Les violences régulières auxquelles sont confrontées les forces de l'ordre tunisiennes ont fait ressurgir un texte polémique au Parlement, qui inquiète les défenseurs des libertés individuelles.
Le projet de loi 25/2015 relatif à la répression des atteintes contre les forces armées fait son retour. Le décès, fin juin à Sidi Bouzid, de l’agent Majdi Hajlaoui a suscité un électrochoc. Après que ce dernier a trouvé la mort de ses blessures, suite à son intervention durant des affrontements entre deux tribus, les syndicats de policiers, ont demandé à ce que le texte, présenté au Parlement en 2015 par le gouvernement Habib Essid soit réintroduit.
C’est chose faite depuis le début du mois. Mais la polémique n’a pas tardé à ressurgir. En effet, si le projet a ses partisans, il trouve aussi des détracteurs, notamment du côté des défenseurs des libertés individuelles et civiques. Déjà en 2015, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), avait, parmi d’autres, annoncé son hostilité au projet de loi.
Des approximations qui inquiètent
Pour le moment, les parlementaires de la commission de la législation générale, chargés d’étudier le texte, ont auditionné le ministre de l’Intérieur ainsi que des représentants de la corporation policière. En revanche, les acteurs de la société civile − a priori critiques sinon hostiles au texte − n’ont pas encore été écoutés. La commission leur a promis une journée « porte ouverte » durant laquelle ils pourront présenter leurs points de vue.
Les opposants au projet de loi s’inquiètent notamment du flou de certains dispositions prévues par le texte. Par exemple, l’obligation faite de demander une autorisation avant de diffuser ou de réaliser un film « sur les terrains des opérations sécuritaires » leur semble dangereux. Selon eux, cela pourrait conduire à punir des journalistes ou des citoyens ayant filmé, par exemple, un déploiement policier lors d’une manifestation.
« Un autre point discutable, c’est la notion très floue d’outrage aux forces armées », estime Amna Guellali, juriste et directrice du bureau de Tunis de Human Rights Watch, ONG s’étant publiquement prononcée contre ce projet de loi, à l’instar d’Amnesty International entre autres. Pour elle, le texte s’illustre là encore par une approximation dangereuse, qui pourrait menacer la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Le texte est-il conforme à la Constitution ?
Au Parlement, deux lignes s’opposent : d’un côté, de nombreuses voix plaident pour un soutien élargi, fusse-t-il symbolique, aux forces de l’ordre, qui sont la cibles de nombreuses attaques et sous pression ; de l’autre, les plus réticents remarquent que des dispositions existent déjà pour parer à ce phénomène, tant dans le Code pénal que dans le Code de justice militaire.
Si de nombreux élus semblent favorables au texte, certains pourraient, à en croire Amna Guellali, déposer un recours en constitutionnalité afin de vérifier si le texte est conforme à l’esprit de la loi suprême.
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