Au lendemain du limogeage du Premier ministre par le président KaÏs SaÏed et du gel du Parlement, des affrontements ont éclaté, lundi, devant le siège du gouvernement, à Tunis, où l'armée a été déployée. Une situation qui plonge la jeune démocratie dans une crise constitutionnelle.
Une crise politique qui tourne aux affrontements en Tunisie. Des heurts ont éclaté, lundi 26 juillet, devant le Parlement tunisien au lendemain de la suspension de ses activités par le président Kaïs Saïed et du limogeage du Premier ministre, plongeant la jeune démocratie dans une crise constitutionnelle.
Dimanche soir, après une journée de manifestations dans de nombreuses villes du pays, le président Saïed a annoncé "le gel" des activités du Parlement pour 30 jours. Il a aussi démis de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi dans un contexte de fort ressentiment populaire envers le gouvernement pour sa gestion de la crise sociale et sanitaire.
Échangeant des jets de bouteilles et de pierres devant le Parlement à Tunis, plusieurs centaines de partisans du président Saîed ont empêché, lundi, les partisans du principal parti parlementaire Ennahda de se rapprocher de leur chef, Rached Ghannouchi, également président du Parlement, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Stationné en voiture devant la porte close du Parlement depuis plusieurs heures, M. Ghannouchi est empêché d'y entrer par des forces militaires qui bloquent les portes de la chambre.
Ennahda, formation d'inspiration islamiste, a fustigé les mesures de Kaïs Saïed dénonçant "un coup d'État contre la révolution et contre la Constitution", dans un communiqué publié dimanche soir sur Facebook.
Le président de la République se chargera lui-même du pouvoir exécutif "avec l'aide d'un gouvernement dont le président sera désigné par le chef de l'État", avait déclaré la veille Kaïs Saïed, à l'issue d'une réunion d'urgence au Palais de Carthage avec des responsables des forces de sécurité.
Affrontement politique
Un bras de fer en cours depuis six mois entre Rached Ghannouchi et le président Saïed paralyse le gouvernement et désorganise les pouvoirs publics, alors que la Tunisie fait face depuis début juillet à un pic de coronavirus. Avec ses quasi 18 000 morts pour 12 millions d'habitants, le pays a l'un des pires taux de mortalité au monde.
Vers 03 h 00 du matin (02h00 GMT), Rached Ghannouchi s'est rendu devant le Parlement avec des députés d'Ennahda ainsi que la vice-présidente de l'Assemblée Samira Chaouachi, du parti allié Qalb Tounes.
"Nous voulons entrer au Parlement ! (...) nous sommes les protecteurs de la Constitution", a déclaré Samira Chaouachi aux militaires déployés derrière une porte fermée du Parlement, selon une vidéo publiée par des médias locaux et partagée sur les réseaux sociaux. "Nous sommes les protecteurs de la nation", a répondu l'un des militaires avant d'ajouter qu'il appliquait "les instructions".
"Le peuple tunisien n'acceptera jamais un pouvoir autoritaire quelques soient vos tentatives, donc ne continuez pas dans ce jeu", a réagi alors Samira Ghannouchi.
Manifestations
Outre Ennahda, les partis de sa coalition, Qalb Tounes et le mouvement islamiste nationaliste Karama, ont condamné les décisions de Kaïs Saïed. Dans l'opposition, le Courant démocratique, parti socio-démocrate qui a plusieurs fois soutenu le président Saïed, a rejeté sa prise de pouvoir.
Le Courant démocratique a néanmoins imputé la responsabilité de "la tension populaire et de la crise sociale, économique et sanitaire et le blocage des horizons à la coalition au pouvoir dirigée par Ennahda". Pour le président, ces décisions ont été prises "afin de sauver la Tunisie, l'État et le peuple tunisien".
Après le discours de Kaïs Saïed, des Tunisiens, exaspérés par les luttes de pouvoir et la dégradation de la situation sociale et sanitaire, étaient sortis dans la rue dimanche soir, en dépit du couvre-feu, tirant des feux d'artifice et klaxonnant avec enthousiasme à Tunis et dans plusieurs autres villes.
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