Le Premier Président de la Cour suprême a mis les points sur les… j. Justice. Justesse. Cheikh Tidiane Coulibaly, plus que jamais gardien du Temple de Thémis. L'occasion faisant le larron, il a rappelé à juste titre le principe de la séparation des pouvoirs consacré par la Loi fondamentale du pays. De ce fait il est aussi gardien de la Constitution. Ce n'est pas encore le "devoir d'ingratitude" à la Badinter qui l'habite. Mais ça y ressemble. Robert Badinter a théorisé "le devoir d'ingratitude du juge (le juge constitutionnel en l'occurrence) vis-à-vis de celui qui l'a nommé". Cet avocat réputé, bien connu des Sénégalais pour avoir défendu le Président Mamadou Dia lors de la crise politique de 62, fut ministre de la Justice du Président François Mitterrand qui le nomma par la suite au Conseil Constitutionnel français. Sa sagesse est légendaire.
Le Président de la Cour suprême sénégalaise s'en inspire. Il tient ainsi son rang et pose un acte digne de sa toge. Cette robe noire, dit-on, rappelle au juge sa condition de mortel. Il remet le droit à l'endroit et chacun se voit à sa place. Voilà ce qu'on attend d'un arbitre : rappeler les règles du jeu et les faire respecter en se faisant respecter. "Il faut éviter de faire de la Magistrature un enjeu politique", tonne le "sage" de la Cour suprême. Il ne s'est pas dérobé et il n'a pas non plus tremblé pour user de son manteau et de son marteau de Président quand il s'est agi de clore le débat et d'imposer le silence dans la salle.
Tout est dit dans ces lignes : "Dans un système de séparation des pouvoirs, reconnaître les attributs de chaque pouvoir est un gage de confiance des citoyens. Autant je m'emploierai à protéger le pouvoir judiciaire contre toute atteinte pouvant remettre en cause son indépendance et la dignité de ses membres, j'exigerai autant de la part des magistrats un comportement exemplaire." Et d'enchaîner comme pour marquer son territoire : "Le pouvoir de discipline du Conseil que j'ai l'honneur de présider est exercé exclusivement par le Conseil supérieur de la Magistrature (Csm), composé uniquement de mes pairs. Le Ministre de la Justice ne dispose d'aucun pouvoir disciplinaire, même à l'égard des magistrats du parquet et ne peut que dénoncer au Csm les faits motivant les poursuites disciplinaires…"
Si le souci du Président Coulibaly est de ramener la sérénité au sein de la famille judiciaire, il y est parvenu. C'est parce qu'il en a l'étoffe et le coffre. N'est-il pas un des trois juges de la chambre d'accusation de la Cour d'Appel de Dakar qui ont prononcé, en mai 1994, la relaxe de Me Abdoulaye Wade dans l'affaire de l'assassinat de Me Sèye ? Avait-il raison ? Avait-il tort ? Disons qu'il avait jugé selon son intime conviction. Un jour, la Vérité finira par triompher. Pour l'instant, le parcours de Cheikh Tidiane Coulibaly lui donne le statut et la stature de chef de famille, la famille judiciaire : juge d'instruction, juge d'appel, juge "suprême", juge des juges. Le ton et la tonalité de son communiqué laissent transparaître une légitimité et une autorité bien établies.
Vrai que la Magistrature sénégalaise n'est pas exempte de reproche. Vrai aussi que tous les magistrats n'ont pas eu ou n'auront pas "une mention honorable sur les langues de la postérité". Force est de reconnaître cependant que l'actuel Premier Président de la Cour suprême s'inscrit dans la lignée de ses prestigieux prédécesseurs qui ont écrit les plus beaux chapitres de la magistrature d'ici et d'ailleurs. Ils se nomment Isaac Forster, Kéba Mbaye, Assane Bassirou Diouf, Ousmane Camara, Youssoupha Ndiaye, pour ne citer que ceux-là.
La Cour a maintenant parlé. Le droit va être dit. Silence !
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