« Ceux qui tombent entraînent souvent
dans leur chute ceux qui se portent à leur secours »
Stefan ZWEIG
dans leur chute ceux qui se portent à leur secours »
Stefan ZWEIG
Il n’y pas eu, ces dernières décennies, de phénomène plus antipathique que ce Mamadou Massaly. Ses lettres de noblesse, il les a acquises dans la forfanterie et l’insolence pure, après une scolarité ratée. S’il est donc un objet de préoccupation pour ses contemporains, c’est bien en raison des dangers que cet écervelé fait courir à son pays. Ce n’est pas de lui, mais de la Justice qu’il s’agit. Ce n’est pas l’avenir des Jeunesses wadistes -sa création de génie- qui se joue au tribunal, mais l’avenir de la Justice sénégalaise. Ce qui passait pour une affaire du Parti socialiste est devenu, par la crâne bêtise d’un seul homme, une affaire de tous les juges. En revendiquant son crime avant de le commettre, ce voyou reçu au Parti démocratique sénégalais avec les honneurs ne fait pas que narguer les policiers. Les fariboles qu’il a débitées dans les oreilles de sa compagne, promettant qu’il ne ferait que deux jours en prison, sont une insulte faite à chaque juge. Personne ne s’était montré aussi condescendant avec le système judiciaire de ce pays. Depuis son incarcération, il assure, avec une certitude presque mystique, que Karim Wade le sortira de là. Ce sera donc, messieurs les juges, votre liberté ou celle de Massaly. Votre avenir est entre vos mains. Vous ne devez pas laisser ce bandit de carrière avoir raison sur vous et sur nous tous qui trouvons encore des raisons de croire en la Justice de notre pays. Car, des résultats de votre délibération, ce mercredi 3 février, dépendra la réputation et l’honneur de nos juges.
Si nous insistons pour que justice soit faite, c’est que l’avenir de la Justice en dépend. Mais au-delà de ce personnage loufoque, vous adresserez un message à tous ceux qui seraient tentés de commettre les mêmes crimes. Il faudrait que la décision issue de vos délibérations ait une valeur punitive pour ce Massaly et une fonction dissuasive pour tous ceux qui sont tentés de faire comme lui. A la vieille époque, ce genre de personnages étaient pendus en public, pour servir d’exemple. A cause de ce Massaly et de celui qu’il considère comme son idole, Farba Senghor, ce pays vit un psychodrame permanent que vous avez, vous juges, la charge de faire cesser. Depuis que le chargé de la propagande du Pds a été forcé à la retraite anticipée par ses propres affres, le Pds ne jurait que par ce successeur de talent. Mais il lui manque l’intelligence et la ruse des grands bandits. Pour sortir de prison, il ne parie pas sur son innocence. Il plaide qu’il doit faire élire Abdoulaye Wade, comme si l’avenir de toute la mouvance présidentielle reposait sur les épaules de ce gaffeur-polygame. Le Pds raffole de ce genre d’énergumènes, Abdoulaye Wade au premier chef. Ce que la coterie reproche à ce bohémien en costume-cravate, c’est d’être bête en plus d’être violent. Ils étaient sur le point de le ramasser sur le chemin de la prison quand il s’est emparé de son téléphone pour lâcher sa fameuse phrasée : « Ma chérie, je vais en prison pour deux jours, pour mettre à l’aise le président de la République. » Exactement ce que les comploteurs tapis dans les allées du palais de la République avaient soufflé à ce répétiteur pour le consoler. Les juges appelés à sa rescousse sont placés dans un dilemme angoissant : sauver Mamadou Ma-chérie ou sauver leur réputation.
