épinglées dans les rapports des corps de contrôle n’est pas non plus connu.
Dans le domaine de la justice, que Bassirou Diomaye Faye avait promis de réformer en profondeur, le gouvernement a aussi agi rapidement en organisant des assises dont sont sorties une dizaine de recommandations. Et tant d’autres mesures rassurantes ont été prises.
Toutefois, il faut le constater, des questions restent sans réponse.
Sur le sujet relatif à l’homosexualité, son mentor et actuel Premier ministre, Ousmane Sonko, avait promis de la criminaliser. Au pouvoir, il estime, devant Jean-Luc Mélenchon, de la « gérer ».
Autre point qui reste en suspens, c’est la dissolution fortement agitée de certaines institutions. En effet, pour rationaliser les dépenses de l’État, le Président élu avait promis de prendre un certain nombre de mesures parmi lesquelles la suppression du Conseil économique social et environnemental (Cese) et du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), considérés comme des structures budgétivores servant à caser une clientèle politique. Mais la tâche s’est annoncée difficile pour le tandem Diomaye-Sonko. Car contrairement à ce que l’on pense, un décret ne peut pas acter la mort de ces deux institutions parce qu’elles ont été installées respectivement par les lois organiques n°2012-16 du 28 septembre 2012 et n°2016-10 du 05 avril 2016. Par conséquent, le successeur de Macky Sall doit passer par l’Assemblée nationale et obtenir l’adhésion du 3/5 des députés. Ce qui ne sera pas du tout facile. Ont-ils entrepris des démarches dans ce sens ? Les Sénégalais attendent d’être édifiés.
Karim Wade et la corruption présumée au Conseil constitutionnel
Quid des graves accusations de corruption au Conseil constitutionnel ? Malgré son rôle très décisif dans l’organisation du scrutin présidentiel du 24 mars dernier, malgré les caprices et les calculs électoralistes de la classe politique sénégalaise, cette juridiction suprême a été traînée dans la boue, à tort ou à raison. Le Pds qui, dénonçant l’invalidation de la candidature de Karim Wade pour double nationalité, lui a porté un sacré coup avec à la clef de graves accusations de corruption et de conflits d’intérêt. Soutenu par l’Apr, parti du chef de l’Etat sortant, et une bonne partie des membres de Benno, le PDS a avancé l’existence de « conflits d’intérêts », d’« avantages », des « soupçons de corruption et de collusion » de certains membres du Conseil avec des candidats. Aussitôt après son installation en tant que cinquième président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye a vite fait annuler les derniers décrets de nominations de magistrats pris par Macky Sall. Pendant ce temps, l’enquête sur l’affaire relative à ces graves accusations de corruption de « sages » reste au point mort, suscitant moult interrogations surtout si l’on sait que le Pds a finalement annoncé son soutien, à la fin de la campagne présidentielle, au candidat de Pastef. Ya-t-il des négociations ?
Autre interrogation : l’étendue du champ de la loi d’amnistie. Le texte initié et défendu par Macky Sall lui-même, est la concrétisation d’une « volonté d’apaisement de l’espace politique, de réconciliation et de dépassement », selon la présidence sénégalaise. « Cette loi d’amnistie permettra de pacifier l’espace politique et social, de raffermir davantage notre cohésion nationale et de maintenir le rayonnement démocratique de notre pays », déclarait le président d’alors. Elle couvre « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non ».
En tout cas, l’expression « motivations politiques » est un fourre tout qui peut être sujette à différentes interprétations. Cependant, cette affaire mettant en cause l’honorabilité des juges, des sages de surcroît, mérite d’être élucidée.
Les nouvelles autorités sont-elles disposées à revoir cette loi d’amnistie ? Y a-t-il réellement un protocole du Cap Manuel ?
Qui devra vider définitivement le contentieux, -encore en suspens, entre l’Etat et Karim Wade, dont l’amende de 138 milliards F Cfa par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) ?
Des nominations sans appel à candidature, loin des promesses du président, ont fait grincer des dents. Plusieurs dizaines de postes de direction dans l’administration sont concernés. Pourtant, cette promesse, fortement agitée, suscitait beaucoup d’espoir, car elle s’inscrit dans une perspective de rupture. Ce serait ainsi une première dans l’histoire du Sénégal que de si de hautes responsabilités puissent être soumises à des appels d’offres, au détriment d’un système archaïque qui se préoccupait davantage du clientélisme politique, une avancée majeure pour la bonne gouvernance et la transparence.
Aujourd’hui, le chef de l’Etat et son Premier ministre se sont-ils confrontés à la réalité du pouvoir politique et aux exigences de la gestion des affaires publiques ?
Enfin, le président Bassirou Diomaye Faye avait annoncé la refondation des institutions au nombre de ses priorités. Il s’agit là effectivement d’un chantier prioritaire et important puisqu’il a pour objet à la fois de normaliser le fonctionnement des institutions de la République, de les refonder effectivement et en même temps de promouvoir les principes républicains et démocratiques renforçant les libertés individuelles tout en fondant le vivre-ensemble et la réconciliation nationale. Candidat, il avait même signé avec l’organisation citoyenne « Sursaut national » le Pacte national de bonne gouvernance basé sur les conclusions des Assises nationales et les recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri). Qu’en est-il maintenant ?
Certes, redresser un pays, ça ne se fait pas en 100 jours. C’est du long terme, un travail de longue haleine. Mais les Sénégalais attendent et espèrent être édifiés sur pas mal de questions.
6 Commentaires
Moctome Lo
En Juillet, 2024 (09:35 AM)FENN MOUYE DOHH
Moctome Lo
En Juillet, 2024 (11:09 AM)QUEL LÂCHE
100 Jours Sans Projet
En Juillet, 2024 (11:10 AM)100 Jours Sans Projet
En Juillet, 2024 (11:10 AM)Participer à la Discussion