Entre les deux, il y avait un choix possible, dire le droit en toute liberté. Mais l’empressement avec lequel le parquet a voulu expédier cette affaire et la requalification des faits qui a permis ce rabibochage de dernière minute ne sont en rien rassurants. Si Mamadou Massaly a bien été le commanditaire de cet acte odieux, ce dont tous les témoignages et les éléments de preuve attestent, il y avait quelqu’un pour verser l’essence et mettre le feu. Les Sénégalais ont revu leurs prétentions en matière judiciaire à la baisse, mais c’est l’honneur du juge qui est en jeu dans cette affaire. Derrière l’alignement à l’exécutif, souvent décrié par les justiciables, il y a la conscience de chaque juge, soumis au seul tribunal de sa conscience. C’est pourquoi nous ne pouvons qu’espérer que le juge chargé de dire le droit entende, à travers sa conscience individuelle, l’écho de notre conscience collective, celle de tous ceux qui militent pour une justice indépendante. Six mois d’emprisonnement, c’est trop peu pour quelqu’un qui menaçait la vie de plusieurs centaines de personnes avec sa boîte d’allumettes et sa gourde remplie d’essence. Il l’a fait et revendiqué auprès du commissaire Tendeng. Et pour discréditer le commissaire devant le juge, rien de plus imparable que du « il m’en veut parce que nous fréquentons la même femme ». Il faut avouer que ce Massaly est une vraie limace !
Sans qu’on y prenne garde, chers sénégalais, la fin de règne d’Abdoulaye Wade a transformé le palais de la République en une caverne de grands brigands. Ceux qui veulent justifier le déferlement de violence que nous vivons depuis plusieurs mois trouvent une excuse trop convenable, « le Ps aussi le faisait ». Cette pédagogie macabre est d’une logique bouleversante. Les libéraux justifient la violence par la violence, la mort par la mort. Les socialistes se tuaient entre eux, ce serait une malhonnêteté de ne pas l’admettre. Si j’ai encore du mal à croire à la rédemption de l’ancien régime, c’est bien en parfaite connaissance du mal qu’il nous a causé. Mais les socialistes n’allaient pas trouver de pauvres innocents pour les tuer. Ils ne tuaient pas des policiers en service commandé, des juges, des gardes du corps, des étudiants. Ils ne s’attaquaient pas à des leaders de parti la nuit pour leur casser les côtes. Quand il y avait des crimes avérés, les socialistes ne les laissaient pas impunis. A quelques exceptions près, tous ceux qui ont tué sous le régime socialiste ont été fusillés ou condamnés à de lourdes peines. Abdoulaye Wade s’est chargé, dès son accession au pouvoir, de les gracier ou de les amnistier. Clédor Sène, arrêté pour trafic international de drogue après sa libération, bénéficie d’une liberté provisoire depuis trois ans. Il avait lui aussi juré à ses codétenus de Rebeuss qu’il ne resterait pas en prison, ce qui était vrai. Nous sommes tous à la merci de ces bandits, qui n’ont aucun intérêt à ce que ce régime d’impunité prenne fin.
C’est que pour cet avocat de malheur qui nous gouverne, toutes les causes sont défendables, mêmes les plus mesquines. Les administrateurs civils, les diplomates et les universitaires qui assuraient l’administration républicaine de ce pays sont écartés, au profit de ses amis avocats et des affairistes. Il fait toujours appel à des gens dont la vocation n’est pas de faire appliquer la loi, mais de trouver les moyens de la contourner. Observez bien la liste des membres de son gouvernement ou la liste de ses ambassadeurs. De la Primature aux Affaires étrangères en passant par le ministère de la Justice, ce sont des avocats du privé qui avaient mis le nez dans l’affaire Me Babacar Sèye qui ont pris les commandes du pays pour le cannibaliser. Même son porte-parole était jusqu’ici choisi parmi les « avocats ». Abdoulaye Wade a toujours aimé fricoter avec les grands délinquants. Quand on fait le tour de ses plus célèbres clients dans sa carrière d’avocat, l’on est surpris par son attirance pour les grands criminels. Abdou Ndakha Faye, l’assassin de Demba Diop, côtoie sur sa liste des escrocs peu recommandables comme Abdou Khaliss, le multiplicateur de billets du Saloum ou Bouba Chinois, criminel récidiviste devenu homme de main du Sopi. Il y a, pour tous ceux qui sont pris de dégoût, un petit motif de consolation : Me Wade n’a jamais gagné un procès.
SJD
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